La capitale angolaise a abrité, du 14 au 15 septembre 2024, la 4ème réunion ministérielle entre les délégations de la RDC et du Rwanda dans le cadre du processus dit de Luanda, qui vise la résolution du conflit né de l’agression de la RDC par le Rwanda. Il s’agissait, pour les plénipotentiaires des deux pays réunis sous la médiation angolaise, d’avaliser le plan de sortie de crise proposé début août par le président Joao Lourenço afin d’envisager sa mise en œuvre. Mais, il n’en a rien été, manifestement.
A Luanda, le 14 septembre, les délégations conduites par Thérèse Kayikwamba Wagner, ministre des Affaires étrangères de la RDC, et Olivier Nduhungirehe, ministre des Affaires étrangères du Rwanda, avaient pourtant discuté jusqu’aux petites heures du matin, dimanche 15 septembre, sans parvenir à un accord substantiel relatif à la sortie de crise et au retour de la paix dans la région des grands lacs. Selon le compte rendu des travaux dirigés par Téte Antonio, le ministre angolais des Relations extérieures, Luanda 4 a examiné et approuvé le procès-verbal de la 3ème réunion ministérielle tenue les 20 et 21. De même qu’a été examiné le rapport des experts en renseignements réunis les 29 et 30 août 2024 à Rubavu au Rwanda mettant l’accent sur le plan harmonisé de neutralisation des FDLR et de désengagement des forces, la levée des mesures ‘‘défensives’’ par le Rwanda. Les deux ministres ont également été informés des contacts entre la facilitation et la délégation du M23, essentiellement consacrée à l’adhésion des renégats congolais au cessez-le-feu en vigueur depuis le 4 août 2024.
Plan harmonisé
Sur la mise en œuvre du plan harmonisé de neutralisation des FDLR et le désengagement des forces rwandaises, qui auraient pu sensiblement faire avancer le processus des négociations, motus et bouche cousue. Ce n’est pourtant pas faute pour les experts en renseignements des trois pays, la RDC, l’Angola et le Rwanda, d’y avoir travaillé.
Après Goma (RDC), quelques jours plus tôt, la ville rwandaise de Rubavu avait en effet abrité, les 29 et 30 2024, une rencontre de haut niveau des responsables des services d’intelligence congolais, rwandais et angolais. Sous la direction de Matias Bertino Matombo, pour l’Angola, du général-major Christian Ndaywell et Justin Inzun Kakiak pour la RDC et du général de brigade Jean-Paul Nyirubutama pour le Rwanda avaient convenu d’un plan en dix étapes étalées sur 120 jours, incluant des actions militaires coordonnées contre les FDLR et le retrait progressif des troupes rwandaises de la RDC. C’est le document qui a été examiné par les ministres des trois pays à Luanda. Sans en communiquer la moindre réaction, probablement parce qu’il doit être soumis à l’examen des chefs d’Etat.
Selon l’Agence angolaise de presse, à l’issue de la réunion ministérielle des 14 et 15 septembre 2024, «la RDC et le Rwanda ont réitéré leur engagement dans le processus de Luanda, un mécanisme de pacification dans l’Est de la RDC ». Reste celui des proxy forces soutenues par les deux parties, qui malmènent le cessez-le-feu en vigueur depuis le 4 août au Nord-Kivu.
Les plénipotentiaires rwandais paraissent gênés aux entournures par le fait que, contrairement aux FDLR qui sont des opposants armés rwandais exilés en RDC, les différents groupes qu’ils reprochent à leurs homologues congolais de soutenir, sont tous des Congolais résistant au Congo à l’invasion de leurs terres par les phalanges de l’armée rwandaise au Kivu. Impossible donc logiquement de les loger à la même enseigne.
