Le désamour entre le président de la RDC, Félix Tshisekedi et son homologue rwandais Paul Kagame a défrayé la chronique au cours de ces dernières années. Le 6 août 2024 à Bruxelles, le chef de l’Etat congolais a dit tout le mal qu’il pensait de son belliqueux voisin rwandais dont l’armée et les supplétifs rebelles écument certaines zones de l’Est de son pays depuis novembre 2021. «Je veux parler à Paul Kagame. Pas pour négocier quoi que ce soit, mais pour lui demander ce qu’il veut à mon pays», a bûcheronné un Félix Tshisekedi très remonté lors d’un entretien avec les journalistes Christian Lukakweno et Baudouin Wetshi Amba.
D’aucuns y avaient vu une radicalisation de la position congolaise alors que des pressions diplomatiques se multiplient pour ramener la paix dans la région des grands lacs.
Côté rwandais, malgré les dénonciations de l’agression rwandaise contre la RDC par la communauté internationale, le président Paul Kagame continue à camper avec arrogance sur les positions avantageuses de ses troupes sur le terrain des affrontements, qu’il justifie par un narratif aussi confus qu’évanescent dans lequel l’affabulation côtoie le mensonge le plus grossier. A l’occasion de l’inauguration de son quatrième mandat, mercredi 14 août 2024 à Kigali, le chef de l’Etat rwandais est revenu, non sans délectation, sur la question rd congolaise. «Si vous admettez que les M23 sont des Congolais, pourquoi la RDC ne résout-elle pas le problème des M23 ? S’ils ont choisi la voie de la force militaire pour résoudre ce problème, cela est leur problème et non le mien. Mon problème, en revanche, est celui des FDLR, que le gouvernement congolais a armés et qu’il utilise dans la guerre contre le M23, qui sont Congolais, et même ces autres pays qui viennent aider la RDC, d’une manière ou d’une autre, l’idée est de collaborer avec les FARDC et les FDLR pour combattre le M23 et au finish ramener la guerre au Rwanda. Je ne peux pas interdire aux gens de penser ce qu’ils veulent, mais ma mission est d’éviter que cela ne puisse pas se concrétiser», a martelé un Kagame qui, manifestement encore ivre du soutien de ses parrains occidentaux, en oublie que son autorité n’excède pas les limites du seul Rwanda, même si des communautés rwandophones vivent notamment dans d’autres pays comme la RDC. Du côté de Kinshasa, on fait remarquer que la RDC n’a joué aucun rôle dans le génocide de 1994 sur lequel Kagame ne cesse de surfer pour justifier l’agression et que si des FDLR se sont retrouvés au Congo, c’est à ses mentors britanniques et américains qu’on le doit.
Positions inconciliables
De toute évidence, les deux parties campent donc sur des positions a priori inconciliables : Félix Tshisekedi refuse obstinément tout dialogue avec les renégats pro Kagame du M23 dont le seul rôle semble être de donner une couleur locale à une agression caractérisée d’un pays souverain par un autre selon de nombreux rapports d’experts onusiens.
C’est avec le Rwanda, qui a de plus en plus de mal à cacher ses motivations hégémoniques et prédatrices qu’il faut parler. Sans y apporter le moindre début de preuve, Kagame s’évertue pour sa part à justifier l’incursion de son armée en RDC par une prétendue collaboration des FARDC avec les FDLR en niant toute responsabilité dans la résurgence de la nébuleuse M23 qu’il présente comme une rébellion interne à la RDC.
Il semble toutefois que du front diplomatique pointe une éclaircie à travers la reprise, depuis quelques semaines, du processus de Luanda, piloté par le président angolais Joao Lourenço.
Le 6 août à Bruxelles, Félix Tshisekedi disait déjà sa confiance dans son homologue angolais et dans le processus de paix qu’il pilote. Ce processus prévoit notamment le désarmement des FDLR et le cantonnement du M23 ainsi qu’un cessez-le-feu entre les forces gouvernementales de la RDC et celles du Rwanda, une démarche qui semble plus de la définition congolaise de la situation.
