Un accident de la route survenu à Mbanza- Ngungu (Kongo Central) dans la nuit de samedi à dimanche dernier, qui a causé la mort d’une trentaine de personnes, a empêché le président de la République de se rendre au sacre de Nahurito, le nouvel empereur nippon. L’événement reporté de quelques heures s’est finalement déroulé mardi 22 octobre au Palais impérial de Tokyo sans Félix Tshisekedi. Le chef de l’Etat de la RDC s’est néanmoins rattrapé avec un nouveau déplacement d’importance à Sotchi en Russie où il a pris part au sommet Russie-Afrique qui s’est tenu du 23 au 24 octobre courant. Mercredi 23 octobre dans la matinée, le chef d’Etat rd congolais accompagné de son épouse et d’une importante délégation de ministres et d’hommes d’affaires, ont rejoint une quarantaine de délégations du continent à Sotchi, au bord de la mer noire, pour un sommet qui devrait consacrer le retour de Moscou en Afrique. Après une éclipse qui remonte à l’émiettement de l’empire soviétique dans les années ’90 à la fin de la guerre froide.
Pas seulement les kalach’
Autre temps, autres mœurs. Si la Russie de Poutine entend reprendre pied sur le continent noir, elle ne se fera plus précéder par ses kalachnikov et ses AK 47 comme par le passé. Aujourd’hui, Moscou met en avant le secteur commercial et place la nouvelle ère de coopération sous le signe de l’accentuation des exportations russes vers l’Afrique, que Poutine entend doubler au cours des 5 prochaines années. Le sommet Russie-Afrique de Sotchi devrait donc accoucher de nombreux accords commerciaux, d’investissement et de coopération dans le secteur nucléaire, de l’énergie, des mines, du tourisme, de la santé, de l’agriculture et même des médias. Sans compter le secteur de l’armement qui représente le gros des exportations de Moscou vers l’Afrique jusque-là. En se rendant chez son homologue russe mercredi dernier, Félix Tshisekedi avait beaucoup à attendre et à proposer, à l’instar de beaucoup d’autres parmi ses collègues chefs d’Etat du continent. Qu’il s’agisse du domaine stratégique de l’armement dont l’importance n’est pas à démontrer, compte tenu de l’étendue du territoire national à protéger et des problèmes sécuritaires que traverse la RDC depuis une vingtaine d’années. Ou du domaine de l’exploitation minière et de l’énergie pour lesquelles des investissements russes ne sauraient être dédaignées au pays de Patrice-Emery Lumumba.
En terrain acquis à Sotchi
A Sotchi, les choses ne pouvaient que bien se présenter pour Félix Tshisekedi et sa délégation. Le chef d’Etat de la RDC a eu deux entretiens avec son homologue russe mercredi dernier. Au cours d’une rencontre de prise de contact en présence de membres de la délégation rd congolaise, Vladimir Poutine qui s’est dit « très heureux » de rencontrer son homologue Félix Tshisekedi a indiqué qu’il considérait la RDC comme un des partenaires les plus prometteurs de la Russie en Afrique, compte tenu de son potentiel commercial et d’investissement. « Nous savons que ce potentiel est lié à la richesse des ressources naturelles et aux capacités de votre peuple », a déclaré en substance le chef d’Etat russe. Qui a dit espérer que la visite russe de Félix Tshisekedi contribuera au renforcement des liens entre les deux Etats dans tous les domaines. « Nous sommes prêts à travailler également dans d’autres domaines, tels que l’ingénierie, les transports et les infrastructures », a ajouté Vladimir Poutine. En réponse, le chef d’Etat de la RDC a remercié son hôte pour l’accueil réservé à sa délégation et à lui-même et émis le vœu de voir les investissements russes s’accroître dans son pays. « Nous sommes ici présents en Russie parce que nous tenons à accentuer les relations entre nos deux pays. Vous avez parlé d’investissements qui doivent encore s’accroître, nous sommes preneurs. Nous sommes ici pour susciter davantage d’intérêt de la Russie d’aller ensemble avec nous dans les efforts que nous fournissons pour développer notre pays », a dit Félix Tshisekedi. Le chef d’Etat rd congolais a également évoqué les questions d’ordre politique, militaire, sécuritaire, sanitaire et économique.
Tête-à-tête
Au cours de son séjour à Sotchi, une rencontre en tête-à-tête avait réuni Félix Tshisekedi et Vladimir Poutine, le même mercredi 23 octobre dont rien n’a filtré. Mais l’on sait néanmoins qu’avec l’Egypte, l’Algérie, l’Angola, le Madagascar, l’Ethiopie, le Mali et la Centrafrique, la RDC compte parmi les pays à partir desquels Moscou entend reprendre pied sur le continent. Aux lendemains de la visite à Kinshasa de Mikhail Bogdanov, son vice-ministre aux affaires étrangères début juin 2018, Moscou et Kinshasa avaient signé un important accord de coopération militaire et technique prévoyant la livraison d’armements et de matériels de guerre russes à la RDC, autant que d’autres équipements spécifiques et la formation de spécialistes militaires rd congolais dans les écoles russes. Ce n’est pas rien, lorsqu’on sait que le nouveau président de la RDC fait face, comme son prédécesseur aux mêmes fonctions, aux rébellions armées étrangères et nationales dans la partie Est du territoire national, qu’il est décidé à éradiquer sans trop d’atermoiements. Au sommet Russie-Afrique de Sotchi, Fatshi s’est rendu dans un Etat qui s’était déjà rapproché de la RDC, et n’attend qu’un signal pour faire mieux. Mercredi dernier, le chef d’Etat de la RDC n’a pas manqué à l’obligation de remercier son hôte pour les nombreuses prises de position de son pays en faveur de la RDC au conseil de sécurité de l’ONU dont il est membre permanent. Mais la Russie de Poutine n’a pas fait que soutenir verbalement son allié africain dont il défend bec et ongle la souveraineté et l’indépendance depuis plusieurs années. Si Moscou a récemment lancé une surprenante offensive diplomatique et des affaires avec la Centrafrique voisine de la RDC, déployant notamment ses forces spéciales dans ce pays en proie lui aussi à des rébellions armées, c’était à terme, pour prendre pied chez son immense et riche voisin, estiment les observateurs.
Terrain déjà déblayé
En contact avec Vladimir Poutine depuis 2015, Joseph Kabila en a obtenu quelque concours en matière de sécurité, rapporte notre consœur Colette Braeckman du quotidien belge Le Soir, dont Fatshi pourrait avoir besoin plus tôt que prévu, estime-t-on. « Le soutien russe se présente sous forme de «package» : à la fourniture d’armes et de munitions, s’ajoute le «service après-vente», c’est-à-dire, la mise à disposition d’instructeurs militaires, d’experts militaires et civils, de conseillers politiques. Sans oublier les bons offices auprès de pays amis : c’est ainsi que Vladimir Poutine a encouragé les contacts entre Kabila et le maréchal Al Sissi, ce qui a permis à l’Egypte de fournir de l’armement et des formations aux techniques de combat et contre-guérilla urbaine à Kinshasa », écrit à ce sujet Braeckman.
Poutine, c’est déjà le tout premier chef d’Etat étranger à avoir reconnu l’élection à la présidentielle de Félix Tshisekedi, fin décembre 2018. Un claquement des doigts suffit pour que Moscou rapplique à Kinshasa.
J.N.