Les rideaux sont tombés, jeudi 14 septembre 2017 au Pullman Grand Hôtel Kinshasa, sur le forum sur la réforme fiscale organisée par le ministère des finances. 4 jours durant, plus 400 participants auront eu la lourde la charge de poser un diagnostic complet et d’envisager les pistes des solutions susceptibles de faire doter la RD Congo d’une nouvelle ( ?) fiscalité souple et réellement au service du développement. Pour se ménager tous les atouts de la réussite, le ministère des finances a opté pour une approche participative et inclusive susceptible de générer une meilleure appropriation de la réforme par les agents économiques et les différentes couches socioprofessionnelles.
A l’ouverture des assises du Pullman Grand Hôtel Kinshasa, lundi 11 septembre dernier, Henri Yav Mulang, le ministre des finances, a stigmatisé les faiblesses du système fiscal national : étroitesse de l’assiette fiscale, lourdeur et multiplicité des perceptions, prolifération des exonérations, multiplicité d’intervenants administratifs, différentiations des procédures … autant de maux déjà connus et ressassés dans les conclusions de tous les forums du genre, qui ne se comptent plus sur les bouts des doigts.
Mais, ce fondant sur une recommandation du Président de la République qui, lors de son dernier discours sur l’état de la Nation devant les deux chambres parlementaires réunies, avait appelé à agir sans tarder pour susciter un climat des affaires propice à l’investissement productif et favoriser le civisme fiscal, le gouvernement s’est décidé de doter le pays d’un nouveau système fiscal d’ici 2018.
Renouvellement
Ramazani Shadary, le vice-premier ministre en charge de l’Intérieur et Sécurité qui a représenté le 1er ministre empêché l’a assuré lundi dernier en indiquant que le gouvernement ambitionnait de doter le pays d’une nouvelle législation fiscale attractive et compétitive qui puisse attirer les investisseurs et en même temps rassurer les assujettis à la fiscalité. De même que Henri Yav Mulang, le titulaire du portefeuille des finances qui a appelé les participants à formuler des orientations concrètes sur base desquelles différents textes législatifs et réglementaires seront préparés pour être soumis au gouvernement pour approbation et au parlement pour examen et adoption, si possible au cours de la session parlementaire qui s’ouvre ce vendredi 15 septembre 2017.
Les travaux du Pullman Grand Hôtel Kinshasa étaient donc marqués du sceau de l’urgence. Et cela inquiète plus qu’il ne rassure certains experts en matière fiscale, forts de l’expérience des réformes précédentes, qui ont accusé des faiblesses liées précisément à cette sorte de « pression du court terme ».
Le forum sur la réforme fiscale qui a clos ses travaux jeudi 14 septembre 2017 s’est proposé non seulement de dresser un état des lieux et de poser un diagnostic sans complaisance sur le système fiscal de la RD Congo, mais aussi et surtout de dégager des solutions susceptibles, une fois délesté des maux dont il souffre, de le rendre plus simple, plus attractif et plus compétitif, avec à la clé un rendement plus élevé.
Urgence
Si ces assises suscitent des espoirs légitimes, des experts ont exprimé au Maximum quelque scepticisme à l’égard de cette grand-messe, une de plus en la matière, dont les résultats dégagés sous forme de résolutions et de recommandations, pourraient, comme beaucoup d’autres auparavant, rejoindre le cimetière des espoirs déçus et des décisions inappliquées. Ils avancent pour exemple, la dernière réforme du même système fiscal : elle avait accouché avec tambours et trompettes de la TVA (Taxe sur la Valeur Ajoutée), une taxe annoncée à l’époque comme “miraculeuse” puisque susceptible de doubler les recettes budgétaires nationales. Ce n’est plus qu’un secret de polichinelle, la fameuse TVA s’avère aujourd’hui un échec cuisant. Qui fait de la RD Congo l’unique pays au monde où l’application de cette taxe a échoué et, qui plus est, où l’Etat s’en est tiré plus que mal puisqu’il est redevable à hauteur de près d’un milliards USD auprès des sociétés commerciales au titre de crédits de la TVA non remboursés qui ont ainsi lourdement grevé leur trésorerie. Dans un contexte où le même Etat s’épuise à imaginer des solutions pour assainir le climat des affaires, la dernière trouvaille fiscale réputée prometteuse fut loin d’être encourageante.
Précipitation ?
Le forum fiscal du Pullman Grand Hôtel Kinshasa aurait donc gagné, et la RD Congo avec, à se focaliser sur un travail d’évaluation de l’existant pour dégager les causes explicatives des faiblesses structurels du système fiscal rd congolais, qui n’est pas foncièrement mauvais, selon ces experts, qui avancent que ces textes fondamentaux ne sont pas à remettre totalement en cause, effectivement. Et ce, pour la bonne et élémentaire raison qu’une réforme en profondeur relève du long terme par essence, alors que le contexte socio-économique rd congolais actuel appelle des solutions urgentes, immédiates et à court terme.
L’on estime, en effet, que toute réforme dans le domaine fiscal implique trois préalables : Adhésion, Cohérence, Prudence (A.C.P.). Pour qu’elle soit efficace et accouche des résultats efficients, il faut qu’il y ait une adhésion préalable des protagonistes, en l’occurrence l’administration fiscale et les contribuables. Or en l’espèce, le non-respect ou l’application biaisée, par exemple, de la Loi n°13 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière des services publics de l’Etat, notamment en ses articles 16 et 17, donne lieu à des frustrations et à un malaise social à la base d’une démotivation quasi générale dans les administrations fiscales. Dès lors, plutôt que de plonger tête baissée dans une énième réforme dont on sait qu’elle ne relève par définition ni du court, ni du moyen terme, il fallait avant tout de résoudre ce problème d’adhésion qui passe entre autres par la correction de ces injustices qui minent l’implication effective du “corps fiscal” et fragilisent l’édifice de manière permanente. Plus concrètement, si dans son application, la réforme du Pullman Grand Hôtel Kinshasa ne tient pas compte de ces préalables et procède à nouveau au parachutage des animateurs des administrations fiscales suivant des critères politiques, il y a lieu de craindre que les mêmes causes ne reproduisent les mêmes effets, estime-t-on.
Prudence
La précipitation et la déclinaison des formules toutes faites en la matière ne sont pas une garantie du succès. Le respect des textes, l’éthique professionnelle et le civisme fiscal associés à un environnement sain et à des conditions optimales de production offertes forment la combinaison susceptible d’améliorer dans un bref délai la qualité du système fiscal avant une réforme en profondeur dont les résultats ne devraient être attendus que dans 5 ans minimum. Parce que la fiscalité est une Loi.
J.N.
REFORMER LE FISC DANS L’UNIQUE PAYS AU MONDE OU LA TVA A ECHOUE : Les dangers du court terme
