Les mines restent à ce jour la principale source des revenus de l’Etat, leur apport titille les 60% dans le budget annuel. Mais en réalité, la RD Congo ne gagne que du menu fretin par rapport à ce que butinent les minings. Voilà sans doute pourquoi le gouvernement a transmis au parlement un projet de loi portant amendement du Code minier, principalement le régime fiscal. Projet gelé depuis. Toutefois, avis d’experts, la révision du Code minier pourrait ne guère porter les effets escomptés.
Bien au contraire, les recettes minières, foi des experts du Centre Carter, risquent de demeurer à leur niveau actuel, de l’argent de poche, conséquence de la désinvolture de l’Etat sur la question du régime fiscal minier.
La chambre des mines de la Fédération des entreprises du Congo vaticine un chaos, un départ massif des opérateurs miniers si jamais l’Etat, en fait les deux chambres du Parlement (Assemblée nationale et Sénat) franchissaient le Rubicon : relever le taux d’imposition dans le régime fiscal. Jusqu’où n’iraient pas les opérateurs miniers (et la FEC) pour contraindre l’Etat au statu quo sur le régime fiscal du secteur minier. Bien avant la publication, en janvier 2015, de son rapport sur l’exécution sujette à caution de quelques 17 grands projets miniers en RDC, le Centre Carter a dû alerter le gouvernement sur la question de la révision du Code minier dans une correspondance-conseil non seulement au Premier ministre, Matata Ponyo, mais aussi à Me Emery Mukundi Wafwana, consultant national, chargé du processus révision du Code minier.
La lettre s’intitule, en effet, «Réflexions du Centre Carter sur le régime fiscal du code minier». Malgré des longues consultations tripartites (Gouvernement-opérateurs miniers et société civile) sur la révision du Code minier en 2013, la Commission de la réforme dudit code n’a malheureusement pas pris en compte toutes les options envisageables dans sa recherche d’un compromis. «Se fondant sur un modèle erroné pour estimer le taux de rentabilité interne d’une société minière et les retombées pour l’Etat. Elle n’a pas pris en compte certains facteurs-clés qui pourraient accroître les retombées fiscales pour la RDC sans pour autant décourager les investissements. La faiblesse la plus frappante du modèle économique du gouvernement est sa projection bien trop optimiste des recettes de l’impôt sur les bénéfices et profits, IBP ». Selon le gouvernement, l’IBP représente au moins 57 % des recettes des mines grâce au Code minier dans sa version actuelle qui remonte de 2002. En réalité, malgré la flambée des cours mondiaux de cuivre, en 2013 par exemple, l’IBP n’a valu que 7% des recettes des mines contre des prévisions de 57 % ! « La faible perception d’IBP résulte d’une série des techniques comptables qui permettent à un investisseur de déclarer des pertes pour ses filiales congolaises tout en déclarant un profit dans d’autres sociétés enregistrées hors du Congo soit au Canada, soit au Royaume-Uni soit à un paradis fiscal comme les Îles Vierges britanniques». Il est donc crucial que le gouvernement puis le Parlement de la RDC approuvent la disposition interdisant le «transfert des prix» contenue dans la mouture finale du Code minier révisé.
Redevance minière.
L’autre fait générateur des recettes qui pose problème est la redevance minière. Lors des négociations, en 2013, sur la révision du code, il a été convenu que la redevance passe de 2 à 6% mais dans la mouture du code révisé, c’est le taux de 3, 5% qui est repris au motif que le gain de l’Etat constituerait déjà 50 % dont la moitié devrait venir de l’IBP. Ce qui ne viendra pourtant pas. Toutefois, en vue de limiter l’évasion fiscale dans les mines, les experts du Centre Carter exhortent les pouvoirs publics r-dcongolais à adapter le futur code minier amendé au code des impôts. Le code minier actuel permet clairement aux minings de minimiser leurs bénéfices en amortissant 60 % de leur investissement dès la première année. Or le code des impôts offre un régime d’amortissement dégressif qui varie selon la durée de vie attendue de l’actif. Le centre Carter propose également à la RDC de limiter la capitalisation restreinte des minings et d’ériger des barrières fiscales entre des projets miniers distincts : les grandes unités minières ont en effet tendance à enchevêtrer plusieurs projets dans un même site. Les projets miniers devraient donc être taxés séparément. Hélas, cette proposition n’a pas été prise en compte lors des négociations entre le gouvernement, les opérateurs miniers et la société sur la révision du code minier. Au Parlement d’agir.
POLD A. LEVI M.