Treize jours après le 20ème sommet des chefs d’Etat de l’EAC convoqué sous l’égide du président burundais, Évariste Ndayishimiye le 4 février dernier, un nouveau round de négociations est prévu ce vendredi 17 février 2023 à Addis-Abeba en Ethiopie. On doit l’initiative de ce nouveau sommet à l’Angolais Joao Lourenço, médiateur désigné par l’Union Africaine pour maintenir le dialogue entre les deux capitales qui se regardent comme chiens de faïence. C’est une nouvelle tentative de mettre face à face les parties belligérantes congolaises et rwandaises et les chefs d’Etat de l’EAC pour évaluer les processus de paix de Luanda et de Nairobi ainsi que la mise en œuvre du plan conjoint pour la pacification de la partie orientale de la RDC adopté l’année dernière à Luanda. C’est dire que Bujumbura, deux semaines plutôt, a été un quasi fiasco, le président Kagame appliquant sans coup férir la stratégie de talk and fight qui fut la sienne avant le génocide rwandais de 1994. Selon des sources crédibles, les chefs d’Etat de l’EAC réunis en l’absence du facilitateur kényan Uhuru Kenyatta n’ont pas pu se mettre d’accord sur plusieurs points, notamment le retrait sans condition des terroristes de la coalition RDF-M23 des localités occupées en RDC, dont l’échéance fixée à Luanda était largement dépassée. A Bujumbura, on semble plutôt avoir voulu privilégier une ‘‘solution politique’’ à l’impasse observée sur le terrain, en exhortant Kinshasa à négocier avec les terroristes. Ce à quoi la délégation congolaise a répondu par un niet catégorique : «on ne négocie pas avec des terroristes. On ne peut pas se réclamer de la RDC et ne pas considérer qu’il existe une constitution dans ce pays et un chef d’Etat à votre disposition pour vous protéger», a déclaré Félix Tshisekedi. Le président rd congolais s’est rendu aussitôt à Brazzaville et à Luanda pour marteler cette position. A Bujumbura, Félix Tshisekedi, Paul Kagame, Yoweri Museveni, Samia Suluhu, William Ruto et Evariste Ndayishimiye se sont limités donc à convenir d’un nou[1]veau cessez-le-feu à l’Est de la RDC, qui n’a nullement été respecté par les assaillants, et d’une nouvelle rencontre des chefs d’Etat-major des forces des pays membres pour discuter d’un plan de retrait et de redéploiement des troupes de l’EAC. De mandat offensif contre les terroristes du M23 et autres ADF, ainsi que convenu à Nairobi, il n’en a plus été question. Nouveaux plans d’occupation ? Réunis le 9 février 2023 à Nairobi, les chefs d’Etat-major des forces de défense des pays membres de l’EAC ont convenu du déploiement complet de la force régionale en RDC «dans les zones prévues pour le retrait progressif», selon le ministre kényan de la Défense. Ils ont également proposé une nouvelle feuille de route et mis en place un mécanisme chargé de vérifier le respect du nouveau cessez-le-feu parallèlement au retrait du M23 fixé au mois de mars 2023. Le document de Nairobi du 9 février articule le nouveau plan de retrait des terroristes en 3 phases : du 28 février au 10 mars 2023, le M23 doit quitter Kibumba, Rumangabo, ainsi que les localités occupées sur l’axe Sake-Butembo ; du 13 au 20 mars 2023, les zones centrales du Nord-Kivu et autour du par des Virunga ; du 23 au 30 mars, le M23 doit quitter les positions conquises en octobre dernier : Rutshuru et Kiwanja, mais aussi Bunagana, occupé en juin dernier. Selon le nouveau plan de redéploiement des troupes de l’EAC, les zones libérées ne seront plus réoccupées par les seules troupes kényanes : les troupes burundaises occuperont le Masisi(Sake, Kirolirwe et Kitshanga) ; les troupes sud-soudanaises ren[1]forceront les kényanes sur l’axe central entre Goma et le Nord de Rutshuru (Kibumba, Rumangabo, Tongo, Bwiza et Kishishe), et les Ougandais se voient confier la partie Est de Rutshuru (Bunagana, Kiwanja, Rutshruru-centre et Mabenga). Plus de mandat offensif contre les terroristes Considérant ainsi réglée l’équation M23, les chefs d’Etat-major des forces de défense de l’EAC d’une commission, dès début avril 2023, chargée de rassembler des informations et de préparer la traque des groupes négatifs FDLR, ADF, Red Tabara, FNL et NAS. En RDC, l’opinion n’apprécie guère le plan de redéploiement des troupes de l’EAC sans mandat offensif contre les terroristes du M23 au Nord-Kivu. Dans cette région où les terroristes sont loin d’avoir déposé les armes, les forces kényanes