Une semaine à peine après une première sortie médiatique jugée médiocre par la plupart des observateurs, Moïse Katumbi Chapwe, candidat à la présidentielle du 20 décembre 2023 en RDC, est revenu à la charge. Mercredi 8 novembre, le président d’Ensemble pour la République s’est de nouveau prêté à un oral annoncé avec fracas et diffusé sur plusieurs chaînes de télévision, à Kinshsasa notamment.
Au cours de cette prestation médiatique manifestement conçue pour améliorer son image plutôt piteuse diffusée dans l’opinion début novembre, l’ancien gouverneur du Katanga pour le compte du PPRD kabiliste s’est de nouveau empêtré en voulant se présenter comme l’acteur politique parfait de la décennie. «C’est du Katumbi seul maître après Dieu» qui a été servi à l’opinion en RDC. Ce ne fut pas sans heurter moult susceptibilités, parmi ceux de plus en plus nombreux qui, parmi ses compatriotes, se méfient des tendances à l’autoritarisme dans un pays qui aspire à la démocratie aujourd’hui plus que jamais.
«Ensemble pour la République est un parti politique que j’ai créé. Bien sûr, il y a d’autres partis politiques comme l’ARC de Kamitatu, l’UNADEF de Mwando, etc. J’ai financé les leaders de ces partis pour consolider mon parti, et jusqu’à preuve du contraire, je suis le seul financier», a ainsi répondu cet affairiste formé sur le tas à la question d’un journaliste. Des propos maladroits s’il en est, parce qu’ils confirment que pour ce richissime chairman du TP Mazembe, tout peut s’acheter. Y compris des partis politiques aux idéologies parfois diamétralement opposées. A condition d’y mettre le prix .
La chosification à peine voilée qui résulte de ce type d’opérations politico-commerciales n’échappe pas aux détracteurs du candidat président de la RDC. «Vous n’êtes que des pions sur son échiquier, des gens qu’il sponsorise, des ouvriers au service de son ambition», commente un certain Miense qui s’adresse sur les réseaux sociaux aux dirigeants des partis membres d’Ensemble pour la République.
Des révélations qui révèlent l’homme
Dans sa prestation médiatique de mercredi 8 novembre, Moïse Katumbi s’est aussi livré à d’autres révélations sur sa contribution aux actions d’envergure et à la survie de l’opposition politique en RDC. «J’ai sponsorisé l’union de toute l’opposition. Là j’étais Congolais. J’ai fait voyager plus de 100 personnes en payant leurs billets et séjours, malgré que j’étais en exil. Avec mon passeport congolais, j’ai voyagé avec le président actuel dans beaucoup de pays (…) Qui a parlé du 3ème faux pénalty ? », l’a-t-on entendu se gargariser en faisant allusion au conclave de l’opposition tenu à Genval (Belgique) en 2016 sous Joseph Kabila. Des actes de «charité intéressée», selon ses détracteurs qui ne se privent pas de rappeler que l’homme d’affaires soudanais Mo Ibrahim avait lui aussi sponsorisé moult rassemblements de l’opposition rd congolaise à l’étranger sans pour autant réclamer la nationalité ni postuler au top job dans le pays des bénéficiaires de ses largesses. «Ce gaillard ne fait que s’enfoncer chaque fois qu’il ouvre la bouche», réagit ainsi Yves Buya, un autre internaute. Alors que Noël K. Tshiani, l’auteur de la loi sur le verrouillage de l’accès aux fonctions régaliennes en RDC, connu pour son opposition à la candidature de Moïse Katumbi Chapwe enfonce le clou. «Quel bas niveau intellectuel ! Pitoyable. La Cour constitutionnelle a trahi la République. Un étranger reste un étranger malgré les tentatives de cacher la vérité pour se faire passer pour un Congolais. La RDC n’est plus à coloniser», écrit sur son compte X ce professeur d’économie, également candidat à la prochaine présidentielle.
C’est que pour sa seconde prestation médiatique d’envergure, le candidat président de la République de ER s’est révélé incapable de verser dans son populisme habituel. «Moi président de la République, je ne vais condamner personne. Je vais remettre de l’ordre. Dans 6 mois, il n’y aura plus la guerre et on va respecter les militaires. Je ne serai pas un président populiste. Je chercherai des solutions aux problèmes des Congolais», a-t-il déclaré comme pour se défendre des accusations de sympathies rwandaises qui le poursuivent inlassablement.
