Pendant la colonisation, la ville de Likasi s’appelait Jadotville en l’honneur de l’ingénieur et banquier belge Jean Jadot à qui l’on doit, entre autres, la construction de la ligne de chemin de fer reliant le Sud-Est du Congo au port maritime de Lobito sur l’océan antlantique en Angola.
Avec un admirable sens d’anticipation, il s’était opposé à l’idée d’évacuer de manière exclusive la production minière du Katanga par le chemin de fer du Sud qui passe par Sakania via les Rodhésies du Nord et du Sud, actuelles Zambie et Zimbabwe vers l’Afrique Sud. C’était pour l’époque, un esprit brillant qui tenait à «libérer» le Congo-Belge d’une trop grande emprise de la Grande Bretagne qui avait le contrôle sur tous ces territoires et surtout à raccourcir la distance vers l’exportation.
L’autre voie d’exportation nationale par Ilebo et Kinshasa présentait des points de rupture majeurs à Ilebo vers Léopoldville (Kinshasa), qui n’était connectée que par bateau et de Kinshasa vers Matadi par train.
La production minière constituée principalement de cuivre et de cobalt, exportée sous forme de lingots (usine Shituru) ou plaques de cuivre (usines de Kolwezi et Lubumbashi) pouvait ainsi être évacuée sans ruptures de charge par le port de Lobito vers les usines métallurgiques de Charleroi en Belgique.
Lorsqu’on arrive dans la ville belge de Charleroi, on est frappé en la visitant par une forte ressemblance avec l’extension des sites industriels de Panda-Shituru. On y respire même les odeurs du soufre et des acides de la «Sogechime» (complexe chimique) connues à Likasi sous l’appellation «kimpulande ya mushoshimu».
Pour la petite histoire, c’est du stock d’acides de Likasi que provenait l’acide sulfurique qui a servi à diluer les corps de Patrice Emery Lumumba et ses deux compagnons d’infortune Joseph Okito et Maurice Mpolo, assassinés le 17 janvier 1961 au Katanga.
La gare industrielle de Charleroi ressemble à si méprendre, à celle de Likasi où étaient entreposées soit les concentrés de cuivre en provenance de Kamoto (Kolwezi) soit les wagons pleins de lingots de cuivre ou des fûts de cobalt prêts à l’exportation.
On peut affirmer sans risque de se tromper que ce sont les mines de la RDC qui ont fait de Charleroi la plaque tournante de la métallurgie européenne.
Aujourd’hui, l’économie industrielle de Likasi, qui comprend principalement les usines métallurgiques de Shituru avec ses fours électriques, le complexe chimique de la Sogechime et l’atelier central de Panda (d’où était sortie, pendant la sécession katangaise, un char de combat surnommé «Mammouth»), fait figure de parent pauvre.
La fragmentation de la Gécamines d’une part, en petites entités d’exploitation minière quasi artisanale, a touché de plein fouet la ville. D’aucuns pensent que la subdivision du grand Katanga en quatre entités administratives (provinces) sur pied de la constitution de 2006 a aussi eu un impact négatif sur le développement de cette belle ville.
Dans l’univers de la toute puissante Gécamines, Likasi avait la particularité, et l’a encore, de ne pas posséder une mine sur son site. Les minerais qui y faisaient tourner les usines provenaient essentiellement de Kambove, Kakanda et surtout de Kolwezi (Lualaba).
Les rivalités entre nouvelles provinces, où les dirigeants se disputent l’honneur d’être la plus ‘‘riche’’, affecte manifestement la santé économique de la ville.
À l’époque, l’ingénieur Jean Jadot avait fait de Likasi, ville située à mi-chemin entre Lubumbashi et Kolwezi, le centre névralgique de la métallurgie minière pour tout le Katanga.
Likasi est une ville construite tout en dénivellation. Les installations métallurgiques sont situées en haut des montagnes de Shituru. Elles sont hautement toxiques. Les déchets industriels étaient déversés dans la nature par des conduites. La dénivellation faisait le reste en contre-bas vers les rivières.
Les fours électriques étaient également installés tout en haut de la montagne. Les ouvriers, y travaillant, étaient soumis à des conditions des plus pénibles compte tenu des températures excessives auxquelles ils étaient constamment exposés.
Ils étaient presque nus et un système de jet d’eau automique les aspergait à fréquence régulière.
Devant eux, la lave bouillante coulait dans des moules qu’ils tiraient lorsqu’ils étaient remplis pour les plonger dans l’eau afin de les refroidir dans un vacarne infernal, presque des explosions.
Il va sans dire que les pauvres hères n’avaient pas une longue espérance de vie malgré la distribution de lait et des biscuits vitaminés (podjo) par «shift» qui leur était offerts.
En 2021, l’exportation de la production minière s’effectue à nouveau par la Zambie et le Zimbabwe (anciennes Rhodésies du Nord et du Sud) vers l’Afrique du Sud à bord de gros camions appartenant à des sociétés étrangères. De quoi faire retourner Jean Jadot dans sa tombe.
Maigre consolation : Likasi, ex-Jadotville reste malgré tout dans les standards de la RDC, une des villes les plus propres du pays.
IB avec le Maximum
FOCUS SUR LIKASI : Le Belge Jadot, constructeur de la ligne ferroviaire Dilolo – Lobito
