La mise en œuvre par les États membres de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est (EAC) de l’accord de Nairobi portant éradication des groupes armés non étatiques à l’Est de la RDC est un réel cauchemar pour le régime de Paul Kagame dont l’armée a été formellement exclue de cette mutualisation des forces sous-régionales à la rescousse de la République Démocratique du Congo avec l’assentiment du président Félix Tshisekedi.
Avant la projection de ce corps expéditionnaire, l’EAC avait offert ses bons offices pour une discussion entre les groupes armés qui écument l’Est de la RDC et le gouvernement congolais à Nairobi. Alors que ces contacts s’amorçaient, les militaristes de Kigali avec leurs supplétifs du M23 avaient accentué leurs attaques sur le Kivu, ce qui a conduit, d’une part, les autorités congolaises à déclarer officiellement le M23 « mouvement terroriste » avec lequel il n’était pas question de traiter et, d’autre part, l’organisation sous-régionale à donner le go ahead à sa force. Dos au mur, les gros bras de Kigali avaient alors actionné la machine de l’intoxication et de la désinformation pour compromettre toute mutualisation des forces entre les FARDC et toute autre force armée dans la sous-région afin de déstabiliser la nouvelle donne qui s’ensuivrait. Le premier à dégainer fut le général James Kabarebe, un proche du président Paul Kagame, qui, à en croire le chef de la diplomatie congolaise Christophe Lutundula, avait confié à la délégation de Kinshasa aux pourparlers tenus sous l’égide de la CIRGL à Luanda que les M23 étaient soutenus par l’armée ougandaise qui effectuait déjà des opérations conjointes avec les FARDC. Le très actif Congo desk de Kigali, véritable industrie de désinformation du régime de Kagame, a tenté de reproduire cette astuce grossière dès l’annonce du déploiement de l’armée burundaise au Sud-Kivu dans le cadre de la force régionale de l’EAC chargée de stabiliser la frontière burundo-congolaise perturbée par le bellicisme de la principauté militaire rwandaise et ses adeptes. Les réserves émises quant à ce déploiement des éléments burundais de la force EAC en RDC par le prix Nobel congolais de la paix 2018, Denis Mukwege, un pourfendeur de Paul Kagame, ont été mises à contribution et fortement amplifiées par des médias pro-rwandais…
Le problème avec le mensonge, le leurre et la supercherie qui sont au cœur de cette stratégie dolosive de Kigali est qu’ils sont tôt ou tard rattrapés par la réalité lorsqu’elle est aussi évidente que le nez au milieu du visage. En effet, il apparaît clairement que, habituée à avoir le fin mot sur les crises dans la région des grands lacs depuis le génocide rwandais de 1994, l’aile dure du régime en place à Kigali n’accepte pas de gaieté de cœur de voir ses projets funestes être remis en cause à l’intérieur du pays et dans la région des grands lacs, particulièrement en RD Congo qu’elle ne perçoit que comme un réservoir de ressources économiques dans lequel le plus diligent peut fourrager sans contrepartie et un terrain idéal pour la projection des stratégies hégémoniques du tout-venant.
Aujourd’hui comme hier, le président Kagame et sa coterie sont aveuglés par leur intempérance dans la jouissance de la rente mémorielle du génocide de 1994, même vis-à-vis de ceux qui n’ont rien à voir avec cette tragédie. Ils espéraient rééditer leur exploit historique de 1997 que seule l’indicible mégestion du Zaïre par un Mobutu vermoulu et agonisant avait rendu possible. Mais même parmi les influenceurs anglo-saxons qui sponsorisèrent leur promenade militaire dans l’actuelle RD Congo il y a un quart de siècle, beaucoup ne supportent plus leurs excès qui se traduisent quotidiennement par des meurtres, enlèvements de dissidents, crimes contre l’humanité, violations massives des droits de l’homme, etc. au Rwanda même ou à l’étranger. Les déboires de leur compatriote Paul Rusesabagina qui sauva pourtant des centaines Tutsi promis à une mort certaine pendant le génocide en est une éloquente illustration.
La seule équation à résoudre pour les mécènes occidentaux de cette dictature féroce qui a muselé près de 13 millions de Rwandais et tente de faire de même avec les centaines de millions de Congolais reste de réduire sa capacité de nuisance sans pour autant susciter le boomerang d’un autre génocide. En tout état de cause, la pente devient glissante pour le président Paul Kagame qui, suffisamment habile, s’est résolu à donner l’impression d’aller à Canossa en déclarant le 26 août, au cours d’une visite dans le district de Rusizi frontalier de la RDC, qu’«il est important que tous les Rwandais qui vivent ici et le long d’autres zones frontalières trouvent des moyens de bien vivre avec nos voisins. Aucune personne voulant déstabiliser un pays voisin ne trouvera un endroit au Rwanda pour opérer car la façon dont nous voulons vivre en harmonie dans notre pays est la même que nous voulons nous entendre avec nos voisins afin que chacun puisse être en sécurité et capable de faire ce qu’il veut ».
Est-ce enfin la voie de la sagesse ? Wait and see …
LE MAXIMUM