En attendant ces perspectives qui restent un énorme défi à relever, Joao Lourenço a réussi l’exploit de placer autour d’une même table les délégations des deux pays représentés au niveau ministériel. Pour tenter de déblayer le chemin à parcourir avant d’aboutir à une désescalade et à la restauration de la paix dans la région. Un cessez-le-feu, entré en vigueur le 4 août 2024 a été conclu entre les parties, qui semble être respecté tant bien que mal jusque-là. Kinshasa a soumis un énième plan d’éradication des FDLR, amélioré par la médiation angolaise qui est en étude par Kigali. D’ici fin août sera abordé la mise en œuvre effective de ce plan et le cantonnement des renégats congolais (M23-AFC), suivi d’une rencontre au sommet entre Tshisekedi et Kagame pour mettre à plat les éventuelles divergences qui pourraient subsister.
Volonté politique des parties
Profitant de son séjour à Kigali, à l’occasion de la prestation de serment du président Paul Kagame le 11 août 2024, l’angolais Joao Lourenço a eu un entretien en tête-à-tête avec son homologue rwandais au sujet du processus de consolidation de la paix et de la sécurité en RDC. Rien n’a filtré de ces échanges mais les observateurs estiment que le médiateur angolais prépare le terrain pour une rencontre entre les chefs d’Etat des deux pays belligérants. A en croire Téte Antonio, le ministre angolais des Relations extérieures qui s’est confié à la presse rwandaise, il existerait une volonté politique de la part des autorités du Rwanda et de la RDC de respecter le cessez-le-feu. «Rome ne s’est pas construite en un jour. Nous savons ce que c’est qu’un cessez-le-feu. Nous savons qu’il y a une volonté politique de la part des parties. Nous avançons lentement», a-t-il dit.
Le chemin vers un retour de la paix dans la région est donc encore long, à en juger par les rodomontades de Kagame à la même occasion. Tout en remerciant son homologue angolais pour ses efforts dans la recherche de la paix et la stabilité sur le continent, particulièrement dans la région de l’Afrique australe et centrale, le chef de la principauté militaire en place au pays des mille collines a cyniquement déclaré que «la paix ne peut être instaurée par personne, où que ce soit, quelle que soit sa puissance, si la partie la plus directement impliquée ne fait pas le nécessaire. Sans cela, les efforts de médiation sincères des dirigeants régionaux mandatés ne peuvent pas fonctionner comme prévu». L’allusion à la RDC, «partie la plus directement impliquée» aux yeux de Kagame, ne fait aucun doute dans le chef de ce dernier, même s’il se garde d’élaborer sur les raisons de son implication à lui, dirigeant rwandais dans ce «problème entre Congolais».
Kinshasa rassure Lourenço
A Kinshasa, 24 heures plus tard, le président angolais a entretenu son homologue rd congolais des mêmes préoccupations sécuritaires, les deux chefs d’Etat saluant l’entrée en vigueur du cessez-le-feu entre FARDC et RDF et appelant à son respect par les parties. Selon Thérèse Kayikwamba Wagner, ministre d’Etat aux Affaires étrangères, le président Tshisekedi a réitéré auprès de Joao Lourenço la disponibilité de son gouvernement à participer aux prochaines étapes du processus de Luanda, ce qui inclut une rencontre entre les deux chefs d’Etat.
On fait remarquer à Luanda que la consolidation du processus passe par la restauration de la confiance et le renforcement du mécanisme de vérification ad hoc décidé par les parties.
La mise en œuvre du plan d’éradication des FDLR, d’ici fin août, qui contraindra Kigali à oublier une fois pour toutes ses supplétifs du M23 et de l’AFC.
J.N. AVEC LE MAXIMUM