A la suite de sa validation en conseil des ministres, le gouvernement congolais a annoncé la fin du moratoire à l’exécution de la peine capitale prononcée contre les auteurs de trahison. La décision a été notifiée dans une circulaire datée du 13 mars 2024 de la ministre d’État, ministre de la Justice Rose Mutombo. Selon le document, les «actes d’espionnage ont fait payer un trop lourd tribut à la population».
Cette décision vise à «débarrasser l’armée des traîtres et endiguer la recrudescence d’actes de terrorisme et de banditisme urbain entrainant mort d’hommes», selon la garde des sceaux.
De vives réactions au niveau interne et international s’en sont aussitôt suivies. Y répliquant, le ministre de la Communication et médias Patrick Muyaya a indiqué que c’est pour des besoins spécifiques que la mesure a été prise au regard des trop nombreux cas de trahison de militaires qui sont de mèche avec l’ennemi et qui causent la mort et la désolation au sein de la population congolaise. «Ce n’est pas de gaité de cœur que nous avons évidemment sous la direction du président de la République comme gouvernement, levé l’option de mettre fin au moratoire sur la peine de mort. L’Union européenne, encore elle, a réagi à ce propos. Nous comprenons cette réaction mais nous nous sommes dans un contexte précis où nous voulons justement arrêter des morts, des Congolais que nous comptons par millions et si pour cela il faut passer par la restauration de cette sanction maximale contre ceux qui le méritent, nous n’avons pas de choix. Face à la traîtrise régulièrement constatée pendant les opérations contre l’ennemi, nous devons nous assumer. Vous parliez par exemple de corruption et la corruption a toujours des conséquences négatives et lorsqu’elle permet à des milliers de Congolais d’être en errance nous, nous sommes le gouvernement, nous devons y pallier», a expliqué le ministre Muyaya le 19 mars 2024.
Visiblement très remonté contre l’Union européenne, une des dénonciatrices du rétablissement de la peine de mort en RDC après avoir signé un accord avec le Rwanda sur les minerais stratégiques (congolais ndlr), Muyaya précise qu’à la lumière de la note circulaire de sa collègue en charge de la Justice, cette mesure sera belle et bien encadrée et documentée avant toute exécution. «Ma collègue de la Justice a pris une note circulaire qui fixe les infractions ou comportements concernés par cette mesure exceptionnelle. Tout sera fait pour que chaque fois que justice devra être dite dans ce sens, que cette peine extrême soit méritée. Il y aura un processus d’encadrement particulier. Ce ne sera pas à la tête du client, comme si on se réveillera un matin pour décider que telle personne devra y passer. Cela n’adviendra que lorsqu’il y aura des faits suffisamment documentés permettant d’arriver à cette conclusion. Donc, on comprend bien ceux qui réagissent mais nous connaissons tous le plus grand tueur à l’Est qu’on ne cite pas. Au contraire, on continue à travailler avec lui, ce qui relève de l’injustice et nous, nous prenons des mesures en interne pour répondre à cette situation», a ajouté Patrick Muyaya.
Le moratoire général sur l’exécution de la peine de mort qui vient ainsi d’être levé par Kinshasa date de 2003. Selon la note circulaire de la ministre d’État Rose Mutombo, cette décision vise également les auteurs d’actes de grand banditisme urbain ayant entraîné mort d’hommes.
Depuis deux ans, la République Démocratique du Congo fait face à l’avancée des mutins du M23 qui, de connivence avec les forces gouvernementales rwandaises, se sont emparés de quelques pans des territoires de Masisi et Rutshuru en province du Nord-Kivu, massacrant des habitants et saccageant divers biens et équipements collectifs sur leur passage dans le but de permettre à la principauté militaire du président Paul Kagame qui règne à Kigali d’élargir son influence sur cette province de l’Est de la RDC. Les difficultés rencontrées par les FARDC et les paysans locaux organisés en groupes d’autodéfense (Wazalendo) face à la progression de ces assaillants de la coalition RDF-M23 sont attribuées, selon des sources proches du gouvernement, à une infiltration profonde des forces de sécurité par l’agresseur. C’est en réponse à cette menace existentielle pour le pays que le Conseil supérieur de la défense avait sollicité auprès du chef de l’État la levée du moratoire.
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