Surpris par le projet minerais contre sécurité, proposé par la RDC et avalisé par l’administration Trump, qui sonne le glas de son interventionnisme militaire chez son riche voisin, le Rwanda se cherche des voies pour rentrer dans les bonnes grâces américaines, qui lui ont été si utiles ces trois dernières décennies. Kigali offre ainsi aux Etats-Unis la possibilité de les débarrasser de leur trop plein de migrants étrangers indésirables.
Comme à son habitude, le pays de Kagame y va lentement mais méthodiquement. Après les sanctions imposées par les Etats-Unis au Rwanda pour son appui aux rebelles du M23, particulièrement, contre le général James Kabarebe, ministre rwandais de l’Intégration régionale pour son rôle dans l’offensive du M23 à l’Est de la RDC, Kigali a accusé le coup. Avant de profiter de l’offensive diplomatique américaine dans la région des Grands Lacs où elle entend s’approvisionner en minerais critiques, la diplomatie rwandaise a entrepris de renforcer les relations avec le pays de Donald Trump.
Lundi 28 avril 2025, Kigali et Washington DC ont tenu leur premier «dialogue bilatéral stratégique» post-sanctions. Les deux pays se sont engagés à entretenir un dialogue régulier et privilégié sur la politique, l’économie, la santé et la sécurité afin de promouvoir leurs intérêts communs, explique Olivier Nduhungirehe, le ministre Kagame des Affaires étrangères qui a effectué le déplacement de Washington à cet effet.
Négociations en cours
Dans la foulée, il semble que le Rwanda se soit proposé pour soulager les Etats-Unis de son trop plein de migrants. Dimanche 4 mai 2025, Nduhungirehe a annoncé sur les antennes de la télévision rwandaise que son pays était en discussion avec Washington pour accueillir des migrants expulsés par les Etats-Unis. «Nous n’avons pas encore atteint un stade où nous pouvons dire exactement comment les choses vont se dérouler, mais les discussions sont en cours… et elles n’en sont encore qu’à leurs débuts », a-t-il expliqué.
Au Rwanda et dans la région, l’annonce ne surprend pas beaucoup. En mauvaise posture diplomatique, pour la première fois depuis 30 ans, en raison de ses incessants raids pilleurs et massacreurs d’inoffensifs civils chez son immense voisin, Kigali est prêt à tout pour retrouver les bonnes grâces de la communauté internationale, les Etats-Unis en tête. Y compris en acceptant de servir sans scrupule de poubelle humaine pour l’administration Trump.
En la matière, le pays des Mille collines, pourtant le plus densément peuplé du continent, n’en est pas à son premier coup d’essai. En 2013, le président Paul Kagame s’était déjà illustré à travers la signature d’un accord secret avec l’Etat d’Israël portant sur l’expulsion de 4.000 demandeurs d’asile Erythréens et Soudanais vers Kigali.
Sur les traces du Royaume Uni
En janvier 2024, le Royaume-Uni s’est glissé dans la brèche ainsi ouverte par Israël. Après des mois de houleux débats, le premier ministre R. Sunak fit passer en force une loi permettant d’expédier des demandeurs d’asile au Rwanda, moyennant quelque 240 millions de livres sterling. Il a fallu attendre l’arrivée au pouvoir du travailliste Keir Starmer en juillet 2024, pour voir le gouvernement britannique mettre un terme à ce programme anachronique qui frise le trafic d’êtres humains.
Selon la presse américaine, l’administration Trump discute avec la Libye et le Rwanda de la possibilité d’envoyer des migrants qui ont des casiers judiciaires mais ont déjà purgé leurs peines dans les deux pays africains, conformément à un décret pris en janvier par le président Donald Trump, qui ordonne aux responsables américains du secteur de faciliter la coopération internationale et les accords pour l’envoi des demandeurs d’asile dans des pays étrangers. Un porte-parole du Département d’Etat assure à ce sujet que le ministère «travaille à l’échelle mondiale pour mettre en œuvre les politiques d’immigration de l’administration Trump».
Si pour la Libye, diverses sources proches du dossier assurent que les réunions entre les parties libyennes et américaines n’ont pas porté sur les déportations des migrants, il en va tout autrement du Rwanda.
Les Etats-Unis ont expulsé un ressortissant irakien vers le Rwanda dans le cadre d’un programme pilote, en mars 2025, selon J.F. Le Drian. Et Marco Rubio a déclaré au cours d’une réunion du cabinet que «nous recherchons activement d’autres pays pour emmener les gens des pays tiers». Et le Rwanda s’est positionné comme une décharge humaine pour les nations occidentales cherchant à externaliser leurs obligations envers les demandeurs d’asile, conclut J.F. Le Drian.
J.N.