Dans le Nord-Kivu sous agression du Rwanda et de ses proxys armés de l’AFC/M23, l’horreur se conjugue au quotidien sous les détonations d’armes lourdes et légères. Au point de renvoyer au second plan le calvaire indicible des populations civiles prises entre les feux mais surtout visées par des agresseurs décidés coûte que coûte à faire place nette pour des colonies de peuplement, selon les révélations d’une enquête récente.
Pas plus tard que mardi 7 janvier 2025, un obus tiré à partir de la colline de Kiuli contrôlée par les terroristes de l’AFC/M23 soutenus par Kigali a tué au moins 4 civils à Sake, selon la radio onusienne Okapi.
Le même jour, les rebelles du M23 ont mis à sac la résidence du chef de groupement de Binza et ont emporté tout ce qui pouvait avoir une valeur vénale. Au moins 68 tôles BG28, des sacs de ciment et plusieurs biens ont été pillés par les nouveaux maîtres des lieux, notamment une moto DT 125. Un mois auparavant, les Rwandais et leurs affidés avaient effectué une fouille systématique de la résidence du chef Jerôme Nyamuhanzi, le contraignant à l’exil en Ouganda voisin, rapporte Aimé Mukanda Mbusa, un notable de Rutshuru.
Alors que la prise de Masisi-Centre dans le territoire du même nom, samedi 4 janvier 2025, assurait aux agresseurs le contrôle d’au moins deux (Masisi et Rutshuru) des 6 territoires de la province du Nord-Kivu, la situation des populations civiles demeurées chez elles est de plus en plus infernale. Le 29 décembre 2024, l’ACAJ, une ONG de défense des droits de l’homme, s’était suffisamment émue de la situation pour exhorter les Etats-Unis, l’Union Européenne et le Conseil de sécurité des Nations-Unies à «prendre en urgence des mesures fortes pour démanteler l’industrie des violences guerrières, violations graves des droits de l’homme et pillages des ressources naturelles à l’Est de la République démocratique du Congo que soutiennent certains États et sociétés multinationales».
De l’AFC, certains médias occidentaux et apparentés évoquent davantage les succès militaires que les exactions perpétrées sur les populations civiles. Pourtant, les terroristes à la solde du dictateur Paul Kagame «déchainent une nouvelle terreur en RD Congo», selon les termes de Mark Townsend dans un reportage du quotidien britannique The Guardian, paru le 21 décembre dernier. «Ils cherchaient des nouvelles façons de tuer, des façons de répandre une nouvelle terreur dans le Nord-Kivu», rapporte-t-il, citant des témoignages de première main dans la région.
Sous les détonations, l’horreur absolu
L’horreur dissimulé par les bruits des canons est inénarrable. A l’instar de cette scène surréaliste à Rubaya, une cité minière regorgeant de colombo-tantale (Coltan), où des hommes armés se sont procurés un pilon et un mortier en bois géants, avant de «rassembler les enfants, les coinçant fermement dans le mortier. Isabel, 32 ans, a vu les rebelles leur brûler le crâne. Le mortier est devenu rouge, débordant de sang. Six enfants ont été battus à mort le 4 avril 2024». Rattrapées alors qu’elles avaient fui à travers la forêt, Isabel et une amie ont été sauvagement violées, et cette dernière exécutée sans autre forme de procès. Des cas semblables sont légion et meublent les ‘’exploits’’ de la coalition RDF-M23 sur lesquels les médias globaux ont tendance à s’appesantir. Les troupes rwandaises s’enfoncent plus profondément sur le territoire de la RDC, dans le dessein manifeste d’annexer une partie de ce pays plus grande que le Rwanda lui-même, selon Mark Townsend. «Le cessez-le-feu négocié entre la RDC et le Rwanda n’a pas fait grand-chose. Le M23, en fait, ‘étend’ sa présence. Ses troupes ont progressé de 😯 km vers l’Est de la RDC, 120 km vers le Nord, contrôlant un territoire plus vaste que le Rwanda».
Sur ces terres congolaises conquises, les femmes constituent une proie de prédilection. Le 30 juin à Kisuma, le M23 a kidnappé puis tué le mari de Maria, un enseignant, contraignant sa femme de 25 ans à prendre la fuite. Malheureusement, elle a été rattrapée par les assaillants et contrainte de déposer le bébé qu’elle portait, avant d’être violée à plusieurs reprises en présence de ses filles âgées respectivement de 13, 12, 10 et 8 ans.
Les femmes, proies faciles et victimes expiatoires
A Bweremana, le 12 août 2024, Jenny, 27 ans, était occupée à cultiver son champ lorsque huit hommes armés y ont fait irruption, l’ont attrapée et violée, avant que le contingent dont ils faisaient partie ne conquiert le village quelques jours plus tard.