déjà présentes sur le terrain jouent un rôle d’observation et de police protégeant au mieux les territoires conquis par la coalition terroriste. Ce énième plan de déploiement des troupes de l’EAC est donc perçu comme un véritable plan d’occupation du territoire de la RDC au profit des hégémonistes de Kigali. «Comment des responsables militaires peuvent se réunir pour parler de négociations politiques, d’opérations et menaces contre les FDLR, Red Tabara… sans évoquer les supplétifs rwandais et les terroristes du M23 qui ont tiré sur un hélicoptère des Nations-Unies et tué un casque bleu ?», s’interroge à ce sujet sur son compte twitter le MLC Jacques Ndjoli, ancien officier des FARDC devenu professeur de droit. D’autres internautes présentent carrément le plan de redéploiement, cartes géo- graphiques à l’appui, comme un «nouveau Berlin 1885». A 24 heures du sommet d’Addis-Abeba, rien n’indique, cependant, que Kinshasa ait avalé les couleuvres de Bujumbura et de Nairobi. Devant la presse, lundi 13 février à Kinshasa, le chef de la diplomatie congolaise, Christophe Lutundula déclarait encore que «tout ce qui ne va pas dans le sens de permettre à la RDC d’exercer pleinement sa souveraineté, de sauvegar[1]der son intégrité territoire et son indépendance, nous ne l’accepterons pas». Selon le vice-premier ministre chargé des Affaires étrangères, le nouveau calendrier de retrait du M23 et le nouveau plan de déploiement des troupes des pays membres de l’EAC «ne sont à ce stade que des propositions que le gouvernement va analyser». Kinshasa n’est pas dupe Effectuant un tour d’horizon de la mise en œuvre de l’Accord de Luanda au cours du briefing hebdomadaire, lundi dernier à Kinshasa, Christophe Lutundula a expliqué que «le vrai problème qui se pose, c’est la mise en œuvre du chronogramme de Luanda dont la feuille de route a été soutenue par la communauté internationale». Ajoutant que «pour la RDC, il n’y a pas de secrets, il n’y a pas d’autre voie que l’application à la lettre de la feuille de route Nairobi[1]Luanda. Nous réclamons l’examen du rapport de la commission d’experts des Nations unies et des sanctions collectives et individuelles… Tout ce qui n’est pas dans la logique de la cessation des hostilités par le M23, la cessation de l’agression par le Rwanda pour permettre à la RDC de sauvegarder son intégrité territoriale, n’est pas acceptable».
Sur le terrain au Nord-Kivu, un statu quo s’observe : la coalition RDF-M23 n’a guère progressé et Sake, dernier verrou avant Goma, n’est pas tombé. Les FARDC se défendent bien Deux jours après la réunion des chefs d’Etat-major des forces de défense de l’EAC, le 11 février 2023, les FARDC indiquaient que les affrontements se poursuivaient autour de l’agglomération (Suite de la page 3) de Sake, à une trentaine de kilomètres de Goma dont les assaillants venaient d’être éloignés. «Les FARDC contrôlent totalement Sake et au-delà. Au mo[1]ment où je vous parle, l’armée rwandaise et le M23 sont en train de subir notre puissance et reculent», avait déclaré aux médias le lieutenant-colonel Njike Kaiko, un porte-parole de l’armée pendant que d’autres sources annonçaient la reprise de Kirolirwe. Une chose semble certaine : dimanche 12 février, les combats faisaient rage à Kahumiro, à 5 km de Kibirizi où des sources locales ont fait état de la neutralisation de dizaines d’éléments RDF et M23. Mais également à Kasura, non loin de Kabati sur la route Sake-Kitshanga où d’importants renforts rwandais avaient été signalés. Tandis qu’à Mushaki, appuyées par des hélicoptères de combat, les troupes gouvernementales congolaises contraient vaillamment la progression des assaillants. En définitive, les FARDC contrôlaient outre Sake, les localités de Kimoka et Luchonga, tandis que la coalition RDF[1]M23 occupait encore Makombo, Kingi, Kabati, Kirolirwe et Kitchanga dimanche 12 février 2023. Mais aussi Buko[1]bwa vers Ruvunda et une partie de Bunyole à quelques km de la cité de Mushaki, selon la société civile locale. Les affrontements se sont poursuivis, lundi 13 février, notamment à Makombo et Kingi en territoire de Masisi, récupérées par les FARDC après d’âpres combats à l’arme lourde. Mais aussi à Kausa sur la route Sake-Kitshan[1]ga, demeuré sous le contrôle des assaillants. Après d’intenses combats, Mushake, Sake, et Kimoka jusqu’à Luhonga demeuraient sous contrôle FARDC.
J.N. AVEC LE MAXIMUM