Le Trésor public fera-t-il les frais du Dialogue politique inclusif dont les assises se tiennent depuis jeudi 1er septembre 2016 ? Une coalition d’une trentaine d’ONG le redoute non sans raison. D’autant plus qu’il est prévu des indemnités (280 USD/jour par personne, selon les révélations de José Makila Sumanda qui a pris part aux travaux préparatoires).
L’on se souviendra que des inquiétudes semblables avaient été émises lors des Concertations nationales, il y a pratiquement 3 ans. Mais plus de peur que de mal, selon le gouvernement qui a su tenir ses finances à l’abri des dépenses extrabudgétaires. Seulement, l’Etat est contraint à ce jour de faire l’économie de ses moyens à la suite de la dégringolade continue des cours des matières premières (cuivre, cobalt, pétrole) desquelles la RDC tire l’essentiel de ses ressources en monnaie forte. Il nous revient, d’ailleurs, que l’idée de délocaliser les assises du Dialogue d’un hôtel de luxe pour la cité de l’UA est venue du ministre de l’Economie, Bahati Lukwebo, qui se veut quelque peu radin en la matière. Et il y a de quoi : les réserves de l’Etat en devises se limitent à 1 petit milliard et quelque 300 millions de dollars.
En 1994, un brainstorming d’éminents professeurs, de leaders d’opinion, etc., des politiques belges vaticinaient l’extinction, dans tout au plus 20 ans, de l’Etat zaïrois. En fait r-dcongolais, mutatis mutandis. Ces experts belges fondaient leur conviction essentiellement sur des données économiques. Le Premier ministre, Matata Ponyo, a certes reconnu, en 2012 déjà, que des risques baissiers élevés pesaient sur l‘économie r-dcongolaise comme sur l’ensemble des économies subsahariennes du fait de la volatilité des marchés des capitaux et des matières premières. Mais, alors même qu’il n’était que ministre des Finances dans le cabinet Muzito, Matata Ponyo avait déjà émis des craintes qu’en RDC «une crise interne de nature politique n’amplifie les risques d’une baisse de l’activité économique suite à la dégradation des perspectives mondiales».
C’est au cours de cette période que la RDC devrait, en fait aurait dû, faire faillite, rendre l’âme. Foi d’experts belges et de quelques zaïrois réunis à Bruxelles, il y a 20 ans, pour élaborer un vade-mecum sur les interventions prioritaires de la Belgique pour sauver le Zaïre.
« Un changement nominal de régime n’apportera pas des changements … »
Voici, en effet, un check-up syncopé du Zaïre dressé par des experts belges dont les professeurs Reyntjes, Gorus, Maton, Aspeele et Jef Maton. «La Banque nationale n’a ni les moyens financiers (réserves en devises) ni le pouvoir politique pour réussir des réformes monétaires sérieuses. La réforme monétaire d’octobre 1993 n’était pas pour l‘assainissement financier mais pour une pénurie aigüe des liquidités. Que le budget de devises de la BCZ [actuellement BCC] n’était que d’environ 50 millions de dollars l’an. Or le minimum nécessaire pour l’approvisionnement de la capitale Kinshasa pouvait à l’époque s’évaluer entre USD 100 et 150 millions. Que la Banque du Zaïre devrait s’adresser aux comptoirs du diamant pour se procurer des devises fortes. Que les industriels et les commerçants doivent s’approvisionner en devises au marché noir et non auprès des banques. Qu’en somme, la Banque du Zaïre avait perdu tout contrôle des marchés de changes et des marchés des finances. Et si par hasard, le cours de diamant faisait une chute, ce serait probablement la catastrophe totale. Qu’avec le lourd fardeau des dettes, l’Etat zaïrois ne renaîtra pas demain. Qu’un changement nominal de régime n’apportera pas des changements fondamentaux…Que si l’Etat renaît, il ne sera pas un Etat prussien ». Bref, le pays était cliniquement mort. Tous les signaux au rouge foncé, ténébreux. Le taux d’inflation est de 9.796,9% ! Celui de croissance est, naturellement, négatif, -3,9%. Il était de -13,5% une année plutôt.
L’économie est fille d’ordre…politique.
Mais l’on sait que le moribond Zaïre débaptisé R-dC a, depuis, plié son lit et repris sa marche, pour emprunter l’image de ce tétraplégique des saints évangiles. Un miracle a eu lieu. Depuis 2012, le taux de croissance frôle les deux chiffres. D’à peine Usd 50 millions, les réserves internationales ont franchi le seuil symbolique de 1 milliard de dollars et titille les deux milliards, soit un accroissement de près de 4.000% en 20 ans ! A mi-août 2014, les réserves internationales de la BCC se chiffraient, en effet, à 1.787,36 millions USD, équivalent à 8,6 semaines d’importations des biens et des services, même si elles oscillent à ce jour à près de 1,3 milliard de dollars. Voilà la RDC qui tient à relever un autre pari : devenir un pays à revenu intermédiaire en 2018 et un Etat émergeant en 2030. Cependant confie Matata, « de façon fréquente et répétitive, l’opinion se demande pourquoi en dépit de taux de croissance élevés, les conditions sociales de la population en RDC ne s’améliorent pas». Plus de 63% des r-dCongolais vivent sous le seuil de la pauvreté. Le social va mal. Très mal. Et l’économie est fille d’ordre. Et l’ordre est avant tout politique. Hélas, c’est ici que le désordre va crescendo : les résolutions pertinentes de Concertations nationales n’intéressent plus personne. Voilà le Dialogue. Pour quelles perspectives?
Pold LEVI Maweja