Une image écornée
Le 1er novembre 2023, Moïse Katumbi s’était déjà livré à un exercice de communication contreproductif à plus d’un titre. A la faveur de la publication de la liste définitive des candidats admis à la présidentielle du 20 décembre 2023 par la Cour constitutionnelle, l’homme d’affaires d’origine juive-séfarade, exclu de la course au top job en 2018 par le régime de Joseph Kabila, avait largué un message vidéo à la nation d’une dizaine de minutes, largement diffusée dans les médias et les réseaux sociaux. Pour «remercier l’Eternel Dieu de toutes ses bénédictions», s’incliner devant la mémoire des compatriotes et de tous ceux qui ont perdu leurs vies suite aux activités criminelles des groupes armés, internes et externes. «Aucun Congolais, ni toute autre personne vivant dans notre pays, ne devrait payer de sa vie l’incapacité des autorités établies à protéger les citoyens et leurs biens», avait commenté le candidat président, lisant plutôt laborieusement, un texte sur téléprompteur.
L’allusion à peine voilée au régime Tshisekedi en place en RDC transpirait nettement de ces propos, autant que quelque mépris pour les institutions judiciaires qui, pourtant, l’avaient consacré candidat au top job malgré des démêlées judiciaires épiques dans un passé récent.
«C’est ici pour moi l’occasion d’honorer la mémoire des victimes de la barbarie et des injustices, parmi lesquelles notre regretté frère et camarade d’heureuse mémoire, Chérubin Okende, dont le corps est toujours gardé depuis bientôt quatre mois, entre les mains de la justice, sans aucune explication, prolongeant ainsi une douleur inacceptable, ressentie par sa famille et ses proches», a-t-il déclaré faisant ainsi fi des procédures judiciaires en cours pour élucider les contours de l’assassinat en juillet dernier du député national et ancien ministre du gouvernement central.
Félicitations du repêché
Plutôt heureux à la suite de l’arrêt rendu le 31 octobre par la Cour constitutionnelle, Moïse Katumbi ne s’en est pas caché. «Malgré les faiblesses observées et plusieurs fois dénoncées, je tiens à saluer l’attitude de la CENI et de la Cour constitutionnelle pour le traitement équitable des candidatures à l’élection présidentielle. Je les exhorte à garder la même attitude jusqu’à la fin du processus électoral en vue de redorer l’image de notre pays», a-t-il déclaré à ce sujet.
Après quoi, l’ancien gouverneur du Katanga a enchaîné avec les généralités, à la limite du chimérique, qui lui tiennent lieu de programme de gouvernance, selon ses détracteurs. «Le temps est arrivé : – De mettre un terme à l’insécurité et aux tueries surtout dans la partie Est de la République ; – De répartir équitablement les richesses du pays et de dissiper la misère de la population ; -De mettre fin aux détournements, à la corruption et au tribalisme ; – De couper court à l’instrumentalisation de la justice ; – De doter la République d’une administration efficace, d’une armée républicaine, professionnelle et dissuasive et d’une police au service des citoyens ; – De restaurer l’autorité de l’Etat; – D’améliorer les conditions socio-économiques des congolais», a-t-il psalmodié dans le style d’une récitation d’écolier.
C’est dans cet exercice où l’amalgame le disputait âprement à la confusion de genres que le candidat président de la République a lancé ce qui lui tient lieu d’estocade. «Mon combat est l’instauration de la démocratie et d’un Etat de droit où il fera bon vivre», a-t-il clamé en affirmant, pince-sans-rire, s’inspirer à la fois des présidents Joseph Kasavubu, Joseph-Désiré Mobutu et Laurent-Désiré Kabila. Autant que du premier 1er ministre Patrice-Emery Lumumba, martyr de l’indépendance et Héros National assassiné en 1961 par des extrémistes sécessionnistes au Katanga avec la complicité de … Joseph-Désiré Mobutu dont il se réclame également.
