Entre la RDC et son belliqueux voisin rwandais, la tension est montée d’un cran. Les deux Etats semblent plus que jamais sur le pied de guerre. Mardi 24 janvier 2023 en fin d’après-midi, un aéronef de type Sukhoi-25 de la force aérienne congolaise amorçant sa descente sur la ville frontalière de Goma, pris pour cible, a été légèrement touché à l’une de ses ailes mais s’est posé sans encombre sur le tarmac.
Dans les minutes qui ont suivi l’incident aérien, filmé comme dans un jeu vidéo par plusieurs cameramen amateurs et largué sur les réseaux sociaux, un communiqué des autorités de Kigali a dénoncé «la violation de l’espace aérien rwandais par un avion de chasse de l’armée congolaise. Le Rwanda a pris des mesures défensives».
Sur la vidéo devenue virale dans les réseaux sociaux, on voit très clairement l’avion réduire sa vitesse pour prendre son angle d’atterrissage avant d’échapper aux tirs de missiles lancés depuis Rubavu, ville rwandaise mitoyenne de Goma dont l’un a éclaté à quelques mètres de l’appareil qui a poursuivi son vol avant d’atterrir avec quelques flamelles éteintes aussitôt par les pompiers de garde à l’aéroport.
Pas de viol de l’espace aérien rwandais
Tard dans la soirée, ce même mardi, le gouvernement congolais a publié un communiqué condamnant l’attaque de son avion de chasse par l’armée rwandaise dans l’espace aérien congolais, et menaçant de «ne pas se laisser faire. Les tirs rwandais ont été dirigés contre un aéronef congolais volant à l’intérieur du territoire congolais. Il n’a nullement violé l’espace aérien rwandais», lit-on sur ce communiqué qui relie l’incident à l’offensive contre les FARDC déclenchée le même jour par la coalition RDF-M23 à Kitchanga et aux renforts en provenance du Rwanda en appui aux assaillants près de Kibumba et Bwito. «Le gouvernement considère cette énième attaque du Rwanda comme une action délibérée d’agression qui équivaut à un acte de guerre n’ayant pour objectif que de saboter les efforts en cours dans la mise en œuvre des actions convenues dans le cadre des processus de Luanda et de Nairobi pour la restauration de la paix en République Démocratique du Congo et dans la région des Grands Lacs», ajoute le communiqué.
Onze jours après l’expiration du délai convenu à Luanda pour constater le retrait effectif des troupes du M23 du territoire de la RDC, force est de constater qu’on est encore bien loin des objectifs que les parties s’étaient assignés dans la capitale angolaise. La même coalition RDF-M23 était bel et bien là et continuait à faire la guerre aux forces gouvernementales congolaises sur les fronts de Kishishe et Kitchanga mardi, mercredi et jeudi 26 janvier 2023.
Alors qu’ils renforçaient leurs positions à Kibumba, Bwito et alentours, confortant les doutes sur l’utilité et l’efficacité des éléments kényans de la force militaire de l’EAC déployés dans la région au sein de l’opinion publique congolaise.

Dans une déclaration à la presse, le gouverneur militaire du Nord-Kivu, le général Constant Ndima, déplore la publicité faite autour du prétendu retrait du M23. «La force régionale essentiellement kényane fait de la publicité. En réalité, il n’y a pas eu de retrait. La population a constaté que la Kenya Defense Force s’est arrêtée à la hauteur de ‘‘3 Antennes’’ et que les RDF campent toujours à Kibumba», déclare l’officier général congolais.
Comme en 1994
Mardi 24 janvier après les tirs sur l’aéronef militaire congolais, Kigali avait déployé des unités de sa marine sur plusieurs kilomètres sur les eaux du lac Kivu en rade de Goma, provoquant une nouvelle psychose perceptible parmi les populations civiles qui les apercevaient depuis la rive. «Il s’en était fallu de très peu pour que la région s’embrase. La scène du tir sol-air sur l’avion de chasse avait été manifestement filmée à partir du territoire rwandais, de Gisenyi, par une personne qui savait que l’avion serait abattu», écrit un chroniqueur du périodique Les Coulisses.
Tout était prévu pour rééditer le forfait d’il y a 29 ans, lorsqu’en avril 1994, un missile sol-air avait abattu le Falcon 50 ayant à son bord les présidents rwandais Juvénal Habyarimana et burundais Cyprien Ntariamira alors qu’il amorçait sa descente sur l’aéroport de Kigali. «Tirer des missiles sur un avion au moment où il amorce l’atterrissage, c’est chercher délibérément à provoquer des dégâts humains et matériels irréversibles», note cet analyste. C’est manifestement le but recherché par les stratèges de la violence qui entourent le président Paul Kagame, qui n’en aurait pas été son premier ‘‘exploit’’ du genre.
J.N. AVEC LE MAXIMUM