Soutien au processus
Fin août 2024, la médiation angolaise est passée outre le refus de Kinshasa de négocier avec les supplétifs du Rwanda qui déstabilisent leur propre pays la RDC en engageant des discussions avec le M23. Quatre délégués de ce mouvement ont séjourné à Luanda du 31 août au 3 septembre 2024 pour des discussions avec les autorités angolaises autour de la mise en œuvre du cessez-le-feu qui souffre de fréquentes ruptures. Selon nos confrères de RFI, le M23 aurait exigé un dialogue direct avec Kinshasa sur des problèmes internes à la RDC. Le rapport de ces discussions a également été fait aux ministres des trois pays au cours de la réunion de Luanda, sans qu’aucune réaction n’ait été enregistrée, apparemment. Parce que, d’une part, la question n’était pas à l’ordre du jour et, d’autre part, à cause du risque de banalisation de l’ingérence dans les affaires intérieures d’un Etat membre de l’ONU et de l’UA. Selon le cabinet de Thérèse Kayikwamba Wagner, ministre des Affaires étrangères de la RDC, la réunion de Luanda visait, notamment, «à poursuivre les discussions sur les points restés en suspens les 20 et 21 août, dont l’harmonisation a été effectuée par les experts lors de la réunion tenue à Rubavu les 29 et 30 août 2024».
A ce stade de l’évolution du processus de Luanda, amplement soutenu par la communauté internationale, tout laisse croire que les protagonistes rd congolais et rwandais n’oseront pas se lancer dans une confrontation directe. C’est ce qu’indique l’engagement réitéré des parties à un processus dont le seul acquis demeure le cessez-le-feu convenu et en vigueur depuis le 4 août dernier. Même si, ainsi qu’ils l’ont fait jusqu’ici, leurs alliés respectifs sur le terrain des opérations au Nord-Kivu devraient continuer à s’affronter ci et là.
Du fait de la duplicité de Paul Kagame qui s’enffere de plus en plus dans des contradictions, entre Kinshasa et Kigali, on est encore loin de la rencontre au sommet entre les deux chefs d’Etat qui scellerait le retour définitif de la paix perturbée depuis plus d’un quart de siècle dans la partie Est de la RDC.
En effet, rien n’indique que le Rwanda, dont les dirigeants semblent convaincus jusqu’à la moelle que la survie économique de leur pays est exclusivement tributaire du pillage des minerais congolais, acceptera de gaieté de coeur de retirer effectivement ses troupes engagées aux côtés des renégats du M23 et de l’AFC qui ne sont rien d’autre que des créatures des RDF.
Pression rwandaise
Aussitôt clôturée la rencontre ministérielle de Luanda, le 15 septembre dernier, la partie rwandaise a mis la pression sur la RDC, accusée de s’être opposée à la proposition de négociations directes avec le M23, qui aurait été présentée par la médiation angolaise, comme si le Congo-Kinshasa était obligé de calquer sa politique intérieure sur les oukases de son minuscule voisin.
Dans les réseaux sociaux à Kinshasa, quelques influenceurs proches de Kigali, comme Steve Wembi, ont répercuté l’accusation en écrivant sur son compte X que «selon des câbles, Thérèse Wagner rejette le plan harmonisé de neutralisation des FDLR et de levée des mesures rwandaises de défense, tel qu’approuvé par les experts militaires et en renseignements des trois pays».
Lundi 16 septembre, Igihe, un média de Kigali, accusait carrément Kinshasa de «négocier avec le Niger l’envoi de 6 membres du gouvernement Habyarimana dans l’intention de renverser le régime de Paul Kagame». A l’appui de cette accusation, un «document secret» portant mandat spécial daté du 26 juillet, signé par le directeur de cabinet de Félix Tshisekedi, chargeant un résident centrafricain de Niamey d’obtenir la liberté de circuler pour des hutu, présentés comme génocidaires.
Le document publié en fac-similé avec un sceau à encre alors que depuis des années l’administration de la présidence congolaise n’utilise qu’un cachet sec, transpire le faux vulgaire mais le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe s’est laissé aller à en confirmer l’authenticité. «Si le gouvernement congolais souhaite obtenir ‘la liberté de circuler et de voyager (en RDC) en faveur des hutu rwandais’, membres du régime génocidaire de 1994, y compris un ancien capitaine toujours actif dans des groupes subversifs, qu’il le fasse au moins sans se cacher derrière son petit doigt», écrit-il sur son compte X. Moralité: chassez le naturel, il revient au galop…
Le recours à l’argument génocidaire et au prétexte émaillés des FDLR par la principauté militaire au pouvoir à Kigali pour justifier ses incursions prédatrices en RDC est révélateur des véritables intentions de Kagame qui, acculé dans ses derniers retranchements par la communauté internationale, ne cherche plus qu’à gagner du temps pour multiplier ses rapines sur les territoires riches en minerais de l’Est de la RDC.
J.N. AVEC LE MAXIMUM