En RDC, le président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi, a surpris en nommant, le 1er avril 2024, une dame aux fonctions de 1ère ministre, cheffe du gouvernement. Cela n’était jamais arrivé au pays de Lumumba depuis 1960, année de l’accession du pays à la souveraineté nationale et internationale. Il ne s’agissait nullement d’un poisson d’avril. Judith Suminwa Tuluka, jusque-là ministre d’État en charge du Plan dans le gouvernement sortant, était bel et bien devenue 1ère ministre du gouvernement à mettre en place après les élections de décembre 2023.
Félix Tshisekedi a ainsi lancé son second mandat à la tête de la RDC par ce geste inédit en direction de la gent féminine qui demeurera marqué dans l’histoire du pays et du continent.
La plupart des Congolais saluent cette évolution vers la promotion de la participation des femmes à la prise de décisions au plus haut niveau de l’appareil étatique. «Le Président de la République démontre une fois de plus que son credo sur la masculinité positive n’est pas un vain mot», commente ainsi Aimé Molendo Sakombi, ministre des Affaires foncières du gouvernement sortant. Pour sa part, la professeure Dédé Aliango, une experte en inclusion financière, soutient qu’«il était vraiment temps d’essayer le leadership féminin et nous pensons que ce leadership va vraiment changer et bouger les choses au niveau de notre pays. C’est vrai que ça fait longtemps que nous essayions d’attirer l’attention et de démontrer qu’il existe énormément de femmes compétentes dans notre pays mais qui n’étaient pas suffisamment utilisées dans le cadre de son développement».
Idées alternatives, novatrices et courageuses
En dépit de la énième agression rwandaise contre la RDC, qui dure depuis trois bonnes années, et de nombreuses autres difficultés et problèmes à vaincre et à résoudre, les Congolais se rendent ainsi compte que leur chef d’État, issu des rangs de l’ancienne opposition politique, ne manque pas d’idées alternatives, novatrices et courageuses. Mais aussi, que les tâches qui attendent Mme la 1ère ministre seront tout sauf une longue rivière tranquille.
Les attentes placées en Judith Suminwa sont, naturellement, plutôt importantes. D’aucuns voient en la nouvelle patronne de l’exécutif l’équivalent d’une Margaret Thatcher, la célèbre ancienne 1ère ministre britannique surnommée la «Dame de fer». D’autres encore la voient sous les traits d’une Angela Merkel, la chancelière allemande dont la longévité à la tête du gouvernement de l’État fédéral allemand fut légendaire. Ou de la légendaire ancienne cheffe du gouvernement indien Indira Ghandi. En toile de fond de ces projections sur la nouvelle élue tshisekediste, des attentes autour «de la sécurité à l’Est, la fin de l’État de siège, la diminution du train de vie des institutions, l’augmentation salariale pour les fonctionnaires (tous), les FARDC et la PNC, la réforme de la loi électorale…», selon Jean-Paul Lumbulumbu, un élu de la province martyre du Nord-Kivu. Énorme.
Technocrate kimbanguiste originaire du Kongo-Central
Seulement, Judith Suminwa Tuluka, 1ère ministre-cheffe du gouvernement dans un régime politique semi-présidentiel n’est ni Thatcher, ni Merkel, ni Ghandi. Et, elle le sait sans doute mieux que quiconque.
Cette femme kimbanguiste, originaire de la province du Kongo-Central, et technocrate formée dans les meilleures universités en Belgique semble avoir été choisie dans un but assez précis : mettre en œuvre la politique de réduction de la fracture sociale rd congolaise, qui apparaît comme une préoccupation majeure du socio-démocrate Félix Tshisekedi. Il est ainsi rappelé à cet égard que jusqu’à son élévation à la tête du gouvernement, Mme Suminwa était chargée de la mise en œuvre du désormais bien connu PDL-145T, le programme de développement à la base des 145 territoires que compte la RDC. Manifestement, Félix Tshisekedi entend mettre un accent particulier sur ce gigantesque projet d’essaimage d’infrastructures basiques dans l’arrière-pays, oublié depuis les années des indépendances. Sa nomination apparaît à cet égard comme la reconnaissance de ses «compétences exceptionnelles et l’expérience significative prouvées dans ses missions de planification du développement socio-économique du pays. Son leadership avéré dans la conduite du Programme de développement local des 145 territoires (PDL145) a permis d’en faire une initiative clé pour la réduction des inégalités au sein de notre Nation», indique à ce sujet un communiqué de presse du ministère de la Communication du 1er avril 2024.
Programme présidentiel
Pour le reste, la nouvelle cheffe du gouvernement mettra en exécution la politique arrêtée de commun accord avec le président de la République dans la suite logique de son premier quinquennat à la tête du pays. Judith Suminwa l’a laissé entendre lundi dernier au cours de sa toute première déclaration publique après sa nomination. «Je sais que la tâche est grande, les défis sont immenses, mais ensemble avec le chef de l’État, avec l’appui de notre gouvernement, de toutes les institutions ainsi que l’appui de la population congolaise, on y arrivera», avait-elle soutenu. Sans pour autant se dérober face à l’agression et aux souffrances imposées à ses compatriotes de l’Est du territoire nationale. «Mes pensées vont à l’Est et dans tous les coins du pays qui, aujourd’hui, sont confrontés à des conflits face à des ennemis qui sont parfois cachés, qui ne se révèlent pas mais que l’on trouvera, qu’on va pourchasser d’une manière ou d’une autre. Je pense à toute cette population, je suis de tout cœur avec elle», a encore déclaré la première ministre.
Dans l’immédiat, conformément aux lois qui régissent la vie politique en RDC, Judith Suminwa doit pourvoir à la formation de son gouvernement, en tenant scrupuleusement compte de la représentativité nationale (art. 90 de la constitution); définir, en concertation avec le président de la République, la politique de la Nation pour les 5 années à venir et en assumer la responsabilité devant la représentation nationale (art. 91 de la constitution); Défendre le programme ainsi défini à l’Assemblée nationale aux fins d’en obtenir l’investiture.
J.N. AVEC LE MAXIMUM