En RD Congo, la campagne électorale pour les scrutins électoraux du 20 décembre prochain bat son plein. Candidats députés provinciaux et nationaux, prétendants à la magistrature suprême, tous s’y sont jetés à corps perdus. Dans les villes et agglomérations urbaines, différents candidats aux municipales se mêlent aussi dans la danse. Les statistiques sont, comme de coutume dans cet immense pays de plus de 100 millions d’habitants selon des estimations (dont 43.955.181 d’électeurs enregistrés), impressionnantes. Pour les seules législatives nationales, 23.653 candidats ont été retenus, qui se disputent les 500 sièges de députés nationaux disponibles. Rien que pour la ville de Kinshasa, ils sont plus de 3.000 à convoiter une cinquantaine de strapontins. Idem pour la présidentielle, la plus convoitée de toutes les élections en RDC : 26 candidats ont postulé au départ au top job avant que trois ne se rallient à l’un d’entre eux ramenant le chiffre à 23 à ce jour. La vie semble désormais rythmée par les joutes que se livrent les protagonistes, qui rivalisent d’ardeur, d’imagination et de promesses d’amélioration du vécu de leurs compatriotes.
Le budget de l’Etat tient une place importante dans les promesses électorales des uns et des autres. Les montants proposés s’éloignent de plus en plus des malheureux 5 milliards engragés par le régime Joseph Kabila. Ici, l’objectif déclaré par la plupart des candidats présidents dépasse le seuil de 16 milliards atteints par Félix Tshisekedi et son gouvernement en l’espace d’un mandat présidentiel. Adolphe Muzito, ancien 1er ministre Kabila pour le compte du Parti Lumumbiste unifié (PALU) de Gizenga a ainsi placé la barre plus haut que tous ses concurrents en tablant sur des recettes budgétaires de l’ordre de 300 milliards USD sur 10 ans. Annuellement, cet ancien ministre des finances qui n’avait jamais réussi à collecter plus de 5 milliards USD promet ainsi de générer quelques 30 milliards USD/l’an. C’est 14 milliards de plus que le budget actuel. Muzito propose, quasiment, le même montant qu’entendent réunir Moïse Katumbi et son Ensemble pour la République. Qui se proposent de reconstruire la RDC grâce un budget de 145 milliards USD à atteindre en 4 ans, de 2024 à 2028. Annuellement, le richissime homme d’affaires katangais et ancien gouverneur PPRD de la province minière du Katanga sous Joseph Kabila prétend ainsi réunir un budget de 36 milliards USD, soit 6 milliards USD de plus que le montant du budget Muzito, et 21 milliards USD de plus que le budget actuel.
La surenchère budgétaire des prétendants au top job ne faiblit pas avec Delly Sessanga, le patron d’Envol qui rêve de mobiliser quelques 110 milliards USD sur 5 ans, soit 21 milliards USD/mois.
Du budget dont il disposera pour la mise en œuvre de son ambitieux programme de gouvernance, Martin Fayulu Madidi ne parle pas assez jusque-là. Probablement parce qu’il l’estime connu de l’opinion. En 2018, le patron de l’Ecidé et de Lamuka/Fayulu avait déjà proposé des assignations budgétaires de l’ordre de 126 milliards USD sur 5 années, soit un peu plus de 25 milliards USD/an.
Budgets impressionnats
Seulement, face aux foules déplacées lors des meetings populaires de campagne, il faut traduire les estimations budgétaires faramineuses en promesses de réalisations qui rencontrent des préoccupations concrètes. Les fortunes se révèlent diverses et souvent démagogiques. Peu de candidats président font cas des recettes budgétaires annoncées urbi et orbi.
Félix Tshisekedi, le président de la République sortant s’appuie ainsi sur les principales réalisations de son quinquennat pour solliciter un second mandat de ses compatriotes. Sont ainsi mis en avant, la gratuité de l’enseignement fondamental qui a permis de remettre plus de 5 millions d’enfants sur les bancs de l’école publique, le programme de développement des 145 territoires de la RDC (PDL-145T).
Mais aussi, l’augmentation du produit intérieur brut (PIB), passé de 40 à 60 milliards USD ; l’instauration de la maternité gratuite dans le cadre de la couverture santé universelle, etc. Pas suffisant pour régler les multiples problèmes qui assaillent le pays-continent qu’est la RDC. Fatshi béton, ainsi que le surnomment affectueusement ses partisans, promet ainsi la création de milliers d’emplois pour résorber le chômage en faveur de 6,4 millions de ses congénères. Le candidat n° 20 qui aime bien interagir avec ses nombreuses audiences, a été maintes fois interpellé par les populations à Kinshasa et à l’intérieur du pays au sujet de la décote de la monnaie nationale. En réponse, il promet la protection du pouvoir d’achat des rd congolais grâce à la relance de l’agriculture et s’engage à œuvrer activement à l’amélioration de la situation sécuritaire du pays.
