Au sein de l’Union sacrée pour la Nation (USN), plateforme politique qui a soutenu avec succès la candidature du président de la République réélu le 20 décembre dernier en RDC, la création des sous-composantes n’est pas du goût de tout le monde. Plus d’une semaine après la sortie officielle et tonitruante du Pacte pour un Congo retrouvé (PCR), un bloc politique regroupant l’A/A-UNC de Vital Kamerhe, l’Alliance-Bloc 50 (A/B50) de Julien Paluku, l’Alliance des acteurs attachés au Peuple (AAAP) de Tony Kanku Shiku et la Coalition des démocrates (CODE) de Jean-Lucien Bussa, les débats et commentaires en sens divers vont bon train.
D’aucuns dans la famille politique de Félix Tshisekedi voient d’un mauvais œil la mise en place d’un nouveau regroupement au sein de l’USN, la création du PCR étant perçue à tort ou à raison comme l’amorce d’un tsunami susceptible d’ébranler le socle sur lequel repose le second mandat et la survie politique du chef de l’Etat. Plusieurs critiques fusent ci et là, contraignant les initiateurs du PCR à se répandre en justifications à travers les médias. Qui semblent loin d’avoir apaisé les esprits.
Kamerhe conspué
Le 29 janvier 2024 à l’occasion de la rentrée parlementaire, l’A/A-UNC Vital Kamerhe qui apparaît dans l’opinion comme la tête d’affiche du PCR, s’est fait copieusement conspuer par un public chauffé à blanc dans les travées de la salle du congrès du Palais du peuple. C’est tout dire de la cote de popularité de l’ancien chef de cabinet du président de la République, actuellement vice-premier ministre, ministre en charge de l’Economie nationale qui a récemment été un membre influent de l’équipe de campagne pour la réélection de Félix Tshisekedi au sein d’une assemblée acquise à plus 80% à la cause de l’USN.
Selon certains analystes, ce sont les principales têtes d’affiche du PCR, toutes connues pour leurs ambitions politiques considérées comme boulimiques qui posent problème. Car, dans la foulée de la création du nouveau regroupement politique, est né un autre, dirigé par le 1er ministre sortant Jean-Michel Sama Lukonde, qui ne semble pas effaroucher grand’monde.
A propos de Vital Kamerhe, un ancien secrétaire général du PPRD de Joseph Kabila devenu speaker de l’Assemblée nationale avant de tomber en disgrâce et de virer à l’opposition, il est de notoriété publique qu’il n’a jamais eu de cesse de lorgner sur le top job en RDC.
On rappelle que selon l’accord ayant présidé à la création de Cap pour le changement (CACH) en 2018, cet allié de Tshisekedi devait lui succéder à la tête du pays aussitôt terminé son (ses) premier(s) mandat(s). Les résultats des dernières législatives, qui assurent le patron de l’A/A-UNC d’une trentaine de sièges à l’Assemblée nationale indiquent, du reste, que cet élu de Bukavu s’est donné les moyens de ne pas jouer les seconds rôles au cours de la législature qui démarre.
Mousquetaires ambitieux
Julien Paluku Kahongya, l’ancien gouverneur du Nord-Kivu devenu ministre de l’Industrie, n’est pas non plus tombé de la dernière pluie. Après avoir astucieusement dompté une grande partie des terres Nande de son Nord-Kivu natal, l’ancien maire de Butembo pour le compte du RCD-K-ML de Mbusa Nyamwisi a patiemment et subtilement tissé sa toile en positionnant utilement un membre de son parti politique à la tête du Nord-Kivu. Et en obtenant une vingtaine de sièges. Suffisant pour ne pas, lui aussi, demeurer sur le carreau.
Quant à Jean-Lucien Bussa, qui est en passe de battre le record de longévité à la tête du juteux ministère du Commerce extérieur, c’est un ancien technocrate de la présidence de la République à la fin de l’ère du Maréchal Mobutu Sese Seko. Il a évolué ensuite à l’ombre de Jean-Pierre Bemba du MLC avant de se faire élire et réélire député à Budjala dont il est originaire. Bussa n’a pas tardé néanmoins à créer son propre parti politique, le CDER et à essaimer des candidats députés sur les anciennes terres de son mentor à qui il dispute le leadership dans l’ex-Equateur à ce jour.
Un nouveau dans l’arène
Il reste le kasaïen Tony Kanku Shiku, inconnu sur la scène politique rd congolaise jusqu’à l’avènement au pouvoir de son cousin Félix Tshisekedi à partir de 2019. Ce membre influent du cercle familial présidentiel ne sort de l’ombre qu’en juin dernier, avec une plateforme politique, l’AAAP dont il assume la paternité. Ce regroupement qui clame tout haut ses ambitions de soutenir le chef de l’Etat et de lui assurer une majorité confortable à l’Assemblée nationale revendique plusieurs dizaines de partis politiques et organisations de la société civile et 32 élus à l’Assemblée nationale. On y retrouve des caciques de l’ancienne famille politique de Joseph Kabila, à l’instar d’Evariste Boshab, Tryphon Kin Kiey Mulumba, ou encore Michel Bongongo qu’il aurait personnellement recrutés.
Au cours d’une émission sur Top Congo FM, Billy Kambale, secrétaire général de l’UNC et bras droit de Vital Kamerhe a révélé dans un plaidoyer pro domo, que c’est plutôt Tony Kanku Shiku qui est l’initiateur du PCR.
«Quand les attentes du peuple sont énormes, il appartient au politique d’élargir la vision plutôt que de la rétrécir. Je suis porté à penser qu’une bouffée d’oxygène est nécessaire à la grande famille présidentielle», a déclaré Kanku Shiku, le 27 janvier 2024 à Kinshasa. Apparemment en guise de bouffée d’oxygène, c’est à une véritable tempête qu’il doit faire face.
13 députés mécontents
Aussi, c’est dans la peau de leader politique à la tête d’un groupe de plus de 30 députés que Tony Kanku Shiku avait reçu, le même jour, tous les élus nationaux de l’AAAP. Le but était de donner une consigne de loyauté et de discipline pour plus d’efficacité, selon ses vœux. Qui n’auront pas été totalement exaucés. Puisque selon des sources crédibles, l’AAAP n’a pas résisté à la bourrasque consécutive à la création du PCR. Au moins 13 députés de l’APOCM, un parti membre du regroupement AAAP ont claqué la porte de ce dernier dès le lendemain, au motif qu’ils n’avaient pas été associés à la décision portant création du PCR. Ils ont annoncé en même temps leur ralliement au regroupement UDPS et alliés. A ce jour, le groupe piloté par Tony Kanku ne compte plus qu’une vingtaine de députés élus. Et rien n’indique que la saignée ainsi déclenchée s’arrêtera là.
J.N. AVEC LE MAXIMUM