La Banque mondiale s’est, on le sait depuis quelques jours, retiré du projet Inga III dont elle avait pourtant financé les études de faisabilité à hauteur de plus de 73 millions de dollars. Depuis, il pleut sur la Toile d’acerbes critiques contre l’Exécutif rd congolais accusé, entre autres, de détournements des fonds de la BM…à tort.
L’opinion ne pige grand’chose sur ce projet. C’est sans doute là que se situe la faillite de l’Etat. Le gouvernement rd congolais aurait péché par déficit de communication sur le projet Grand Inga dont Inga III n’est que la première d’un chapelet de 7 centrales hydroélectriques.
PROPRIETE EXCLUSIVE DU PEUPLE DE LA RD CONGO
Et pourtant, le site d’Inga est reconnu comme un Actif national appartenant au peuple de la R-dC. La souveraineté de la R-dC sur Inga ainsi que son leadership dans le développement de ce site sont formellement établis dans le protocole d’accord sur le Grand Inga entre la R-dC et l’Afrique du Sud. Les négociateurs r-dcongolais n’ont rien hypothéqué. Au contraire, la partie r-dcongolaise a exigé que soit mentionnée la clause selon laquelle la coopération énergétique avec l’Afrique du Sud est assortie des conditionnalités. Que l’énergie produite par le projet est destinée en priorité à la RD Congo, avant la satisfaction des besoins de l’AfSud. Que la coopération porte, certes, sur l’ensemble des 41.000 MW du site d’Inga, mais que pour Inga III, première phase du Grand Inga, une priorité d’achat de seulement 30% sera concédée aux Sudafs sur chaque phase d’Inga [qui en compte, en effet, sept (7), Inga 3, basse chute environ. 4755 MW, Inga III haute chute 3030 MW, Inga IV 4200 MW, Inga V 6970 MW, Inga VI 6680 MW, Inga VII 6700 MW et Inga VIII, 6740 MW], pour couvrir ses besoins internes à l’horizon 2040, pour autant que dans un délai maximum de 10 ans, l’Afrique du Sud ait acheté 2500 MW sur les 4800 MW d’Inga III attendus vers 2018-2020. Ce qui, espèrent les experts, rendra bancable cette phase et amorcera d’office la mise en œuvre des phases ultérieures. Que la R-dC a le plein droit de vendre aux Etats africains, dans le cadre de l’intégration continentale, l’excédent d’énergie d’Inga IV à Inga VIII. Qu’il est déjà acquis que la RD Congo poursuivrait des pourparlers, commencés en octobre 2012, avec le Nigeria en vue d’un protocole d’accord d’exportation de l’énergie électrique d’Inga IV.
UNE AFFAIRE DE GROS SOUS.
C’est une évidence, le projet Grand Inga est avant tout une affaire des moyens financiers. Des fonds colossaux que la RD Congo ne saurait à elle seule réunir …et même avec le concours de son partenaire initial, l’Afrique du Sud. Inga III coûterait au bas mot 12 milliards de dollars. Le projet sera porté à bras le corps par des instances politiques et financières internationales dont l’UA, le NEPAD, la BIRD, la Banque mondiale, la BAD… au point d’en prendre de facto le leadership. Outre les USD 73,1 millions de la BM, la BAD a déjà investi USD 68 millions dans le projet Inga III. S’en mêlent aussi de puissantes officines privées dont des banques d’affaires. Comme la main qui donne, dit un adage du monde financier, est toujours au-dessus de celle qui reçoit, la RD Congo accuse du recul quant à son leadership sur le projet. Des lobbys occidentaux sous le couvert de la Banque mondiale rejettent, en effet, l’expertise de la firme SNC Lavilin qui a proposé, en 2008, à la RD Congo de construire huit tunnels de près de 8 Km pour puiser de l’eau dans la vallée de Nkokolo en vue d’alimenter les turbines d’Inga III, alors que ces institutions financières internationales n’ont jamais été associées à la conception du projet. C’est leur option qui a été suivie par RD Congolais et Sud-africains.