Selon une enquête réalisée à Sake, à une trentaine de kilomètres de Goma, sur 13 filles âgées de 12 à 17 ans conviées à partager leurs expériences de la guerre, 12 disent avoir été violées, certaines à plusieurs reprises. «Celle qui n’avait pas été violée attendait que cela lui arrive. Si ce n’était pas aujourd’hui, ce serait demain. Peut-être après-demain ? Leur corps est une extension du champ de bataille», selon Alabre, un participant cité dans le reportage.
Qui révèle que Médecins Sans Frontières (MSF) a soigné un nombre record de 25.166 survivantes l’année dernière en RDC, principalement au Nord-Kivu.
A Nyamitaba où il a vécu sous occupation M23, Mambo, 50 ans, rapporte qu’il a vu 10 villageois atrocement battus, alors que le travail forcé était devenu la norme dans cette localité. «Ils ont fait de moi un esclave. A la récolte, ils ont pris les deux tiers de ma production. J’ai vécu dans la peur totale», raconte ce villageois qui a dû fuir son village le 16 septembre dernier. Ainsi va la vie sous le régime imposé par l’homme fort de Kigali.
Dans les camps des déplacés, les hommes ne sont pas épargnés
Pour les hommes aussi, la vie dans les camps des déplacés est loin d’être calme. Le 10 juillet, Isidore, un originaire de Masisi de 57 ans, s’est aventuré dans le parc national avec sa femme. Ils sont tombés sur un groupe de miliciens FDLR. «Ils m’ont obligé à regarder ma femme se faire violer», confie-t-il. Sa femme est toujours hospitalisée depuis l’agression. Emmanuel, un originaire de Karuba âgé de 40 ans, a sauvagement été battu et dépouillé par des assaillants armés alors qu’il était sorti de sa tente au cours de la nuit pour se soulager.
Dans les territoires sous occupation, le M23 a nommé des administrateurs territoriaux en remplacement des autorités congolaises habilitées. Des nouveaux régimes fiscaux et de taxation sont imposés. Ce changement des structures d’autorités locales, dénoncé par le gouvernement de la RD Congo, s’inscrit dans le cadre d’une stratégie à long terme visant la préparation d’un referendum d’auto-détermination dans la région, à l’instigation du Rwanda, explique Peer Schouten de l’Institut danois d’études internationales, cité par Mark Townsend. «De hauts diplomates de l’ONU craignent que le Rwanda ne soit en train de reproduire tout simplement la prise de la Crimée par la Russie il y a dix ans. Ils attendront que Goma soit prête à tomber et annonceront ensuite un referendum du type de celui organisé par la Fédération de Russie en Crimée pour s’unir au Rwanda», relate-t-il.
Cependant, des rapports ont été présentés au Conseil de sécurité de l’ONU, indiquant que le Rwanda est responsable de crimes de guerre du M23 en RDC, et que des sanctions contre Kigali sont justifiées. «Le contrôle et la direction de facto des Forces de Défense Rwandaises sur les opérations du M23 rendent le Rwanda responsable des actions du M23», indique un de ces rapports, qui ajoute que «la présence des Forces de Défense Rwandaises dans la conquête territoriale du M23 est un acte sanctionnable». Mais contre toute attente, la communauté internationale fait preuve de surdité et d’une inaction qui contraste par rapport à la réaction adoptée naguère lorsque les mêmes rebelles s’étaient emparés de la ville de Goma en 2012.
Les Etats-Unis, le Royaume Uni et la France complices de Kigali
En cause, les relations chaleureuses entre le Rwanda, les Etats-Unis, le Royaume Uni et la France, trois des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations-Unies.
A ces relations stratégiques, il faut ajouter un facteur économique qui décuple l’ardeur du régime au pouvoir à Kigali. A cinquante kilomètres du Rwanda se trouvent les vastes mines de Rubaya, visibles depuis l’espace. Elles détiennent 15 % de réserves mondiales du coltan, minerais stratégique utilisé dans la fabrication des téléphones portables et des batteries électriques essentielles à la transition énergétique en Occident. «Des images récentes obtenues par Schouten auprès de sources confidentielles montrent des camions de Rubaya négociant un point de contrôle du M23 en direction du Rwanda. Depuis le Rwanda, le coltan est exporté dans le monde entier comme étant exempt de conflit. La capacité du Rwanda à offrir à vil prix à ses partenaires occidentaux un approvisionnement fiable en coltan explique l’inaction de l’Union européenne», estime le quotidien britannique.
Les Congolais savent maintenant à quoi s’en tenir.
J.N. AVEC LE MAXIMUM