La principauté militaire au pouvoir à Kigali a attiré les projecteurs de l’actualité mondiale le 7 avril 2024 à l’occasion de la commémoration du 30ème anniversaire du génocide de plus ou moins 800 milles tutsis et hutus modérés dans ce pays. On se souvient qu’après l’attentat qui coûta la vie aux chefs d’Etat du Rwanda et du Burundi (Habyarimana et Ntaryamira) le 6 avril de la même année, le pays des mille collines a connu l’indicible. Trois décennies après, au Rwanda même, puis en RDC voisine où des centaines de milliers de Rwandais innocents avaient cru trouver refuge, les conséquences de cette tragédie continuent à se faire sentir.
Officiellement, les victimes de ces événements survenus au Rwanda en 1994 s’évaluent à près d’un million de morts, soit quelques 800 mille tustis, mais aussi plusieurs hutus modérés, au sujet desquels le pouvoir de Paul Kagame impose l’omerta. Même si avec le temps, beaucoup d’eau et de sang a coulé sous les ponts dans la région, et l’arnaque, qui ne tient manifestement plus que par la manipulation de quelques lobbyistes, l’homme fort de Kigali continue d’invoquer ce drame pour jutifier toutes ses turpitudes. A l’occasion de ce qu’il lui a plu de qualifier de «30ème anniversaire du génocide contre les tustis», Kagame, soutenu par les Etats-Unis, le Royaume Uni et l’Union Européenne, déroule un projet prédateur et hégémonique sans fards dans la région des Grands lacs.
Le communiqué rendu public le 7 avril 2024 par Anthony Blinken, secrétaire d’Etat américain, assure à ce sujet que «Les Etats-Unis se tiennent aux côtés du peuple rwandais lors de Kwibuka 30 pour rendre hommage aux victimes du génocide. Nous pleurons les milliers de Tutsis, Hutus, Twas et autres dont la vie a été perdue au cours de 100 jours de violences indescriptibles».
Ralliements de plus en plus sélectives
«On se demande pourquoi certains refusent de citer nommément les victimes», a réagi au cours d’une intervention du haut de la tribune érigée à l’occasion, a répliqué Paul Kagame, manifestement énervé par les nuances de ceux qui, jusque-là soutenaient inconditionnellement ses thèses.
En Afrique, une douzaine de chefs d’Etats africains ont effectué le déplacement de Kigali pour commémorer une célébration qui occultait délibérément l’élément déclencheur de cette tragédie, à savoir, l’assassinat des présidents rwandais et burundais, jamais élucidé à ce jour. La RDC et le Burundi, voisins immédiats du Rwanda,
n’ont envoyé aucune délégation à cette célébration. Au Burundi, le gouvernement du président Evariste Ndayishimiye a organisé le 6 avril, sa propre commémoration des drames vécus par son pays alors que le président congolais Félix-Antoine Tshisekedi, dont le pays est envahi par l’armée rwandaise, n’a délégué personne à Kigali.
Il reste que le 7 avril à Kigali, le rituel annuel instauré par Paul Kagame pour marquer le génocide qui a indigné le monde civilisé il y a 30 ans, visait à justifier et soutenir cette sorte de «Pax Kagame» imposée à la région, en présence des nombreux sponsors du dictateur rwandais. Notamment, l’ancien président américain lors du génocide, Bill Clinton; l’ancien président français Nicolas Sarkozy, dont les thèses sur ‘‘la redistribution des ressources naturelles de la région des Grands Lacs’’ sont de notoriété publique. Et beaucoup d’autres encore, à l’instar du président de l’Etat d’Israël, du Porte-parole du parlement canadien, du président de la République fédérale d’Allemagne, du président du Conseil européen et du secrétaire général du Commonwealth.
Pas de volonté d’intervention
La commémoration de Kigali ne fut nullement un lieu de recherche des causes et des solutions aux drames qui hantent jusqu’à ce jour la région des Grands lacs. La sortie médiatique du président français, Emmanuel Macron en cette circonstance le résume sans fioritures. «La France aurait pu arrêter le génocide (des Tutsis) … mais n’en a pas eu la volonté», avait déclaré le chef de l’Etat français quelques jours avant les célébrations de Kigali. Un aveu-traître, selon une partie de la classe politique de son pays, et notamment des militaires ainsi injustement pointés du doigt, parmi lesquels certains se sont trouvés dans l’obligation de contredire le jeune chef d’Etat et dénoncer un narratif forgé par les lobbyistes américains et les laboratoires de Kagame.
Car, en réalité, «le FPR de Paul Kagame fit tout son possible pour que les militaires français quittent leur pays avant la guerre civile. Il est évident que Kagame n’a jamais eu l’intention d’appliquer les accords d’Arusha qui lui auraient imposé le respect d’un processus démocratique apte à lui interdire une prise de pouvoir totale par les Tustis», rappelle une source proche du dossier sous le sceau de l’anonymat.
