Le Général Carlos Alberto Dos Santos Cruz quitte la RD Congo. Le mandat du chef de la force militaire de la Mission de l’ONU en République Démocratique du Congo (Monusco), est arrivé à son terme deux ans et demi après sa nomination à la tête de la vingtaine de milliers de casques bleus présents en RD Congo. Au cours du point de presse hebdomadaire de la mission onusienne, mercredi dernier, l’officier brésilien a regretté de n’avoir pas pu faire plus pour le peuple congolais. « Je pars de la mission avec beaucoup de frustrations », a-t-il déclaré en substance. Les frustrations et la souffrance des populations le motivaient au quotidien dans la poursuite de sa mission et dans la prise des risques pour protéger les civils contre les bandes de criminels et leurs partisans, a expliqué le brésilien. En attendant la nomination de son successeur, probablement début 2016, c’est le Général Jean Baillaud de nationalité française qui assure l’intérim à la tête des casques bleus déployés en RD Congo.
Avec le départ Carlos Alberto Dos Santos Cruz s’en va ainsi un des tombeurs de la dernière rébellion made in Kigali, le M23 de triste mémoire. L’officier général brésilien est arrivé en RD Congo à la faveur de la création de la brigade d’intervention au sein de la Monusco par la Résolution 2098 du Conseil de sécurité des Nations-Unies, votée le 28 mars 2013 en réaction à la chute de la ville de Goma en novembre 2012. Mais aussi, à l’inéluctable constat de l’inefficacité des 20.000 casques bleus présents sur le territoire de la RD Congo.
La création au sein de la Monusco d’une brigade internationale d’intervention dotée d’un mandat offensif fut elle-même précédée par la signature de l’Accord Cadre pour la paix et la sécurité dans les Grands Lacs, signés par six chefs d’Etat de la région. Un document qui, entre autres, défend le principe de l’intégrité et de la souveraineté territoriales de la RD Congo, interdisant ainsi aux pays de la région tout soutien aux rebelles et forces négatives actives sur le territoire du pays de Lumumba.
La Résolution 2098 renforçait le mandat de la Monusco par la création d’une brigade d’intervention d’environ 3.069 combattants fournis par la Tanzanie, le Malawi et l’Afrique du Sud, des pays de la SADC que la diplomatie rd congolaise avait réussi à s’allier contre l’axe Kigali-Kampala. Le soutien logistique et en hommes disposés à combattre, ajouté au choix d’un commandant brésilien fort d’une expérience satisfaisante en Haïti, ont été déterminantes dans le succès du tandem Brigade d’intervention – Fardc pour vaincre le M23 fin 2013.
Les spécialistes des questions militaires notent que la stratégie utilisée par la brigade d’intervention de la Monusco, notamment l’action des troupes d’élite tanzaniennes et l’intervention de l’aviation sudafricaine en appui aux unités combattantes au sol, fut la principale clé du succès de l’offensive contre le M23. En appui aux FARDC, la MONUSCO a mis en action ses chars, ses pièces d’artillerie et ses mortiers. Ainsi, grâce à des incessants tirs de roquettes et des hélicoptères d’attaque Mi-24 et Rooivalk de l’armée sud-africaine, les troupes des FARDC n’avaient plus qu’à surprendre les défenseurs M23 de Kanyamahoro pour ouvrir la voie à Kibumba et poursuivre leur assaut final jusqu’à leur éviction des collines de Chanzu et Runyonyi.
Une autre option opératique efficace mise en place par la Brigade d’intervention est celle dite de la rupture stratégique visant comme résultat de diviser les forces ennemies en plusieurs fractions que l’on peut ensuite battre séparément avec plus de facilités que si elles étaient réunies. Ce fut la grande innovation stratégique conçue par les stratèges de la brigade d’intervention de la MONUSCO qui a rapidement fait la différence en faveur des forces coalisées contre le M23. En effet, l’action des forces combinées ou conjointes MONUSCO-FARDC, appelées en jargon militaire « combined joint task force », qui ont mené la guerre sur trois fronts – sud, ouest et nord – contre M23 pour la première fois, obligeant le M23 à diviser ses forces déjà affaiblies de l’amputation des 800 combattants fidèles à Ntaganda, ont abouti à la déroute militaire du M23. Le M23 incapable d’occuper tout l’espace militaire de la zone sous contrôle, était obligé de se regrouper en petits groupes qui étaient rapidement pris en tenailles par le dispositif offensif établi par la MONUSCO et les FARDC. Il sera obligé de se retrancher dans montagnes Virunga près de la frontière rwandaise, puis sur les collines de Chanzu et Runyonyi après la chute de Bunagana.
Un autre élément qui a conféré l’avantage aux FARDC et la mise en place d’un dispositif logistique efficace assuré par la MONUSCO pour éviter les mauvaises expériences vécues en 2012 où les éléments du 323ème bataillon étaient laissés des semaines durant au front avec seulement la ration alimentaire pour deux jours. Surtout que la crainte pour la brigade d’intervention dont c’était la toute première fois de mener les opérations conjointes avec les FARDC, c’était d’être confrontée à la trahison des FARDC. Une opération jugée à hauts risques à mesure que les troupes s’éloignaient des principales bases logistiques. C’était également la première fois l’ensemble de la brigade d’intervention, complétée par l’arrivée en début octobre d’un bataillon d’infanterie malawite manœuvrait ensemble dans une même opération.
Le Général Carlos Alberto Dos Santos Cruz, c’est aussi ce natif d’un pays, le Brésil, dont la configuration épouse sensiblement celle de la RD Congo, à la différence de nombre d’officiers occidentaux qui des terres africaines n’ont qu’une connaissance livresque.
J.N.