Alors qu’ils s’étaient engagés à œuvrer en faveur d’une cessation immédiate des hostilités dans une déclaration conjointe signée avec le gouvernement de la RDC, le 23 avril 2025 à Doha au Qatar, les rebelles de l’AFC/M23 ont relancé les hostilités sur plusieurs lignes de front au Nord et au Sud-Kivu.
Au Nord-Kivu, dans la région de Tongo et Kabizo (chefferie de Bwito, Rutshuru), les affrontements, relancés depuis le week-end, avaient repris lundi 5 mai, entre les troupes de l’AFC/M23 et les Wazalendo du CMC/FDP. Les rebelles avaient repris le contrôle de Kabizo, une localité abandonnée depuis 6 mois, selon des sources locales. Alors que dans le territoire voisin de Masisi, des affrontements ont été signalés dans la région de Buabo.
Au Sud-Kivu, de nombreux accrochages entre les rebelles de l’AFC/M23 et les combattants wazalendo sont signalés. Dans les territoires d’Uvira et de Walungu, les agglomérations de Katogota et de Kamanyola situées entre les deux territoires sont le théâtre d’affrontements violents depuis le 5 mai 2025. Ils se sont particulièrement intensifiés sur les collines de Rutebe, Kayange et Luzinzi, causant des blessés parmi les populations civiles, selon des témoins.
Jusque mardi 7 mai 2025, la situation demeurait tendue dans la région, chaque protagoniste revendiquant la victoire sur l’autre.
Dans le territoire de Mwenga, l’AFC/M23 s’est emparée sans combats, lundi 6 mai 2025, de la chefferie de Luhwinja, après Kaziba, arraché la semaine dernière aux combattants wazalendo qui tenaient la localité après 48 heures d’affrontements ininterrompus. Des sources locales rapportent également que les groupements de Luchiga, Kabalole, Luduha et Idudwe sont également passés sous contrôle rebelle.
Luhwinja et Twangiza Mining occupés
La chefferie de Luhwinja, véritable objectif de l’offensive rebelle, est connue pour ses nombreux gisements aurifères. C’est la première entité du territoire de Mwenga, occupée par les rebelles depuis la prise de Bukavu en janvier dernier. Elle est située à moins de 5 km du site de la société minière Twangiza Mining, qui a construit une usine d’extraction et de transformation de l’or dans la contrée en 2014.
A l’origine, Twangiza Mining appartenait au Canadien Banro Corporation avec d’être racheté par un groupement d’entreprises chinoises. Jusqu’à l’occupation de Luhwinja par l’AFC/M23, le 6 mai dernier, les activités d’extraction et de transformation de l’or de Twangiza Mining se poursuivaient, selon des sources locales.
Mercredi 7 mai 2025, les responsables de cette entreprise qui emploie quelque 300 Congolais (contre 20 à 25 sujets Chinois) ont ordonné la mise à l’abri et la sécurisation des machines en vue d’une suspension des travaux dès jeudi 8 mai, selon des sources dans l’entreprise.
La recrudescence des attaques rebelles au Nord et au Sud-Kivu relance le problème de la fiabilité des engagements convenus avec le Rwanda ou avec les rebelles à sa solde.
Selon les observateurs, qui rappellent la stratégie habituelle de Kigali consistant à conforter ses positions sur le terrain des affrontements militaires à la veille d’importantes négociations, la multiplication des offensives de l’AFC est un appel du pied à l’intention de négociateurs qataris et américains.
Des revendications en sourdine
Malgré l’engagement pris, sous haute pression américaine et qatarie, à œuvrer en faveur d’un cessez-le-feu immédiat, l’AFC/M23 rumine des conditions à poser avant de mettre un terme aux affrontements. Probablement, une place à la table des négociations entre Kinshasa et Kigali, que les rebelles ont toujours réclamée.
Confinés au rang de groupe rebelle sans plus à Doha, l’AFC/M23 se sentirait à l’étroit au regard de ses prétentions à se prévaloir du même rang que le gouvernement de la RDC. Une impression confortée par l’approche sans détour du dossier de l’Est de la RDC par l’administration américaine. « Je m’occupe du Rwanda et du Congo qui se battent et nous essayons de régler ce problème. Et je pense que nous y sommes parvenus. Nous avons fait un excellent travail. Personne n’en parle, mais je pense que nous sommes sur le point d’y parvenir. Ils semblent sur le point de conclure un accord de paix, ce qui serait une bonne chose », avait annoncé aux médias, le 5 mai 2025, le président Donald Trump.
Le problème de l’Est de la RDC est donc un problème entre deux Etats, la RDC et le Rwanda, pour l’administration Trump qui semble ne pas accorder du crédit à la thèse d’une rébellion interne à la RDC soutenue aussi bien par Kigali que par ses phalanges armées du M23 et de l’AFC. Ce qui pose la question de l’avenir des rebelles après la signature attendue de l’accord de paix en juin prochain. En reprenant les offensives au Nord et au Sud-Kivu, l’AFC/M23 serait en quête d’assurances de la part des Qataris et des Américains.
J.N.