La deuxième réunion ministérielle pour rechercher la paix et la sécurité à l’Est de la RDC s’est ouverte mardi 20 août 2024 à Luanda, sous médiation angolaise. Elle vise à donner corps à l’accord de cessez-le-feu convenu par les parties rd congolaise et rwandaise le 4 août dernier.
La partie angolaise rappelle à cet effet, que le médiateur, Joao Lourenço, a soumis une proposition d’accord de paix aux présidents rwandais, Paul Kagame et rd congolais, Félix Tshisekedi, les 11 et 12 août 2024.
La réunion ouverte le 20 août discute donc de la proposition d’accord de paix durable soumise aux parties en vue d’une entente commune sur une solution négociée et pacifique au conflit, selon l’Angola.
Jusque jeudi 22 août, 48 heures après l’ouverture des discussions sous l’égide du ministre angolais des Relations extérieures, Téte Antonio, rien de concret n’avait encore filtré de ce second round des négociations.
Des observateurs notent que Kinshasa a, encore une fois, concédé à Kigali un plan d’éradication des FDLR sans réelle contrepartie. Parce qu’au sujet du retrait aussi bien de ses troupes que des supplétifs du M23 et de l’AFC, Kagame n’a pris aucun engagement concret.
Stratégie pour perpétuer le conflit en RDC
C’est le point de vue que soutient également Jean-Luc Habyarimana. Le fils du défunt président rwandais, a publié sur son compte X, le 19 août 2024, une analyse qui ne manque pas de pertinence. «Processus de Luanda : Le piège de Kagame pour un conflit perpétuel et la dislocation de la RDC». De son point de vue, «le processus de Luanda, censé apporter une solution durable, semble plutôt servir les intérêts du Rwanda. Il comporte de nombreux risques pour la RDC, dont l’un des plus graves est la perpétuation du conflit par le biais d’une stratégie ambiguë concernant les FDLR et l’incertitude entourant le retrait des RDF du territoire congolais», a-t-il expliqué.
Le plan de neutralisation des FDLR adopté par les parties apparaît de ce point de vue comme une stratégie ambiguë et dangereuse parce qu’il entretient le flou sur la définition exacte des FDLR et la nature de la menace qu’ils représenteraient pour Kigali. Ce qui ouvre la porte à des manipulations dont le régime rwandais est coutumier. Kagame et ses sbires pourront toujours prétendre que la menace persiste, et justifier ainsi leur maintien en RDC. «En réalité, la persistance des FDLR sert souvent de prétexte au Rwanda pour intervenir militairement en RDC, renforçant ainsi son contrôle sur des régions stratégiques riches en ressources naturelles et sécurisant par la force ou par la corruption l’acheminement de ces minerais vers le Rwandsa (…) Le problème des FDLR est davantage un levier géopolitique qu’une menace existentielle sérieuse pour Kigali », estime Jean-Luc Habyarimana.
Retrait improbable des RDF
Le pari du désengagement des RDF est donc plutôt risqué. A ce jour, il n’existe aucune garantie attestant du retrait effectif des RDF du territoire de la RDC. Les Etats-Unis semblent avoir renoncé à exercer une pression suffisante sur Kagame, en raison de leurs accointances économiques et stratégiques. Le Rwanda sait également s’appuyer sur des alliés stratégiques des Etats-Unis, à l’instar de la France, pour convaincre les américains de lever le pied en cas de besoin. Alors qu’aucun pays africain allié de Kinshasa ne semble réellement disposé à risquer une confrontation militaire ouverte coûteuse avec le Rwanda. Sur ce point précis, «la présence militaire rwandaise en RDC répond à une nécessité existentielle pour Kigali : l’accès aux richesses minières congolaises, cruciales pour soutenir son économie en difficulté. En effet, le soutien du Rwanda au groupe rebelle M23 et la guerre en RDC ont exacerbé les tensions économiques internes au Rwanda, mettant en lumière les faiblesses structurelles de son économie», selon Habyarimana.
Sans les minerais du Congo, le Rwanda s’effondre
Le soutien militaire coûteux au M23 et les tensions régionales ont gravement affecté l’économie rwandaise, révèle le fils du chef de l’Etat rwandais tué dans un attentat commandité par Kagame en 1994. La hausse des importations d’armes et de fournitures pour les RDF a creusé un déficit dans la balance des paiements, obligeant Kigali à solliciter une aide financière de ses partenaires multilatéraux. Cette situation a entraîné une inflation galopante qui pèse lourdement sur les ménages rwandais. Depuis 2000, le Franc rwandais a perdu près de 70% de sa valeur par rapport au dollar américain, aggravant ainsi le fardeau de la dette, qui représente désormais environ 30% du PIB du pays des mille collines. Cette dette, en grande partie libellée en dollars, devient de plus en plus difficile à gérer en raison de la hausse des taux d’intérêt aux États-Unis. La crise économique, alimentée entre autres par la guerre en RDC et le soutien au M23, place le Rwanda dans une situation précaire alors que même l’aide des partenaires ne suffira pas à stabiliser durablement l’économie sans un changement radical de stratégie, selon Jean-Luc Habyarimana.
Dans ces conditions, « les minerais de l’Est de la RDC représentent donc une manne dont le régime de Kigali ne peut en aucun cas se passer sous peine de l’effondrement du système», conclut-il.
Les Rwandais aussi doivent résoudre leurs problèmes avec les FDLR
La fermeture de l’espace politique au Rwanda constitue le véritable problème auquel fait face la région des Grands Lacs. «Tant que ce problème ne sera pas abordé, toute tentative de paix sera vouée à l’échec». Parce que les tentatives de neutralisation des FDLR ou de négociation avec le M23, sans un engagement sérieux à ouvrir l’espace politique au Rwanda et à respecter les droits de l’homme, ne feront que prolonger le cycle de violence. Toute solution qui ignore cette dimension essentielle ne peut aboutir à une paix durable. «Lorsque les autorités rwandaises disent qu’il faut aborder le problème des groupes rebelles dans l’Est de la RDC de façon globale, nous sommes tout à fait d’accord. Mais il faut pousser la logique jusqu’au bout. Il ne peut pas s’agir uniquement de dire que les Congolais doivent résoudre leurs problèmes par la négociation», estime Jean-Luc Habyarimana.
J.N. AVEC LE MAXIMUM