Les faits datent du 1er septembre 2023, soit quelques heures après que ce qui ressemble encore à une bavure militaire eût provoqué la mort de 51 civils le 30 avril 2023 à Goma, abattus par des éléments de la Garde Républicaine (GR) plus précisément. Ce mercredi noir, les fidèles de la secte politico-religieuse Wazalendo se lançaient dans une manifestation contre la Mission des Nations-Unies pour la stabilité en RD Congo (MONUSCO), entres autres, lorsque des unités de l’armée diligentées pour disperser les manifestants avaient ouvert le feu dans des circonstances en cours d’élucidation par la justice militaire.
Le vice-premier ministre, ministre des Affaires étrangères, Christophe Lutundula Apala, a adressé une correspondance au Conseil de sécurité des Nations-Unies portant sur le «retrait accéléré de la mission des Nations-Unies au Congo». Un réquisitoire de 6 pages qui rappelle que ce retrait est attendu depuis … 2008, il y a de cela 5 ans donc. Et qu’il a été, de surcroit, sanctionné par la Résolution 2409 du 27 mars de la même année, du même Conseil de sécurité.
Échecs successifs
Dans cette correspondance, le patron de la diplomatie congolaise passe en revue les échecs des missions onusiennes qui se sont succédé en RDC. A commencer par la MONUC (Mission des Nations-Unies au Congo), chargée d’assurer l’observation du cessez-le-feu entre les belligérants qui n’avait pu empêcher ni les affrontements entre troupes rwandaises et ougandaises en pleine ville de Kisangani en juin 2020, ni les combats entre milices armées à Bunia en 2003, encore moins, la prise de la ville de Bukavu par le général renégat Jules Mutebusi en février 2004. Avant qu’un autre officier général renégat, Laurent Nkundabatware, ne se livre au même exercice en 2005-2009.
La mutation de la MONUC en mission de stabilisation de la RD Congo (MONUSCO) afin de restaurer la paix, assurer la sécurité, consolider la stabilité et le développement de la RDC à long terme, décidée par le Conseil de sécurité en 2010 (Résolution 1925 du 18 mai 2010) n’a pas donné plus de satisfaction. Puisque 16.000 militaires et policiers missionnés pour, notamment, protéger les civils, se sont avérés incapables d’enrayer les massacres, les violations massives des droits de l’homme, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité ainsi que l’exploitation au grand jour des ressources naturelles de la RDC par des groupes armés locaux et étrangers. «Aussi, le mécontentement et les frustrations accumulées par les populations de l’Ituri et du Nord-Kivu ont-ils explosé par des manifestations populaires violentes de juin-juillet 2022, à Goma, Beni, Butembo et Kasindi exigeant le départ de la MONUSCO de la RDC et qui ont causé la mort déplorable de 30 civils et 5 casques bleus », rappelle en substance Lutundula dans sa lettre.
Crise de confiance
La confiance entre les Congolais et les Casques bleus, perdue depuis lors, n’a jamais pu être rétablie, selon le même courrier. «Les derniers incidents malheureux survenus à Goma le 30 août 2023 et qui se sont soldés par des pertes en vies humaines, n’ont fait que confirmer cette appréhension et devraient interpeller le Conseil de sécurité » peut ainsi conclure le ministre des Affaires étrangères. Christophe Lutundula reproche au Conseil de sécurité d’avoir décidé le déploiement d’une force de paix sans mandat ni moyens adaptés aux défis et enjeux réels d’un conflit armé entre deux membres : «Le Rwanda, qui agresse un autre, la RDC et soutient un groupe armé terroriste, le M23, contre les institutions constitutionnelles de ce dernier, en violation flagrante du droit international et de la Charte de l’ONU».
Le constat général étant qu’après 25 ans de présence en RDC, il est permis de se demander à quoi sert encore la MONUSCO. Le gouvernement estime donc que l’accélération du retrait de la mission onusienne, en ramenant son départ de l’horizon 2024 à la fin 2023 s’impose. A la fois pour désamorcer les tensions toujours croissantes entre elle et les populations congolaises et pour expérimenter d’autres mécanismes de collaboration avec les Nations Unies, mieux adaptées aux circonstances du moment, avance la partie rd congolaise. «Pour ce faire, le gouvernement congolais demande au Conseil de sécurité de l’ONU d’instruire le secrétaire général de l’ONU ainsi que toutes les institutions du système onusien concernées de signer et d’appliquer, sans dilatoires et faux-fuyants, le plan de transition révisé de la MONUSCO dans la perspective du démarrage de son retrait à la fin de l’année en cours (2023) », tranche Christophe Lutundula.
Au cours de sa conférence de presse hebdomadaire, mercredi 6 septembre 2023 à Kinshasa, la mission onusienne a réagi à la lettre du gouvernement congolais, estimant qu’elle était opportune. «Cette communication à la présidence du Conseil de sécurité est opportune et dans la lignée des échanges et de la publication du rapport du secrétaire général (de l’ONU). Elle prépare l’Assemblée générale des Nations-Unies, qui aura lieu au mois de septembre et la prochaine consultation du Conseil de sécurité, qui aura lieu le 28 septembre», a déclaré en substance, François Grignon, directeur des affaires politiques de la MONUSCO.
J.N. AVEC LE MAXIMUM