La direction générale de la BIAC mise en place par le Gouv de la Banque centrale, Deogratias Mutombo, tient à vendre l’immeuble de la banque situé au n°3 de l’avenue du Colonel Ebeya. Pour les actionnaires de la Banque, dont les Blattner, quiconque s’hasarderait à acheter le bien aura tout simplement jeté son argent dans l’eau.
Voilà qui ne devrait guère rassurer les derniers épargnants. D’ailleurs, la direction de la BIAC justifie la mise en vente de l’immeuble du fait du non-respect des engagements pris par certains de ses clients. Pour les actionnaires, consécutivement à l’Assemblée générale extraordinaire du 4 novembre 2016 décidant de la dissolution de la BIAC et attendant la suite des actions judiciaires en cours, toute acquisition auprès des anciens membres du comité d’administration provisoire sera considérée comme nul et de nul effet.
Les actionnaires de la BIAC disent rester en attente de l’agrément par la BCC d’un liquidateur. «Seul ce dernier, soutiennent les actionnaires dans un communiqué en date du 20 janvier dernier, sera habilité à procéder à l’aliénation de tout bien, immeuble ou meuble faisant partie du patrimoine de la BIAC». Et de poursuivre, « en l’absence d’un liquidateur, le débiteur s’exposerait à des poursuites judiciaires et les actionnaires de la BIAC se réservent le droit d’exiger la restitution du bien en quelques mains qu’il se trouve ».
Pas d’assurance des dépôts bancaires en RDC.
Information contre information. Même chez Déogratias Mutombo, à la BCC donc, rien n’est certain, rien n’est acquis. Au sujet de la BIAC, un expert ancien de la BCC, Michel Somwe, soutenait que «à moins qu’on joue de la complaisance jusqu’au bout pour éviter de dévoiler les faiblesses et les complicités des uns et des autres, avait-il rétorqué. On peut continuer à entretenir un malade de façon artificielle. Cela s’est déjà fait avec la BCCE, Banque congolaise du commerce extérieur, déclarée en faillite et en liquidation qui a cependant continué à recevoir des crédits de la BCC ». Et comme les animaux malades de la peste, toutes les banques commerciales opérant en RDC, foi de Michel Somwe, clopinent. Elles mériteraient d’être plutôt appelées des «boutiques». Et l’ancien membre du Secrétariat du comité de suivi des banques en difficultés à la BCC de poursuivre, «quasiment toutes les banques commerciales opérant en RDC sont malades à l’image de la Banque centrale du Congo… Je n’en connais pas une seule qui soit saine». La confusion atteint des degrés paroxystiques sur la garantie des épargnes. Il nous revient que près de 5 ans après la liquidation de la Banque Congolaise, nombre des clients ne sont toujours pas rentrés dans leurs droits. Dans l’ «enfer BIAC» quelque 400.000 comptes dont 2.500 entreprises de diverses tailles sont exposés au feu de la faillite. Il nous semble d’ailleurs que bon nombre d’épargnants se sont précipités pour récupérer tous leurs avoirs de la banque. En RDC, l’assurance des dépôts bancaires n’existe pas, l’autorité de supervision bancaire, non plus, renseignent des experts. La BCC s’est octroyée cette mission alors qu’elle nécessite une commission spéciale. Pour autant, il serait téméraire d’affirmer que la BCC contrôle tous les rouages du secteur bancaire en RDC.
Dans son récent ouvrage, «Risques bancaires et dispositifs prudentiels de gestion en RDC », paru en avril 2016 aux éditions l’Harmattan, Emile Mudiangani Ilunga, fait, en effet, comprendre que le système financier de la RDC a paradoxalement des acteurs puissamment redoutables (groupes d’intérêt, propriétaires, intermédiaires cachés) capables de faire échec à une décision mûrement réfléchie de l’autorité de contrôle, en clair, de la BCC… Ce n’est plus un secret pour personne. Au cours d’une prestation devant les députés à l’assemblée nationale, à huis clos, le Gouv Déogratias Mutombo a carrément accusé le Premier Ministre, Matata Ponyo, d’être à la base des difficultés de la BIAC. Qu’il n’a pas suffisamment collaboré au redressement de sa trésorerie. Que la primature avait sans raison valable suspendu le refinancement de la BIAC. Que quelque 40 millions USD devant être versés à la banque ont été gelés. Alors qu’il a précédemment rassuré les quelque clients de la banque du risque zéro quant à la perte de leurs avoirs, le gouverneur de la Banque centrale du Congo, BCC, Déogratias Mutombo a, on le sait, opté, par la suite, de traduire en justice les anciens gestionnaires de la BIAC pour mauvaise gestion. Puis, finalement, le Gouv d’annoncer la cession future de la BIAC à un repreneur. Qui dit mieux ? L’ABC, Association des banques congolaises, a, depuis, quasiment cessé toute manifestation. Avis d’experts, le système bancaire r-dcongolais fait encore face à de nombreux défis et/ou risques, dont celui du déficit communicationnel. Ce qui n’a rien à avoir avec le secret bancaire.
