Le Département d’Etat américain a fait état le 8 juillet 2024 de sa «préoccupation concernant certaines chaînes d’approvisionnement en minerais du Rwanda et de l’Est de la République Démocratique du Congo qui contribuent au conflit en cours». Cette déclaration est une réponse aux demandes adressées par le secteur privé à Washington, appelé à clarifier les risques potentiels associés à la fabrication des produits utilisant des minéraux en provenance de l’Est de la RDC, du Rwanda et de l’Ouganda. «Les Etats-Unis sont profondément préoccupés par le conflit en cours à l’Est de la RDC et par la crise humanitaire qui en résulte. En particulier par le rôle que le commerce et l’exploitation illicites de certains minéraux, notamment l’or et le tantale extraits de manière artisanale et semi-industrielle, de la région des Grands Lacs, continuent à jouer dans le financement des conflits», peut-on y lire.
Pour le gouvernement américain, des quantités importantes de minéraux sont transportées et exportés par des commerçants congolais hors de leur pays, via le Rwanda et l’Ouganda, avec le soutien de divers groupes armés et de certains services de sécurité. Ces minéraux sont ensuite acheminés vers les principaux pays de raffinage et de transformation. «Ces chaînes d’approvisionnement facilitent l’exploitation illicite impliquant des actes de corruption», note le Département d’Etat.
Violations des droits de l’homme
Outre la présence de Kigali et de Kampala dans la chaîne d’approvisionnement illicite des minéraux extraits de la RDC, la déclaration américaine du 8 juillet met explicitement le doigt sur les conditions de transport et d’exportation qui permettent un éventail de violations des droits de l’homme et des droits du travail (travail forcé, travail des enfants, violences sexuelles) dans les zones d’exploitation minière.
En conséquence, «le gouvernement américain encourage des initiatives de traçabilité par l’industrie dans la région, notamment grâce à une plus grande transparence et à des mécanismes de diligence raisonnable plus solides».
Les USA notent ainsi que les risques associés aux violations des droits de l’homme, à la corruption et au financement des conflits se sont intensifiés en raison de cette situation, en particulier depuis 2023.
Plainte congolaise contre Apple
La déclaration américaine du 8 juillet semble ainsi liée à l’action en justice contre Apple, le géant américain de l’informatique et de téléphonie mobile, par la RDC. Au cours d’une interview sur LCI, le 1er mai 2024, le président Félix Tshisekedi avait affirmé qu’« il y a du sang des victimes congolaises dans la fabrication des appareils d’Apple. C’est certain. C’est documenté. Maintenant ce sont les enquêtes qui le démontreront. Les gens d’Apple, eux disent qu’ils achètent des produits propres. Or, nous savons qu’au Rwanda il n’y a même pas un gramme de minerais les plus prisés qui sont destinés à la fabrication de cette technologie. Donc, ça veut dire que ces minerais proviennent de quelque part. Et aujourd’hui il est avéré que c’est de la RDC qu’ils proviennent ». Poursuivant sa dénonciation, le chef de l’Etat congolais assurait encore que «ces minerais arrivent au Rwanda et certaines ONG complices du régime rwandais commencent simplement la vérification sur les lieux d’entreposage au lieu de le faire à partir des lieux d’origine de ces produits, c’est-à-dire les mines congolaises auxquelles on accède après avoir violenté, massacré nos compatriotes».
Une plainte en bonne et due forme a été d’ores et déjà introduite auprès des instances judiciaires américaines en Californie, siège d’Apple, ainsi qu’en France où la multinationale détient une filiale. Après que Amsterdam & Partners LLP, le cabinet d’avocats qui défend la RDC eût adressé une mise en demeure restée sans suite au géant américain de la technologie.
La part de la RDC
On se perd en conjectures sur l’attitude complaisante, voire complice de certaines autorités congolaises avec ce trafic illicite dénoncé par leur gouvernement et sur lequel le président rwandais Paul Kagame est revenu récemment en reconnaissant que ces minerais venaient bel et bien de la RDC.
«Il est plus que temps que Kinshasa soit conséquent avec lui-même en initiant des sanctions fermes et sévères à l’encontre de tous les acteurs économiques et agents publics véreux, qu’ils soient civils ou militaires, qui contribuent de la sorte à l’appauvrissement de leur propre pays», déclare Archibald Kasongo, analyste politique à l’Université catholique du Congo.
J.N. AVEC LE MAXIMUM