L’éruption soudaine du Volcan Nyiragongo, le 22 mai 2021, et les dégâts causés à Goma en RDC et Gisenyi au Rwanda voisin y sont pour quelque chose. Le risque encouru par les populations riveraines du Lac Kivu en raison d’énormes concentrations du gaz carbonique (quelques 60 milliards de m3 de méthane dissous et 300 milliards de m² de CO2, selon les scientifiques) en constante évolution menace près de 2 millions de personnes, dont plus de la moitié du côté congolais.
Libérés, des émanations de ce gaz du Lac de 89 Km de long sur 48 Km de large provoqueraient une catastrophe humanitaire plus grave que celle du volcan Nyiragongo. Il importe donc de prévenir, et des deux côtés du lac, on s’y affaire.
Lors du conseil des ministres vendredi 2 juillet 2021, le ministre des Hydrocarbures Didier Budimbu a révélé que les concentrations en gaz carbonique dans le Lac Kivu ont évolué de 40% en 2002 à 80% en 2004, surtout dans le golfe de Kabuno. Il y a donc une menace d’explosion à tout moment. Les experts préconisent comme solutions pour éviter l’hécatombe, soit l’exploitation à des fins économiques, soit le dégazage.
Le gouvernement congolais a fait état du recrutement de deux entreprises spécialisées, l’une française et l’autre tunisienne, pour étudier la mise en œuvre de ces solutions. Le ministre des Hydrocarbures a ainsi sollicité la mise à disposition du solde d’un fonds affecté au Bureau central de coordination (BCECO) pour ce projet. Il a plaidé également pour la mise en œuvre du mécanisme d’exonération des équipements et matériels du projet, la finalisation des travaux d’harmonisation de vues entre les services de l’Etat concernés, et la dérogation pour les frais de régulation liés à l’enregistrement du contrat.
Machine relancée
La machine de l’exploitation du gaz méthane du Lac Kivu côté congolais semble ainsi donc relancée. C’est depuis 2019 qu’un accord a été signé entre la RDC et la société tunisienne Engineering Procurement & Projet Management (EPPM) pour le dégazage de la partie congolaise du Lac Kivu.
Par ailleurs, pour préparer la main-d’œuvre qualifiée nécessaire à l’exploitation du gaz méthane emprisonné dans le Lac, EPPM va implanter un centre de formation à Goma (Nord-Kivu) afin d’assurer le transfert des compétences et préparer les populations locales qui vont y travailler. Le début des travaux était prévu pour janvier 2021.
Le projet accuse donc un retard d’un an et 7 mois environ. Au cours d’un point de presse le week-end dernier, le président de la République a encore rappelé que les deux priorités de l’action gouvernementale demeuraient la sécurité et la santé. La sauvegarde de plus d’un million de riverains du Lac Kivu en fait partie sans aucun doute.
Kigali conforte son avance
De l’autre côté du Lac Kivu, au Rwanda, les choses sont allées beaucoup plus vite. Le parlement rwandais vient en effet d’autoriser la reprise des campagnes de relevées sismiques 2D dans le Lac. Ces activités, prévues pour juin 2021, avaient été ralenties en raison de la pandémie de Covid-19, notamment. Mais un budget d’un million USD vient d’être affecté à Rwanda Mines, Petroleum & Gas Board (RMB) pour soutenir ses activités d’exploration de gaz et de pétrole sur le lac. C’est une campagne de visualisation des couches sédimentaires du sous-sol de la zone d’intérêt du lac qui permettra de mieux comprendre son potentiel pétrolier et gazier, tout en aidant à délimiter de potentielles cibles de forages.
Le Rwanda travaille aussi sur un projet d’extraction de méthane pour une transformation en gaz naturel comprimé pour les besoins domestiques et industriels pour un coût estimé à 400 millions USD.
Le pays de Paul Kagamé produit déjà de l’électricité à partir du gaz méthane du lac. En 2008, Kigali avait lancé le projet Kibuye Power 1, une initiative consistant en la production via le méthane du lac de 3,6 MW à Rubavu pour l’alimentation de trois transformateurs afin de produire 26 MW d’électricité destiné au réseau local. Avant de déployer neuf transformateurs supplémentaires de 75 MW pour créer une capacité totale de plus de 100 MW.
En 2019, le Rwanda a signé un nouvel accord avec Gasmeth Energy pour investir 400 millions USD afin de produire du gaz butane à partir du méthane avant de lancer Symbion Power au cours de la même année pour la construction d’une autre centrale à méthane de 56 MW à Rubavu.
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