Voilà qui ne va pas sans balayer de revers de la main tous les pré-requis et préétablis convenus entre la RDC et la RSA. Comme il n’y a jamais un sans deux, le Grand capital, en fait des gros intérêts qui tiennent à reprendre le projet, impose de nouvelles orientations. Selon l’ONG 111111, pour la Banque mondiale, le Projet Grand Inga ne serait financièrement viable que s’il comprend une ligne haute tension allant jusqu’en Europe. Aux USA, le Premier ministre Matata Ponyo, reçoit des assurances d’une injection de 5 milliards de dollars des intérêts américains.
ADEPI VS CODESI
De retour à Kinshasa, le Premier ministre monte la CODESI, Commission pour le développement du site d’Inga dont il tient la présidence. La commission compte également comme membres des ministres et des délégués d’autres institutions politiques. Mais la CODESI sera vite court-circuitée par l’ADEPI, Agence de développement et de promotion du site d’Inga. Placée sous l’autorité de la présidence de la République, l’ADEPI est dirigée par un chargé de mission, Bruno Kapandji, ministre en charge de l’Electricité du temps de Matata I.
Pour mémoire, il sied de rappeler que le Premier ministre avait dû retirer, à son alors ministre en charge de l’Electricité, tous les dossiers inhérents à Inga. Il aurait été reproché à Bruno Kapandji d’avoir paraphé le protocole d’accord sur le projet Grand Inga convenu entre la RD Congo et la RSA. Ce qui fit que le protocole n’a pas pu être examiné par le gouvernement. Le dossier sera expédié à la présidence. Kapandji sera défenestré du gouvernement à la suite d’un remaniement. Mais le revoilà quelques mois plus tard à la tête de l’ADEPI, mi-2015.
AUTRES SOURCES SÛRES DE FINANCEMENT.
L’ADEPI est censée mobiliser des fonds auprès des bailleurs, des consommateurs potentiels, des pays étrangers ainsi qu’une ouverture à la participation des opérateurs privés. Près d’une année après, la Banque mondiale trouve en l’ADEPI « une orientation stratégique tout autre » que celle convenue avec l’Etat rd congolais. Avis d’experts, nul doute qu’après le retrait de la Banque mondiale, d’autres partenaires devraient annoncer le rejet du projet. «La Banque mondiale fait le jeu de ceux qui cherchent des poux sur la tête du Chef de l’Etat…Pourquoi avoir attendu plusieurs mois après la mise en place de l’ADEPI pour la décrier ? », fait comprendre un analyste politique. «Comme dans les mines et le pétrole, des intérêts financiers internationaux ont machiné d’arracher à la RDC le site d’Inga (100.000MW) mais se sont heurtés à la perspicacité d’un nationaliste».
Pour autant, le projet ne tomberait pas à l’eau, foi d’experts. Pour l’histoire, au début des années 1970, les institutions financières de Bretton Woods et occidentales avaient refusé de financer les travaux de construction du barrage égyptien d’Assouan, l’ex-URSS et d’autres partenaires étaient venus à la rescousse du projet. Naturellement, d’autres partenaires de taille pourraient reprendre le projet Inga III si jamais la RD Congo et la Banque mondiale (derrière laquelle se camouflent des puissants intérêts financiers) ne revenaient aux meilleurs sentiments. Il s’agit notamment de l’EXIMBANK chinoise, ou encore de la banque des BRICS, créée justement pour concurrencer Bretton Woods, et dénommée New development Bank. Opérationnelle depuis début décembre 2015, la banque est financée par le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud. Dirigé par l’Indien Kundapar Kamath, la banque dispose déjà d’une bourse de 50 milliards de dollars. D’après un document interne du ministère rd-congolais de l’Economie, “le choix d’un concessionnaire pour INGA III est prévu pour le deuxième semestre de 2016. La signature d’un contrat de concession est envisagée pour la fin de 2017. La période de construction du projet sera de 6 à 7 ans“.
“Les contrats d’achats et de vente d’énergie seront négociés en parallèle avec chaque acheteur avant la signature du contrat de concession“. Nous y reviendrons.
Pold LEVI Maweja