D’ici le 30 juin 2017, si l’ex-OCPT ne se dispose pas des fonds propres supérieurs ou équivalents à son capital social, environ 6 millions de dollars, l’entreprise devrait mettre la clé sous le paillasson… le droit Ohada oblige.
En vertu de l’article 664 de l’Acte uniforme OHADA (Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires) relatif au droit des sociétés commerciales et de groupement d’intérêt économique, la SCPT se retrouve dans une «situation de non continuité d’exploitation ». Mais l’actuelle équipe dirigeante de la société conduite par le directeur général intérimaire, Patrick Umba, tente le tout pour le tout afin de sauver la SCPT.
Selon les états financiers de la Société congolaise des postes et télécommunications (SCPT), le capital social était évalué, il y a quelque deux ans, à un peu plus de 5 milliards de francs (CDF), l’écart de réévaluation à un peu plus de 43 milliards, le report à nouveau négatif de plus de 28 milliards, le résultat de la période aussi négatif de -58 milliards. Ce qui donne un total des capitaux propres négatif de moins de 40 milliards de francs.
Patrick Umba table désormais sur des mesures de grâce que contient l’article 665 de l’Acte OHADA précité.
Pour épargner la SCPT d’une faillite certaine, l’État va devoir mettre la main à la poche. Selon la direction de l’entreprise, étant l’actionnaire unique, l’État est tenu de procéder à cet apport du capital social. Le comité Umba propose, en effet, l’incorporation de la dette financière auprès de l’Exim Bank China de 165 432 358 dollars au 31 octobre 2015. La SCPT souhaite aussi l’obtention des exonérations sur l’ensemble des investissements effectués depuis la construction de la station d’atterrage de la fibre optique. En agissant de la sorte, cela va aider à améliorer le résultat par le non-paiement des impôts. En 2016, les besoins de financement de la SCPT étaient de l’ordre de 29,4 millions de dollars. Les deux commissaires aux comptes commis à la SCPT, José Pandi et Pascal Nkanka, auraient établi voilà un peu plus deux ans l’acte de fin de vie de l’opérateur public. Mais en 2015, l’entreprise a entamé une marche ascendante à la faveur des deux textes réglementaires qui vont booster ses activités, l’arrêté ministériel n° CAB/VPM/PNTIC/TLL/DNT/mnb/005/2015 du 6 novembre 2015 portant émission des timbres-poste, ainsi que l’arrêté subséquent portant modalité particulière de fourniture du service postal universel, mettant en vigueur les mesures d’application de la loi 012/202, consacrant pour la SCPT l’exclusivité sur les envois postaux jusqu’à 2 kg. Ainsi, la Poste dans son format traditionnel (regroupant notamment les services des colis postaux, boites postales, lettres recommandées, dépêche spéciale, courrier d’entreprises, petits paquets, réquisitoires, affranchissement collectif, formulaires, valeurs postales) a raflé 55 % du marché aux opérateurs privés en fonction du nombre d’envois traités.
L’espoir est permis
L’ex-OCPT relooké devance le major DHL, 43 % contre 27 % sur le marché postal congolais. Les firmes COLIKIN, GTM et GTS viennent loin derrière avec juste 1 % du marché local. La SCPT-EMS (express mail service) qui a pour vocation l’acheminement en mode accéléré ou express des lettres et colis vers des destinations nationales et internationales a gagné en 2015, 12 % des parts du marché postal congolais. Mais en termes de chiffre d’affaires, l’opérateur néerlandais surclasse la poste publique avec plus de 8 millions de dollars contre un peu plus de 6,7 millions de dollars pour la poste traditionnelle et SCPT-EMS réunis. Toutefois, pour l’exercice 2015, la SCPT a réalisé un chiffre d’affaires de plus de 20 milliards de francs, dont 9,6 milliards pour le secteur des télécoms, grâce à la location des capacités de la fibre optique et plus de 11 millions pour la Poste, soit un peu plus de 20 millions de dollars.
