Ceux qui dans l’opinion avaient cru que le président de la République honoraire, confortablement installé dans son fauteuil d’autorité morale du Front Commun pour le Congo (FCC), la plus grande plateforme de la coalition au pouvoir en RDC, était parti pour se reposer durant 5 ans se seront lourdement trompé. Certes, en l’espace de 24 heures, le temps d’une passation civilisée de pouvoir au sommet tel qu’il avait plus que souhaitée, le 25 janvier 2019 Joseph Kabila avait tronqué la chevelure abondante et la barbe de révolutionnaire qu’il arborait depuis plusieurs mois. Comme pour se débarrasser de charges trop pesantes, et s’en aller durablement. Ce n’était qu’une impression. La réalité, on la connaît depuis le 22 octobre : à l’occasion de l’ouverture du séminaire d’évaluation du Parti du Peuple pour le Reconstruction et la Démocratie (PPRD) à Lubumbashi, Emmanuel Ramazani Shadary son secrétaire général a formellement annoncé le retour sur la scène politique de Joseph Kabila Kabange. Il est imminent : « notre Président National, Joseph Kabila Kabange, a décidé de faire sa rentrée politique dans les tous prochains jours, après un petit temps de vacance ou de congé fort bien mérité », a déclaré en substance celui qui fut le candidat de l’ancien parti présidentiel et du FCC à la présidentielle 2018.
Sur le terrain
S’il ne retourne pas au Palais de la Nation, cédé au président de la République élu en décembre dernier, et ne se montre pas pressé d’occuper le siège de sénateur à vie qui l’attend à la chambre haute du parlement au Palais du Peuple, Joseph Kabila sera donc bel et bien présent et plus qu’actif sur le terrain de la confrontation politique (et politicienne), à l’instar d’autres poids lourds de l’arène comme Jean-Pierre Bemba, Moïse Katumbi, Mbusa Nyamuisi …, pour ne citer que ceux des acteurs politiques qui ne font pas partie des institutions de la République. C’est suffisant pour bousculer voire, reconfigurer ce terrain d’affrontements pré-électoraux que l’on avait tendance à croire abandonné aux seuls opposants. Joseph Kabila, le FCC et le PPRD n’entendent pas céder du terrain à quiconque. Sur ce point, celui que l’on désignait il y a quelques mois encore comme le « dauphin du Raïs » n’y est pas allé par quatre chemins. A Lubumbashi, Emmanuel Ramazani Shadary a réitéré les ambitions de son parti politique (de tout parti politique, en fait) à l’intention de ses camarades : « Notre ambition la plus haute, pour le bien de notre patrie, c’est de remporter le plus grand nombre de sièges ; je veux dire, la majorité absolue des sièges dans toutes les instances délibérantes. Et la plus ultime de notre ambition, c’est celle de remporter entant que formation politique une victoire sans appel à la prochaine élection présidentielle… », a-t-il soutenu. Première force politique de la RDC avec 120 députés nationaux, 37 sénateurs, 167 députés provinciaux et 15 des 26 gouverneurs des provinces, le PPRD n’entend nullement se ratatiner et s’emploiera à préserver voire, à améliorer cet acquis : « Si nous nous reposons en oubliant de nous préparer avec force et intelligence pour les prochaines batailles électorales, qui ne sont pas du tout très lointaines, nous risquons de ne point atteindre notre objectif ultime de remporter la victoire à tous les niveaux du pouvoir d’Etat », a encore expliqué Shadary.
Préservation des acquis
Au-delà des réalités statistiques du moment, il s’agit manifestement, pour le PPRD comme pour le FCC, de s’assurer que l’oeuvre de refondation de la RDC « dans les dimensions les plus fondamentales de son existence et de sa survie en tant qu’Etat » entamée par Mzee Laurent-Désiré Kabila et poursuivie par Joseph Kabila se poursuivra. « Il s’agit pour nous de réitérer le serment du soldat du peuple, Mzee Laurent Désiré Kabila qui nous a demandé de ne jamais trahir le Congo en assistant passivement à sa désorganisation et à la condamnation de notre peuple au repli », assure le SG du PPRD. Le retour annoncé de Joseph Kabila sur la scène politique en RDC, 10 mois après la passation de pouvoir avec son successeur à la tête de l’Etat, ce sera pour veiller à ce que l’héritage ne soit pas galvaudé à la légère. C’est même pour surveiller son legs politique. « Le Camarade Joseph Kabila en appelle à notre conscience individuelle et collective afin de veiller, de surveiller, bref d’être vigilants », avait encore déclaré Ramazani Shadary. Une surveillance et une vigilance qui devraient profiter à la coalition au pouvoir, pour autant qu’elle s’inscrive et demeure dans la logique de la consolidation des valeurs d’indépendance et de souveraineté nationales. Sur le terrain de l’affrontement politique, Joseph Kabila pourrait apporter à Félix Tshisekedi le soutien dont le privent ses charges d’Etat face à des adversaires aussi coriaces que le MLC Jean- Pierre Bemba et le G7 Moïse Katumbi, voire, Martin Fayulu et Adolphe Muzito, engagés dans une croisade anti-Fatshi depuis novembre 2018 à Genève en Suisse.
J.N