La sixième réunion interministérielle dans le cadre du processus de paix de Luanda, réunissant les ministres des Affaires étrangères d’Angola, de RDC et du Rwanda, s’est tenue lundi 25 novembre 2024 à Luanda. Les discussions ont laissé entrevoir un certain progrès vers l’élaboration d’un accord de paix à conclure entre les chefs d’Etat des trois pays pour l’arrêt des hostilités dans la partie Est de la RDC. Les parties en présence ont adopté à cette fin un concept opérationnel (CONOP) qui guidera la mise en œuvre du Plan harmonisé de neutralisation des FDLR.
Le document approuvé par les parties facilitera à la fois le désengagement des forces en présence sur le terrain des opérations et la levée des ‘‘mesures défensives’’déployées par le Rwanda en territoire congolais.
Jusqu’à présent, les négociations butaient sur les revendications contradictoires de Kinshasa et Kigali. Notamment, l’exigence de la concomitance et de la simultanéité des opérations de désarmement des FDLR voulues par le Rwanda d’une part, et le retrait inconditionnel des troupes rwandaises du territoire congolais réclamé par la RDC et auquel Kigali s’opposait fermement, arguant de ce que sa sécurité était liée au déploiement de ses troupes sur le sol congolais même sans l’avis des autorités congolaises (sic!).
Pour rencontrer les préoccupations des deux parties à cet égard, la médiation angolaise avait été chargée de préparer un concept opérationnel pour contourner ces écueils et guider la mise en œuvre du plan harmonisé de désarment des FDLR.
Opérations concomitantes
Aux termes du document approuvé par les parties lundi dernier à Luanda, la neutralisation des FDLR et le désengagement des troupes rwandaises seront concomitantes, et suivies d’une phase d’analyse sur la situation des FDLR et la levée des ‘‘mesures défensives’’ unilatéralement prises par le Rwanda en RDC.
Les délégations conduites par Thérèse Kayikwamba Wagner (RDC) et Olivier Nduhungirehe ont convenu de la nécessité de poursuivre le plus rapidement possible les négociations sur les autres aspects du projet d’accord tel que présenté aux parties par le président angolais, Joao Lourenço, au mois d’août 2024.
Dimanche 24 novembre 2024 à Luanda, l’Angola, représentée par son ministre des Relations extérieures, Tête Antonio, et la MONUSCO, représentée par la Représentante spéciale du secrétaire général de l’ONU, Bintou Keita, avaient signé un protocole visant à renforcer le soutien de la mission onusienne au Mécanisme de vérification ad hoc renforcé (MVA-R). Lancé à Goma dans le cadre du cessez-le-feu en vigueur depuis le 4 août 2024, ce protocole prévoit, notamment l’échange d’informations et de rapports de terrain. Dirigé par l’Angola, le MVA-R a pour mission de vérifier les accusations d’agression et d’attaque, intégrant des officiers de liaison congolais et rwandais.
Néanmoins, comme à l’accoutumée, Kigali ne s’est pas privé de torpiller les avancées obtenues au cours de cette dernière phase des négociations de Luanda. Mardi 26 novembre 2024, Yolande Makolo, porte-parole du gouvernement rwandais, a pris prétexte des récentes déclarations du ministre congolais de la Justice Constant Mutamba, appelant à des poursuites de la CPI contre le président Kagame pour annoncer que les mesures défensives du Rwanda resteront en place en RDC. Comme si c’est l’invasion de l’Est du Congo par les troupes rwandaises qui empêcheront le procureur près la CPI de poursuivre un auteur des crimes contre l’humanité.
Au cours d’un visite à Goma, le 23 novembre 2024, le ministre d’Etat Constant Mutamba avait en effet, exhorté les pensionnaires de la prison centrale de Munzenze à la vigilance et à la dénonciation des traîtres qui facilitent l’occupation militaire du territoire de la RDC par le Rwanda. Mutamba a également annoncé l’émission d’un mandat d’arrêt contre le président rwandais, Paul Kagame, selon des sources. Des propos qui servent de nouveau prétexte à Kigali pour prolonger l’occupation et le pillage des ressources minières de l’Est de la RDC. «C’est ce à quoi le Rwanda doit faire face tous les jours. C’est pourquoi les mesures défensives du Rwanda restent en place», a déclaré en substance, Yolande Makolo.
Kigali torpille à son habitude
Aux lendemains de la 5ème réunion ministérielle du processus de Luanda, en octobre dernier, c’est le chef de la diplomatie rwandaise Olivier Nduhungirehe, qui s’était fait fort de relativiser les progrès enregistrés dans les négociations en se répandant sur son compte X dans l’énonciation des trois points qui, à son entendement, étaient décisifs pour résoudre le conflit de l’Est de la RDC : un dialogue politique direct entre Kinshasa et le M23 sur les causes profondes de la crise (resic !); neutralisation de bonne foi des génocidaires intégrés dans l’armée congolaise avec leur idéologie dans toute la région ; invitation des pays africains qui ont fourni des troupes pour combattre aux côtés des FARDC (Burundi, SAMIR/MONUSCO) ainsi que des mercenaires déployés ’’en violation du droit international’’ à réfléchir à deux fois avant de se rendre en RDC…
Même si l’approbation du concept opérationnel de la mise en œuvre du Plan de désarmement des FDLR indique que la médiation angolaise a fait fi de ces rodomontades de la partie rwandaise, il n’en demeure pas moins que l’attitude de Kigali est peu rassurante quant à l’avenir.
J.N. AVEC LE MAXIMUM