Risques et crise.
Certes, à travers le monde toutes les activités d’emprunts et des prêts font face à des risques
(risque de crédit, risque de marché, risque de liquidité, risques opérationnels, risque-pays… risque de change et le risque de taux d’inflation lesquels ont été relativement maîtrisés au regard de la stabilité relative du cadre macroéconomique de ces dernières années en RDC). Mais le tendon d’Achille du système bancaire r-dcongolais demeure le risque d’anti-sélection qui relève, en effet, de l’asymétrie de l’information. «La personne physique ou morale qui vient emprunter ne dit pas toujours la vérité sur l’affectation du prêt sollicité. Le Fonds de promotion de l’industrie, FPI, appelé à se transformer en une banque d’affaires, a longtemps été victime de l’asymétrie de l’information», fait comprendre le prof. Michel Somwe, ancien DG de la Banque des crédits agricoles et ex-cadre de la Banque centrale du Congo en charge des banques commerciales en difficultés. Selon le rapport d’une commission d’enquête parlementaire (disponible depuis fin décembre 2015 mais non encore traité à l’Assemblée nationale), 70% des projets financés par le FPI entre 2008 et 2014, n’ont pas, en effet, été réalisés et/ou sont tout simplement fictifs. Dans de telle supercherie, la connivence entre l’institution financière et l’emprunteur est, dans la plupart de cas, établie. L’on se rappellera, par exemple, qu’aux accusations de mauvaise gestion, les anciens responsables de la BIAC imputent à l’Etat des prêts non remboursés qui titilleraient les 30 millions de dollars.
«Des rapports incestueux».
« Les dépôts constituant des fonds des tiers, l’exigence première dans le chef des banques demeure l’assurance, à l’endroit des clients, de la sécurité, de la disponibilité et de l’accessibilité à leurs fonds en cas de besoin », note le prof Kabuya. «L’asymétrie de l’information est source du risque d’anti-sélection et d’aléa moral entre les banques et les emprunteurs. Ce risque résulte de la relation principal-agent des banques à l’égard des propriétaires. Mais il est aussi un risque de type relation « principal-agent » inversée qui s’observe de plus en plus dans notre paysage. Il serait plus exact, de le qualifier de « rapports incestueux » entre propriétaires et dirigeants de banque », relève M. Kabuya, professeur d’économie bancaire à l’Unikin et à l’UPC. « Détenir des actifs financiers correspond à posséder des créances réalisables à l’avenir. C’est le cas lorsque vous détenez une part dans une entreprise ou que vous êtes titulaire d’un dépôt bancaire. Cependant, sachant que l’avenir est par essence incertain, nous pouvons en déduire qu’il en est de même de toute créance, elle est subordonnée aux événements non encore réalisés. Cet état de fait ne poserait aucun problème si les mêmes informations utiles à l’appréciation de la valeur probable et future des actifs financiers étaient accessibles à tous. Malheureusement, c’est rarement le cas, la règle est généralement celle d’une asymétrie de l’information», regrette Eric Mboma, DG de Standard Bank RDC. Qui renchérit qu’« (…) il s’ensuit une réelle opacité du bilan des banques dans la mesure où une part importante des actifs bancaires comprend les prêts dont la réelle valeur n’est pas directement observable par des néophytes. Il est donc très difficile pour les non-initiés d’évaluer avec précision la valeur réelle des actifs et donc de prendre la mesure de sa véritable situation financière».
Pold LEVI Maweja