Il est clair que la volonté de la France et de tous ceux qui n’ont pas pu (ou voulu) arrêter le génocide rwandais de 1994, en laissant ainsi la charge au seul Paul Kagame et ses phalanges sanguinaires de ne pas déplaire à celui qui est devenu le seul maître à bord du bateau rwandais et qui essaie d’étendre son omnipotence sur toute la région des Grands Lacs africains. La célébration des 30 années de la ‘‘Pax Kagame’’ est une consécration et un soutien à 30 années d’exterminations et de déplacements systématiques et méthodiques des populations de la région pour faire place nette aux néo-colonisateurs occidentaux à travers les multinationales américaines, canadiennes, britanniques et européennes.
Méthodes exterminatrices
Les méthodes de l’exterminateur rwandais ne sont pourtant pas inconnues.
Elles demeurent les mêmes depuis l’invasion du Rwanda au début des années ’90 par le Front Patriotique Rwandais à partir de l’Ouganda : tout contre l’instauration d’un système démocratique qui n’aurait rien apporté à la minorité ethnique dont est issu Kagame.
Le pouvoir par les armes demeure donc la seule voie d’accès au pouvoir pour les Tutsis dans les Grands Lacs ; l’agression armée sert donc aussi et surtout à exterminer et déplacer les populations autochtones, pour occuper leurs terres et les mines dont elles regorgent, le cas échéant ; piller les ressources minières des régions agressées et déstabilisées … des stratégies elles-mêmes génocidaires déjà dénoncées par Roberto Garreton, ancien rapporteur spécial de l’ONU pour la RDC, un des premiers à déclarer que «la prévention d’un hypothétique génocide sert de prétexte pour en commettre un véritable, dans le silence et l’indifférence de la Communauté internationale». Rien n’a changé à cet égard à l’Est de la RDC particulièrement.
Plus de 10 millions de morts ont été enregistrées dans le pays de Lumumba depuis le génocide de 1994. Des statistiques évolutives qui révèlent une mise en œuvre de longue durée d’une stratégie kagaméenne d’extermination, proche de celles des colons britanniques de l’époque des Far West contre les populations autochtones américaines et du tristement célèbre Pol Pot au Cambodge. Quelques années après l’annonce de la fin du génocide et le déplacement de près de la moitié des populations civiles rwandaises (hutues) vers la RDC, les victimes rd congolaises se comptaient à 2, 3 puis 5 millions, victimes non pas d’affrontements armés directs entre bélligérants mais des conditions inhumaines imposées par Paul Kagame et sa bande de truands.
Les méthodes sont les mêmes. Lorsque le maître de Kigali n’envoie pas des troupes expéditionnaires en territoire congolais, il agit par supplétifs (rebelles) interposés portés à bouts de bras au vu et au su du monde entier.
Des millions de déplacés depuis 2021
La dernière en date des agressions rwandaises contre la RDC depuis 2021 a ainsi occasionné l’occupation d’une partie de la province du Nord-Kivu et le déplacement de milliers de civils, autant de massacres, dont celui de Kishishe sur lequel la communauté internationale reste muette comme en 2015, lorsque l’armée de Kagame extermina près de 2000 civils hutus rwandais à Kibeho en raison de leur appartenance ethnique.
Au moment où le régime de Paul Kagame préparait fiévreusement le rituel de son narratif sur le drame de 1994, des milliers de déplacés de plusieurs villages congolais de la chefferie des Bashali et Bwito étaient contraints d’abandonner leur camp dans l’agglomération de Kitshanga, non loin de la base de la Monusco, samedi 6 avril 2024. Un déménagement impromptu imposé par l’armée rwandaise.
Une équipe de cadres du groupe pro-rwandais du M23 les avait sommés de partir. Cette décision soudaine a plongé ces personnes dans une situation précaire, dépendantes des organisations humanitaires pour leur subsistance. Privés d’abri et de tout soutien, ces Congolais se retrouvent sans refuge, ni ressources et ne savent où aller. Cette situation ne se limite pas à Kitshanga. Des informations de bonne source font état de ce que d’autres camps de déplacés, notamment celui de Kashuga à Ibuga, sont en train de subir le même sort. Le sort de ces déplacés met en lumière toute la précarité de la situation humanitaire dans la région et soulève des questions sur la responsabilité de protéger les civils dans les zones de conflit.
Lorsque Kagame ne déplace pas comme il l’entend des populations civiles des zones conquises en RDC voisine, il les fait tuer à petit feu, ou pire. La coalition RDF/M23 a ainsi largué 17 bombes en une journée sur des habitations civiles à Sake et Mugunga, la veille de la célébration du 30ème anniversaire du génocide rwandais. Et sur les sites abritant des déplacés de guerre dans les quartiers de Mugunga et Lac-Vert à l’Ouest de Goma.
Selon le gouverneur militaire du Nord-Kivu, au moins 10 personnes sont mortes chaque jour dans sa juridiction à la suite de ces bombardements depuis 2021.
Ainsi se déroule la vie infernale pour les populations civiles de la RDC. Ni la France de Macron, ni les Etats-Unis de Biden, ni le Canada de Trudeau et encore moins le Royaume Uni de Sunak ou l’Union européenne n’ont eu «la volonté d’intervenir». A Kigali, le 7 avril 2024, ils se sont limités à commémorer ce refus d’intervenir, voir à l’encourager.
J.N. AVEC LE MAXIMUM