C’est à une véritable guéguerre que donnent lieu les pics à répétition lancés par le cardinal Fridolin Ambongo Bensungu, archevêque de Kinshasa au nom de l’église catholique contre le gouvernement congolais. Dernier épisode en date : un groupe d’anciens novices capucins qui ont eu le prélat comme encadreur à Bwamanda dans la province du Sud-Ubangi se sont fendus d’une déclaration au vitriol contre le père Fridolin pour expliquer quelques traits caratéristiques du personnage de l’actuel locataire du centre Lindonge (siège de l’archevêché) lorsqu’il estime que son autorité est critiquée.
En effet, ces anciens novices naguère encadrés par celui qui était connu comme le le père Fridolin avant son élévation à la dignité épiscopale en 2004 n’y sont pas allés par le dos de la cuillère pour décrire l’intolérance du désormais primat de l’église catholique de RDC.
Pour un de ces anciens séminaristes, «le père Fridolin est un homme qui aime le pouvoir. Il ne supporte jamais que son opinion fasse l’objet d’une remise en question à quelque niveau que ce soit. C’est un vrai dictateur, prêt à tout pour anéantir quiconque se montre réfractaire à son point de vue».
Un autre, plus critique, affirme que c’est grâce à un de ses amis parmi les plus proches du Pape François que l’archevêque de Kinshasa s’est vu attribuer la pourpre cardinalice qui lui donne l’impression d’être devenu une sorte de proconsul en RDC.
Monseigneur Ambongo est en effet devenu à 59 ans cardinal et archevêque de la capitale congolaise, mais aussi membre de la curie romaine (gouvernement du Vatican). Ce qui lui permet littéralement de se prendre la tête. Plusieurs sources indiquent que c’est sur ses instances que le nonce apostolique Ettore Balestrero qui, visiblement, ne s’était pas aligné derrière sa conception des relations entre l’église et l’Etat, a été affecté à un autre poste diplomatique par le Saint siège après qu’un groupe de prêtres de l’archidiocèse manifestement circonvenus par l’irascible cardinal eut adressé une pétition à Rome contre cet ambassadeur du souverain pontife.
On se rappelle le message pathétique du nonce apostolique à Lubumbashi, à la clôture de la soixantième session plénière de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) où Mgr Balestrero avait émis quelques réserves sur les immixtions récurrentes d’un quarteron de prélats emmenés par le cardinal dans des questions relevant de la politique politicienne. Se sentant directement visé par les conseils de modération et de pondération du représentant du Pape au Congo, le patron de l’église catholique de Kinshasa n’aurait pas digéré ce discours qui lui était apparu comme attentatoire à son prestige personnel. «Jamais on a vu un nonce apostolique quitter ses fonctions avant que son successeur n’ait été désigné par le Saint siège. Il est clair que le départ du nonce a été fait dans la précipitation», fait remarquer à bon escient l’un des ex-séminaristes.
A cette allure, la RDC n’est pas loin de voir la CENCO se diviser à cause des frustrations que commencent à exprimer plusieurs prêtres et évêques pour qui, avant de moraliser les politiciens, l’église devrait elle aussi entreprendre une profonde introspection en son sein, car il n’est pas acceptable qu’un groupe particulier de prélats se permette de décider de l’avenir de tous les fidèles, prêtres, religieuses et religieux catholiques hors de toute concertation avec l’ensemble de leurs pairs, ainsi que le fait le comité permament des évêques. «On ne peut pas accuser les gouvernants de pratiquer la dictature alors que soi-même on la pratique au quotidien au sein de l’institution», déclare à ce sujet un de nos interlocuteurs, prêtre d’une paroisse de Limete. Qui signale qu’il faut reconnaître au moins l’humilité du président Félix Tshisekedi et de son gouvernement qui, malgré ces saillies de la bande à Ambongo, promettent de continuer à entretenir de bonnes relations avec l’église catholique romaine au Congo.
A Mbuji-Mayi, lors du jubilé d’argent de Mgr Emmanuel-Bernard Kasanda samedi 24 juin 2023, le chef de l’Etat s’était plaint du fait que «parmi vous, il y a malheureusement quelques personnes qui ont pris une tendance dangereuse qui risquerait de diviser notre nation. En Tant que garant de l’unité de cette nation, je me sens obligé de dire que je n’accepterai jamais une telle dérive». Il a rappelé que la mission principale de l’église est d’être au milieu du village et souhaité que l’église accompagne toutes les filles et tous les fils de la République qui sont en politique «de la même manière sans distinction aucune», avant de s’engager à «continuer parce que j’y crois, à entretenir les meilleures relations avec l’église en général et l’église catholique en particulier. Je ne lésinerai sur aucun moyen pour aider cette institution qui nous est si chère et qui est si chère à mon cœur, pour qu’elle se solidifie et qu’elle reprenne son combat que nous avons toujours admiré, le combat qui a fait de nous aujourd’hui des hommes et des femmes éduqués, remplis des valeurs. Oui, c’est grâce à cette église que je vais revoir, prendre le devant pour nous aider à relever ce Congo qui est malheureusement terrassé à cause des antivaleurs telle que la corruption, tel que le tribalisme, le séparatisme, l’impunité et j’en passe. Je sais que je peux compter sur vous et sur Dieu pour que cela demeure et soit toujours permanent, c’est-à-dire, une relation excellente entre l’Église catholique et l’Etat».
Le maximum