Chose promise, chose due. Sans surprise, puisque cela faisait parti du programme de gouvernance annoncé par son parti, le chef de file du Labour et nouveau premier ministre britannique, Keir Starmer, a annulé le 6 juillet 2024 le projet d’expulsion des demandeurs d’asile de son pays vers le Rwanda.
Yvette Cooper, la nouvelle ministre de l’Intérieur britannique, a initié un audit sur le coût, jugé exorbitant de ce programme controversé. L’exercice comptable pour évaluer et apprécier l’affectation des 290 millions de livres sterling prévus pour financer le programme sera clôturé d’ici fin juillet. «Nous auditons l’ensemble du projet… c’était clairement une arnaque», a déclaré Yvette Cooper aux médias. «Le programme a dépensé des centaines de millions et n’a envoyé que quatre volontaires. Nous l’auditons et présenterons d’autres mesures au parlement en temps voulu», a encore expliqué la nouvelle ministre britannique.
Remboursement peu probable
Mais, au Royaume-Uni, les observateurs ne se bercent pas d’illusions. Il est probable que Londres obtienne le remboursement des millions de livres sterlings versés à Kigali dans le cadre du programme de réinstallation des demandeurs d’asile dans ce pays. Parce que l’accord entre les gouvernements conservateurs de Boris Johnson et Rishi Sunak et la partie rwandaise ne prévoit aucune possibilité de remboursement.
Mardi 9 juillet 2024, Alain Mukuralinda, porte-parole adjoint du gouvernement rwandais a, du reste, déclaré à l’annonce du nouveau gouvernement britannique que «l’accord que nous avons signé ne stipulait pas que nous devrions rendre l’argent».
Trafic d’êtres humains
Selon l’accord Londres – Kigali d’avril 2022, le Royaume-Uni avait accepté de verser au Rwanda 370 millions de livres sterling sur cinq ans. Une somme qui devait augmenter de 120 millions de livres sterlings supplémentaires dès que 300 personnes auraient été réinstallées dans le pays de Paul Kagame.
Le gouvernement britannique s’était engagé à payer une majoration de 20.000 livres sterlings par demandeur d’asile envoyé au Rwanda. Alors que les coûts de «transformation et d’exploitation», qui incluent le paiement de la nourriture et de l’éducation des migrants devait atteindre plus 150 livres sterlings par personne sur cinq ans.
Nouvelles affectations du pactole
Le nouveau gouvernement britannique prévoit d’affecter ces fonds à la lutte contre les gangs des passeurs de migrants à travers la création d’un commandement de la sécurité aux frontières. Plutôt que d’en faire cadeau au dictateur de Kigali. «Le projet rwandais est mort et enterré. Il a été annulé et les vols n’auront plus lieu», a insisté pour sa part le porte-parole du gouvernement Starmer.
Fin mars-début avril 2022, le Royaume-Uni avait annoncé avec pompe la signature d’un accord de réinstallation des migrants au Rwanda, assorti d’un pactole de 120 millions de livres sterling versés au régime de Paul Kagame dès le 14 avril, quelques semaines plus tard. Alors qu’aucun migrant n’avait encore foulé le sol rwandais, ce financement avec célérité était apparu aux yeux de certains observateurs comme une perfusion de l’économie de guerre rwandaise. Notamment, parce qu’elle épousait les contours des conflagrations armées provoquées par Kigali en RDC.
Le nerf de la guerre en RDC
En mars 2022, c’est après que le M23 eut attaqué un hélicoptère de la MONUSCO et provoqué le déplacement de 92.000 civils au Nord-Kivu que la Royaume avait annoncé l’accord de réinstallation des migrants conclu avec Kigali. Avant de débloquer une première tranche de financement du programme à hauteur de 120 millions de livres sterling en faveur de la principauté militaire rwandaise.
Durant la même période, au Nord-Kivu, les atrocités commises par les escadrons de la mort de Kagame s’intensifièrent. En mai 2023, le Rwanda a envoyé 100 éléments RDF soutenir une offensive majeure du M23 afin de s’emparer de quelques localités sur le territoire de la RDC. L’opération avait provoqué le déplacement de plus de 70.000 personnes supplémentaires, selon des sources humanitaires. Cette campagne de destructions et de violences sans nom fut, notamment, marquée par les massacres de Kishishe où 14 charniers furent découverts et documentés par les enquêteurs onusiens.
Manifestement, le pactole britannique aura servi à assouvir les ambitions bellicistes et hégémonistes de Paul Kagame. Difficile de se convaincre que les conservateurs au pouvoir au Royaume-Uni ignoraient tout des desseins de leur protégé sur cette partie du continent africain.
J.N. AVEC LE MAXIMUM