Discours populiste
Le populisme qui enveloppe d’un bout à l’autre l’oral du candidat Katumbi atteint son paroxysme lorsque dans le même discours il a retiré les lauriers attribués auparavant par lui-même à la CENI et à la Cour constitutionnelle pour en coiffer ses partisans. «En dépit des intimidations, des menaces et des turbulences de tout genre, vous n’avez pas baissé les bras et vous avez milité avec détermination pour que la CENI et la Cour constitutionnelle travaillent dans le strict respect de nos lois, lors de l’analyse, et du traitement des dossiers des candidats à l’élection présidentielle. Je vous en remercie et vous exhorte à rester vigilants jusqu’à la publication des résultats, qui seront la consécration de notre victoire tant attendue», a-t-il déclaré sans ambages.
«Mon parti a un programme de gouvernance chiffré, qui sera dévoilé au moment opportun et pour lequel nous restons ouverts à la contribution d’un chacun, en vue de sa consolidation et de son appropriation par tous les enfants de ce beau pays que nous avons malheureusement transformé en enfer», a-t-il ensuite affirmé en écho aux critiques insistantes concernant la navigation à vue qui caractérise sa communication.
«Katumbi et son écurie ont passé 4 ans et 10 mois à lutter contre la loi Tshiani. A 50 jours de l’élection présidentielle, ils réalisent que leur parti n’a produit aucun projet de société. Leur échec est évident et inévitable», prophétise Benita Ntumba, une internaute tshisekediste très active sur les réseaux sociaux.
Expression robotisée
Il a plu des réactions à ce premier véritable oral de candidat président de la République de Moïse Katumbi. Les détracteurs de l’homme d’affaires et ancien gouverneur kabiliste du Katanga ont sauté sur l’occasion pour le crucifier littéralement. Mais pas que. Même dans les rangs de l’opposition au régime de Félix Tshisekedi le président en exercice de la RDC, des voix critiques contre Katumbi se sont fait entendre. A l’instar du candidat malheureux à la présidentielle 2018, Alain Shekomba pour qui «si Katumbi veut vraiment communiquer avec le peuple, il doit s’exprimer dans la langue et dans un langage du peuple qu’il maîtrise : peut-être le Swahili. Et le reste, son équipe de communication va se charger d’utiliser d’autres langues pour relayer son message. Pour qu’un discours politique mobilise, il doit être naturel et spontané».
Sur la vidéo diffusée le 1er novembre 2023, les carences dans la formation scolaire du self made man arrivé en politique grâce à son demi-frère Katebe Katoto et au président Joseph Kabila. Ses adversaires se sont régalés à satiété de ses déclamations tremblotantes. «Presque mécanique, sans émotion apparente et avec une voix monocorde comme un robot, Katumbi donne l’impression de ne pas croire à ses propres dires. Son body language manque de punch. Il est presque tétanisé, comme s’il se livrait à un exercice hors de portée», commente ainsi Papy Masita sur son compte X. Alors que le journaliste Patrick Eale estime que «dans sa récitation qu’il a plus ou moins bien ‘‘perroquetée’’, le candidat Katumbi rendant hommage aux anciens présidents, a superbement ignoré son véritable mentor, l’ex-président Joseph Kabila Kabange, dont les partisans n’ont eu de cesse de voler à sa rescousse, certains, par réflexe tribalo-régionaliste, et d’autres, par haine contre Tshisekedi qui les a éconduits du pouvoir. Mais force est de constater, par ce zapping de Kabila que la gratitude n’est le fort du candidat Katumbi».
Silence assourdissant sur l’agression rwandaise
Au-delà de la forme de l’oral katumbiste, les détracteurs de l’ancien gouverneur du Katanga ont particulièrement stigmatisé son attitude à l’égard de l’agression rwandaise de la RDC qu’il ambitionne de diriger. Bavick Mankinda soutient à ce sujet que «sans surprise, c’est en sa qualité de cheval de Troie du Rwanda que Katumbi s’est abstenu de condamner l’agression rwandaise menée par le dictateur Paul Kagame. Le peuple congolais observe les manigances de ce Zambien-italo-greco-israëlien». D’autres internautes comme Papy Masita, rappellent les déclarations d’Olivier Kamitatu, un factotum de Katumbi sur une radio de la place il y a quelques mois selon lesquelles «pour Ensemble de Moïse Katumbi, le fait d’indexer explicitement le Rwanda comme pays agresseur équivaut à mettre de l’huile sur le feu».
En foi de quoi il n’est pas certain que l’oral katumbiste du 1er novembre 2023 ait été bien inspiré. Le second non plus, apparemment.
J.N. AVEC LE MAXIMUM