Si bien que pour 2016, l’ex-OCPT envisage de réaliser des recettes de 85 millions de dollars, dont 50 millions pour les télécoms et 35 millions de dollars pour la Poste, soit autant que la moyenne des recettes de la Société commerciale des transports et des ports (SCTP, ex-ONATRA) avec ses ports, son chemin de fer, son chantier naval ou quasiment dix fois plus que les revenus escomptés de la Minière de Bakwanga (MIBA). La SCPT compte aujourd’hui plus de 27 contrats de location des capacités de la fibre optique, dont les concessionnaires GSM de la place. Mais des techniciens maison auraient déniché une bonne vingtaine de raccordements frauduleux à la fibre optique.
Gestion ténébreuse
Hélas, il s’installe une gestion ténébreuse de l’entreprise. C’est pour cette raison que le DG Didier Musete a été défenestré, le 3 novembre 2016. On lui reproche des montages financiers assez troubles, les salaires des cadres supérieurs de la SCPT dépassent les 95 milliards de francs l’an, les dépenses diverses titillent 23 milliards. Le principal grief qui a poussé l’ancien ministre du Portefeuille à suspendre le Didier Musete, c’est le coût des travaux de réhabilitation notamment de l’Hôtel de Poste et des autres bureaux secondaires pour 22 millions de dollars. Des marchés qui se seraient passés de gré à gré avec des sociétés montées de toutes pièces. Selon la mouvance syndicale de la SCPT, ces sociétés-écran appartiendraient à Musete lui-même. L’homme est à ce jour attendu au parquet général de la République dans l’immeuble de l’Institut national de sécurité sociale (INSS).
En réalité, Musete a hérité de l’opacité comme mode de gestion à l’Hôtel de Poste. Selon un rapport interne émanant de la direction des finances de l’entreprise, « en l’absence de manuel de procédure de gestion, le tableau synthèse avant l’avènement de nouveaux organes de gestion a extériorisé les caractéristiques essentielles suivantes : beaucoup de retraits, virements et transferts des banques non retracés dans les livres de caisse (Ndlr ECOBANK, CITI, BIAC,FIBANK) totalisant… un montant équivalent en dollar de plus de 81 839 412,00 » ou encore « des retraits des banques retracés dans les livres de caisse avec retards qui ne se justifient nullement. (…) Non approbation par la direction générale des états des sommes à liquider payés ». Par ailleurs, poursuit le rapport de la direction des finances, « la société a également reçu au cours de l’année 2015, des cas d’injonction de payer à l’initiative de SMART IDEAS, entreprise recalée dans le marché de construction d’atterrage, 700 000 USD de principal et 23 millions de dollars d’intérêts ».
Au cours de la même année, la SCPT a reçu l’injonction de verser des arriérés d’honoraires des cabinets d’avocats-conseils, plus de 4,2 millions. Au total, 17 cabinets ont été arrimés par ukase, venu d’en haut, à la SCPT, explique un haut cadre de l’entreprise. À ce jour, ils ne seraient plus que trois. « C’est toujours trop ! », déplore ce cadre SCPT. L’an dernier, ces cabinets ont perçu 64 000 dollars. Pourtant, la Société congolaise des postes et des télécommunications croule sous des condamnations devant les cours et tribunaux suite à des procès lui intentés généralement par ses anciens agents. Il y a, par exemple, les dossiers Lompeta pour lequel la SCPT a été condamnée à verser 2 millions de dollars, et Amboko Joseph à qui l’entreprise doit 50 000 dollars de principal et 50 000 dollars par jour en cas de retard dans l’exécution. Ou encore le dossier de 220 partants volontaires pour lequel l’entreprise a été condamnée en 2009 à leur verser plus de 8,6 milliards de francs par la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe. Mais la SCPT tient une parade, l’article 30 de l’Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution grâce auquel toutes les tentatives d’exécution forcée ont été mises en échec.
Mais jusqu’à quand? Le même droit OHADA n’accorde guère de longs jours à la SCPT au regard de ses états financiers. D’ailleurs, l’État, qui est son principal actionnaire, lui a retiré la gestion de la fibre optique au profit d’une nouvelle société publique, la SOCOF. Des perspectives moroses pour la SCPT. À l’Hôtel de Poste, l’on pense ferme au contraire.
PALM