Alors que la 5ème rencontre ministérielle entre les délégations rd congolaise et rwandaise sous médiation angolaise était attendue au courant de ce mois d’octobre, l’évolution de la situation semble indiquer qu’elle n’aura plus lieu. Puisqu’elle ne servirait plus à grand’chose. Au cours de la réunion du conseil de sécurité de l’ONU, mardi 8 octobre 2024 à New York, les représentants des deux pays se sont rentrés dedans. Littéralement.
Thérèse Kayikwamba Wagner, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères de la RDC, et Olivier Jean Nduhingirehe se sont mutuellement accusés d’obstruction à la conclusion d’un accord de paix alors qu’était attendue une dernière réunion ministérielle avant la rencontre au sommet entre les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame pour clore en apothéose le processus entrepris par l’angolais Joao Lourenço.
La partie rwandaise a accusé la RDC du blocage du processus de Luanda. Kinshasa se serait opposé, au cours de la 4ème réunion ministérielle tenue à Luanda les 14 et 15 septembre 2024, de signer le plan harmonisé de neutralisation des FDLR proposé par la médiation angolaise. En marge du sommet de la francophonie, quelques jours auparavant, Olivier Jean Nduhingirehe avait expliqué à Reuters que le Rwanda était prêt à signer l’accord de Luanda, mais Kinshasa bloquait tout au niveau ministériel en refusant d’avaliser les rapports des experts en renseignements des trois pays sur la neutralisation des FDLR et le retrait des troupes rwandaises de la RDC.
Le 8 octobre à la réunion du Conseil de sécurité, Thérèse Kayikwamba Wagner a effectué une intervention très remarquée pour démontrer la mauvaise volonté des interlocuteurs rwandais.
Luanda et les limites de l’Accord cadre
La plénipotentiaire rd congolaise a ainsi expliqué que le processus de Luanda expose les limites de l’Accord cadre à garantir la pleine responsabilité des signataires. «Nous avons délibérément évité de divulguer dans l’espace public et les médias, les détails du processus de Luanda, par respect pour le médiateur et les vies humaines en jeu afin de garantir la sérénité des négociations. Cependant, il est désormais évident que face à l’urgence de la situation, il est de notre devoir de clarifier devant ce conseil les véritables obstacles qui freinent ce processus et l’adoption d’un projet d’accord proposé par la médiation angolaise», a-t-elle déclaré.
Pour la partie rd congolaise, trois points principaux traduisent la mauvaise foi rwandaise dans les négociations en cours. D’abord, le plan harmonisé pour la neutralisation des FDLR et le désengagement des forces : si la RDC a dûment élaboré son plan de neutralisation des FDLR, depuis avril 2024, avec précision et moyennant une évaluation concrète de la menace, des opérations militaires et un suivi rigoureux des résultats ; la partie s’est contentée d’une simple promesse de retrait, sans garanties ni détails concrets «créant un déséquilibre qui compromet l’application cohérente du plan». Pire, «le Rwanda conditionne son retrait à la neutralisation des FLDR, un chantage qui viole les principes fondamentaux du droit international», selon la ministre rd congolaise des Affaires étrangères.
Pour Thérèse Kayikwamba, le processus de paix de Luanda ne peut avoir de sens que si les volets démantèlement des FDLR et retrait des forces sont mis en œuvre de manière concomitante. «Seule une simultanéité peut assurer la crédibilité et l’efficacité d’un plan qui aspire à restaurer la paix dans la région», conclut-elle sur ce sujet.
Kigali refuse d’assumer ses responsabilités
Ensuite, la partie rd congolaise reproche à la partie rwandaise le rejet de toute clause de responsabilité dans un éventuel accord de paix, ce qui soulève de graves interrogations sur la sincérité de son engagement envers la paix. «Le principe de responsabilité est le socle de toute résolution des conflits. Il impose à chaque partie de respecter scrupuleusement ses engagements, avec rigueur et sincérité. Lorsqu’un accord est violé, ce principe commande des conséquences claires et sans équivoque, qu’il s’agisse de sanctions ou de poursuites judiciaires, pour que justice et droit international ne soient pas des simples mots mais des réalités», assure la ministre des Affaires étrangères de la RDC, avant de conclure que «Sans responsabilité, l ne peut y avoir ni confiance ni paix durable».
Enfin, Kinshasa réaffirme la nécessité impérative d’un mécanisme de justice régionale pour répondre aux violations flagrantes du droit international commises depuis la résurgence du M23 en 2022. «Le Rwanda refuse catégoriquement l’inclusion de toute disposition visant à intégrer ce mécanisme dans l’accord de paix actuellement en discussion. Ce refus obstiné dévoile sans ambiguïté l’intention du Rwanda d’échapper à la lumière de la justice», selon la partie rd congolaise.
Les dénégations de Nduhingere
Dans un tweet sur son compte X, le 8 octobre 2024, le ministre rwandais des Affaires étrangères a tenté de justifier l’opposition de son pays à la «clause de responsabilité» et au «mécanisme de justice régionale» en indiquant que «ces points ne figuraient même pas dans le projet d’accord-cadre proposé par l’Angola les 11 et 12 août 2024 à Kigali et Kinshasa, respectivement, n’étant pas au centre du processus de Luanda. Par ailleurs, ils ne figurent dans aucun compte-rendu de nos réunions ministérielles. Il s’agissait en réalité d’amendements introduits de nulle part par la RDC, sans rapport avec la question sécuritaire en discussion, dans le but manifeste de compliquer les négociations et d’empêcher la signature d’un accord de paix en vue».
Le processus de paix de Luanda, pourtant soutenu par la communauté internationale, bat résolument de l’aile. Le 4 janvier 2024 au sommet de l’OIF à Villers-Cotterêts, Félix Tshisekedi et Paul Kagame étaient à quelques mètres l’un de l’autres, pour la photo de famille en ouverture du sommet, mais les deux chefs d’Etat se sont gardés de s’adresser la parole. La rencontre au sommet tant attendue et souhaitée ne semble pas prête à voir le jour.
J.N. AVEC LE MAXIMUM