Par Lambert Mende Omalanga*
Trois Congolais, et pas des moindres puisqu’il s’agit de Martin Fayulu candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2018, Augustin Matata sénateur et ancien premier ministre et Denis Mukwege, Prix Nobel de la Paix 2018, se sont fendus le 26 décembre 2022 d’une déclaration commune consacrée aux défis sécuritaires qui assaillent leur pays dans laquelle ils prennent à partie le président de la République Félix Tshisekedi dont ils fustigent «le déficit criant de leadership et de gouvernance» face à aussi bien ce défi existentiel pour la nation qu’à celui du quatrième cycle électoral que la Commission électorale nationale indépendante (CENI) vient d’enclencher avec l’opération d’enregistrement des électeurs en prévision des scrutins de décembre 2023.
Ce texte dans lequel se côtoient d’un côté, une définition des périls et des propositions de solutions similaires à celles déclinées depuis bientôt un an par Félix Tshisekedi («agression de notre pays par le Rwanda au travers de ses supplétifs de M23», «condamnation ferme du Rwanda par le Conseil de sécurité») et de l’autre, une véritable volée de bois vert contre le président Tshisekedi, dont le régime fait l’objet d’attaques au vitriol qualifié sans aménité d’«irresponsable et répressif (qui) viole chaque jour la Constitution et sacrifie l’intérêt général sur l’autel des intérêts privés et prend hasardeusement des engagements sur les questions de souveraineté nationale»).
On a beau éprouver de la sympathie pour l’un ou l’autre signataire de cette déclaration, force est de constater le caractère affabulatoire des allégations qu’on y lit, comme celle selon laquelle le régime de Félix Tshisekedi se serait comporté pendant la crise sécuritaire qui secoue l’Est de la RDC comme « un partenaire fiable du Rwanda ». De même que celle tendant à culpabiliser ce président de la République arrivé au pouvoir en 2019 pour les agressions récurrentes du Rwanda et de ses alliés à l’Est du Congo dont on sait notoirement qu’elles remontent à 1996, soit vingt-trois ans avant son avènement à la tête de l’État.
Au-delà des clichés et des lieux-communs sur les valeurs ou la moralité publique qui constituent l’apanage de toute campagne électorale et sur lesquels on pourra revenir en temps opportun, la déclaration de MM. Fayulu, Matata et Mukwege est truffée de chicaneries pour le moins contradictoires. C’est le cas lorsque les auteurs, mettant sous le boisseau des initiatives aussi significatives que l’augmentation exponentielle du budget de la défense nationale en 2022, la promulgation de la première loi de programmation militaire que le pays ait jamais connue et la campagne de recrutement massif depuis quelques mois de nouvelles ressources humaines nationales pour les FARDC, s’évertuent à méconnaître la volonté du président Tshisekedi de doter le pays d’une armée efficace pour assurer son intégrité territoriale. Ou lorsqu’ils assimilent délibérément le recours à la diplomatie du bon voisinage concomitamment à la pression militaire contre l’agresseur rwandais qui commence laborieusement à porter quelques fruits à « une politique d’externalisation de la sécurité nationale à des forces étrangères», une posture puérile indigne de ceux parmi les signataires qui aspirent à la responsabilité suprême mais semblent ignorer que toute agression extérieure d’un État par un autre ne peut être efficacement conjurée exclusivement par une action militaire autarcique mais qu’elle nécessite aussi une conjonction intelligente de la tactique guerrière avec l’action diplomatique, sauf à vouloir transformer le Congo-Kinshasa en une Corée du Nord tropicale dépourvue de dissuasion atomique.
Autre incongruité et non des moindres : le persiflage par ces trois champions autoproclamés d’un processus électoral inclusif du déploiement par la CENI de 1.432 kits d’enrôlement d’électeurs dans la province naguère perturbée par le sanglant conflit intercommunautaire dit « Kamwina Nsapu » (des agents de la centrale y furent atrocement assassinés avant la normalisation de la situation qui permet à ce jour un déploiement optimal de son matériel et de son personnel) contre 1.663 kits au Nord-Kivu, épicentre de la énième agression rwandaise toujours en cours depuis près d’un an, un nombre malgré tout toujours plus élevé que 1.432 !
Il ressort de ce qui précède, que les thèmes des agressions rwandaises à l’Est et leurs conséquences, de la défense des frontières congolaises, des droits humains, de la démocratie et de la stabilité qui sont rabâchés tout au long de cette déclaration ne sont que des rengaines destinées à embellir l’arrière-pensée fondamentale de cette déclaration qui se résume en définitive comme un plaidoyer pro domo du sénateur Augustin Matata Ponyo, ancien premier ministre qui traîne comme un boulet quelques casseroles de son mandat à la tête du gouvernement central rd congolais entre 2012 et 2016 au sujet desquelles il répugne à s’expliquer sur le fond devant les Cours et tribunaux en brandissant tantôt les immunités attachées à ses fonctions antérieures de premier ministre, tantôt sa qualité de sénateur ou de candidat putatif à une élection présidentielle non encore advenue. –
*Député national