Dans les territoires congolais sous occupation, le narratif rwandais sur la guerre et l’insécurité entretenues par Kigali en RDC ne tient plus la route. Impossible de ne pas se rendre compte du caractère économique et prédateur des virées militaires de Kigali, encore moins, du rôle de faire-valoir joué par les renégats congolais regroupés au sein des rébellions soutenues par l’armée rwandaise.
Vendredi 2 mai 2025, les autorités rebelles qui gèrent la province du Nord-Kivu occupée ont lancé des travaux de voirie. Le gouverneur AFC/M23, Erasto Bahati Musanga a inauguré à cet effet, le chantier de construction de la route Sake-Masisi-Walikale, dont la première phase, longue de 56 km, relie Sake à Masisi. Des travaux qui devraient faciliter le transport des biens et favoriser l’accès aux marchés pour les commerçants locaux, selon les autorités rebelles.
Les travaux de construction de la route Sake – Masisi ne sont pas confiés à une entreprise congolaise. C’est la rwandaise Delta Two Construction Ltd, dont le siège est basé à Kigali (4ème étage, Yussa Plaza, Kisimenti, KG118 ave), qui a gagné cet important marché infrastructurel. Fondée en 2008, l’entreprise est enregistrée au 101744139 du Registre de commerce rwandais et offre des services de construction, bâtiments, planification, développement des infrastructures, études des réseaux routiers, services environnementaux, recherche et développement, ingénierie et conception, bref, sans doute beaucoup plus que ne peut offrir le pays de Paul Kagame.
Entreprise rwandaise
Parmi les dirigeants de Delta Two, Eliezer Ndahayo, un ingénieur civil ou encore, Amanda Karenzi, responsable des achats et de gestion des risques. Aucun ressortissant de la RDC.
Des sources indépendantes renseignent que l’entreprise bénéficiaire du marché de construction de la route Sake-Masisi bénéficie de financements directs du gouvernement rwandais autant que du gouvernement français et de la Banque mondiale.
Au Nord-Kivu, Kigali s’octroie ainsi des marchés infrastructurels qu’il confie à une entreprise quasi-gouvernementale, confirmant ainsi les ambitions expansionnistes et les préoccupations économiques qui justifient les guerres menées contre son voisin congolais depuis 30 ans.
Des observateurs expliquent, en effet, que parmi les causes de la dernière agression de l’armée rwandaise, fin 2021, figure les contrats des travaux infrastructurels régulièrement conclus entre Kinshasa et Kampala, le 27 mai de la même année. Ils portaient sur la construction et le bitumage de 3 axes routiers stratégiques : Kasindi – Beni (80 km) ; Beni-Butembo (54 km) ; et Rutshuru-Goma (89 km) pour un coût global estimé à 334,5 millions USD à co-financé par les deux Etats.
Sphère d’influence de Kigali
En conflit larvé avec l’Ouganda à l’époque des faits, Kigali aurait manifesté des inquiétudes, craignant d’être isolé dans la géopolitique régionale. Mais des observateurs estiment qu’en réalité, Kagame et son pays considèrent une partie du Nord-Kivu comme relevant de sa sphère d’influence exclusive. Que Kinshasa ne peut engager sans son aval.
Le lancement des travaux sur la route Sake-Masisi révèle également le peu de cas fait par les occupants de leurs alliés congolais l’Alliance Fleuve Congo de Corneille Nangaa. Outre le fait que le Rwanda fait appel aux entreprises de son pays sans la moindre considération pour les entreprises congolaises du secteur, il ne semble pas que les renégats congolais aient été associés au projet à quelque niveau que ce soit.
Dans les territoires occupés, les intérêts prioritaires sont rwandais et non pas congolais. Un coup dur contre les revendications prétendument nationalistes qui justifieraient la rébellion lancée par Corneille Nangaa et ses amis.
J.N.