Il est le seul à ne pas verser dans la folie des promesses démagogiques chiffrées de ses adversaires, qui n’y vont pas avec le dos de la cuilllère.
5 milliards USD pour l’Ituri et le Nord-Kivu
En termes de promesses électoralistes, Moïse Katumbi bat tous les records.
Sa campagne électorale, jusque-là essentiellement basée sur la dénonciation de la gestion Tshisekedi à laquelle il essaie de faire oublier qu’il a participé avec plusieurs membres au sein du gouvernement, est empreinte de tels engagements.
L’ancien gouverneur du Katanga promet ainsi de consacrer 5 milliards USD, soit 1/3 du budget national, à la reconstruction des provinces martyres de l’Ituri et du Nord-Kivu. Mais aussi et surtout, de mettre un terme à la guerre qui sévit dans cette partie du territoire national en l’espace de 6 mois. Sans avoir le courage de nommer celui qui en est le principal auteur, le président rwandais Paul Kagame. Au cours d’un meeting au stade Afya de Goma, il a annoncé l’acquisition d’une propriété, une de plus, dans la ville volcanique où il compte s’installer pendant quelques temps.
Katumbi s’est également engagé à assurer un salaire décent aux enseignants, aux militaires, notamment en réduisant les émoluments des députés, qui se chiffreraient selon lui à 21.000 USD/mois. De même qu’aussitôt aux affaires, il a promis de mettre à la disposition des FARDC une flotte aérienne moderne en remplacement de «vieux Sukhoi» utilisés actuellement sans indiquer de quelle manière.
A Oïcha, le 25 novembre, le candidat président n° 3 a promis d’offrir un cheptel bovin aux populations pour favoriser l’élevage ainsi que des bourses aux étudiants dès la première année de son mandat à la tête du pays. ll s’est également engagé à asphalter la RN4 jusqu’à Kisangani et Bunia. Sans trop préciser si les financements promis proviendraient de sa cassette privée ou des caisses de l’Etat. A Butembo, il a lourdement insisté sur l’indemnisation des collègues hommes d’affaires préjudiciés par l’activisme armé des terroristes ADF/MTN, et promis de s’y atteler aussitôt aux commandes de l’Etat…
Tout semble à refaire en RDC, pour Martin Fayulu. A l’occasion du lancement de sa campagne électorale, le 19 novembre 2023 à Bandundu (Kwilu), le candidat malheureux à la dernière présidentielle a également tout promis. «Je vais bâtir un Etat congolais libre, fort, digne et prospère. Je vais assurer l’intégrité territoriale du pays, la cohésion nationale et je vais promouvoir la gouvernance de terrain. Je vais faire en sorte que les Congolais soient mieux éduqués. Je vais promouvoir l’agriculture pour donner à manger aux gens. Je vais promouvoir les biens sociaux de base : l’eau, l’électricité et la santé. Je vais réhabiliter et construire les routes et les trains et construire les voies ferrées. Je vais exploiter le fleuve Congo et d’autres voies lacustres», a-t-il déclaré.
500 USD/mois pour le militaire
Egalement candidat à la magistrature suprême, le Nobel de la paix 2018, Denis Mukwege entend également mettre un terme au plus tôt à la guerre qui sévit à l’Est du pays. Il l’a annoncé au cours d’un meeting Place de l’Indépendance à Bukavu, samedi 25 novembre. Le médecin gynécologue de Panzi entend aussi mettre fin à la famine, aux antivaleurs et à la mauvaise gouvernance. Le Dr Mukwege promet également d’améliorer les conditions de vie des militaires, des agents de santé, et de lutter contre le chômage. Même s’il se garde encore d’avancer des chiffres précis à affecter à ces secteurs respectifs.
La situation des militaires préoccupe également le candidat n°2 à la présidentielle de décembre prochain. Constant Mutamba qui promet de porter la solde des hommes en uniforme à 500 USD/mois, et de créer une unité spéciale des FARDC. S’il est élu, ce candidat porté par la DYPRO supprimera le poste de 1er ministre, le Sénat, les Assemblées provinciales et les gouvernements provinciaux pour économiser les recettes publiques et ramènera l’élection présidentielle à deux tours en portant le mandat du président de la République à 8 ans non renouvelables.
J.N. AVEC LE MAXIMUM