Se confiant à nos rédactions par téléphone sous le sceau de l’anonymat, un professeur de l’Université de Goma estime que «ça se passe avec le décès de Chérubin Okende exactement comme avec le génocide dit des Tutsis au Rwanda : le drame est exploité à 100 % pour couler adversaires politiques et tout ce qui s’y apparente». Dans le chef-lieu assiégé de la province du Nord-Kivu, passer de vie à trépas pour un oui ou un non relève de la routine quotidienne et la comparaison mise en exergue par cet universitaire ne manque pas de pertinence.
La publication des rapports des experts chargés d’enquêter sur le décès en juillet dernier de Chérubin Okende, ancien député et ministre des Transports pour le compte d’Ensemble pour le changement, a, pour ainsi dire, réveillé les chats qui dormaient. Dans le camp de Moïse Katumbi, un des candidats malheureux à la présidentielle rd congolaise de décembre 2023, une levée de boucliers qui n’a d’égale que celle des jours de joutes de campagnes de l’année dernière s’observe. Contre les conclusions des experts selon lesquelles le défunt se serait volontairement donné la mort, ce qui contredit la thèse de l’assassinat politique privilégiée chez les katumbistes.
Les observations publiées le 29 février 2024 par la justice rd congolaise ont été purement et simplement rejetées par la famille du défunt représentée (en RDC) par des avocats membres du parti politique de Katumbi, autant que par la formation politique de ce dernier parce que des sources insistantes insinuaient que Chérubin Okende était en disgrâce depuis plusieurs mois dans les rangs de ce parti de l’opposition.
Aucun argument scientifique ou de droit sérieux n’est avancé à l’appui des dénégations des partisans d’Ensemble pour la République qui remontent à plusieurs mois avant l’annonce des conclusions de fin février de l’année en cours. On bûcheronne sur un argumentaire ‘‘politique’’ dénonçant pêle-mêle les technostructures rd congolaises en charge des questions de sécurité et de justice, les résultats d’élections pourtant survenues 6 mois après le décès tragique de Okende, ainsi exploité sans vergogne pour indexer des adversaires politiques, ceux du camp Tshisekedi, le président de la République réélu en décembre dernier particulièrement.
Le «crédit Okende assassiné» est surconsommé à l’évidence dans une vaste campagne médiatique qui vise à la fois les services de sécurité de l’armée (DEMIAP), coupables d’avoir interpellé et incarcéré en mai dernier Salomon Kalonda SK Della, un des plus proches collaborateurs de Moïse Katumbi mais également les hautes juridictions congolaises qui ont rendu compte des résultats des enquêtes sur le décès de Okende et de la proclamation des résultats de l’élection présidentielle ainsi que, depuis peu, les animateurs de la CENI, coupable d’avoir proclamé Félix Tshisekedi vainqueur de la dernière présidentielle.
Un avocat de SK Della et de la famille Okende
Vendredi 1er mars 2024, Me Alexis Dewaef, l’avocat belge qui défend à la fois les intérêts de Salomon Kalonda SK Della et ceux de la famille Okende s’est ainsi fendu d’un point de presse à Bruxelles, pour réfuter la théorie du suicide présentée 48 heures plus tôt à Kinshasa. Ce fut un véritable procès à charge du régime Tshisekedi, en réalité, au cours duquel tout est littéralement passé, de la mort du député Okende aux résultats électoraux, également contestés par ce juriste. «Après 7 mois d’enquêtes, venir nous dire simplement, en fait c’est un suicide … les informations qu’ils ont eues, ils ont conclu au suicide. Depuis quand est-ce qu’on les a ? Pourquoi avoir attendu si longtemps pour communiquer ?», s’interroge, manifestement enragé, l’avocat. Me Dewaef enchaîne, passant quelque peu du coq à l’âne, qu’«il y a la séquence des élections, élections entre guillemets. Maintenant que la séquence est passée, que Tshisekedi a bétonné son pouvoir …il se sent intouchable. Il veut clôturer la séquence de l’assassinat de Chérubin Okende».
L’avocat belge du camp Katumbi n’en est pas à ses premiers exploits en la matière. Le 8 novembre 2023, Me Dewaef avait déjà annoncé une plainte en bonne et due forme contre le général Christian Ndaywel, chef des renseignements militaires congolais dont les services avaient (osé!) interpeller au pied d’un aéronef à N’djili un collaborateur de Moïse Katumbi. Motif évoqué en cette circonstance : le général Ndaywel détiendrait également la nationalité belge. En réalité, Me Dewaef se basait sur une «note de l’Agence nationale des renseignements (ANR)» publiée par Jeune Afrique indexant les renseignements militaires dans ce qui était présenté alors comme l’enlèvement du défunt Chérubin Okende. Mal lui en a pris, parce que quelques jours après cette saillie, il a été prouvé que ce n’était Christian Ndaywel qui détenait la nationalité belge mais plutôt un de ses fils.
60 katumbistes signent une tribune
Dans la ruée sur «le crédit Chérubin Okende assassiné», le reste coule comme de source. A l’instar de cette tribune signée mercredi 6 mars 2024 par «plusieurs Congolais» pour exiger justice pour Chérubin Okende et désapprouver l’ensemble de la procédure d’enquêtes initiées et «hasardeusement conclues par le procureur général près la cour de cassation en violation de l’indépendance de la justice et sur la responsabilité de l’appareil militaire, sécuritaire et politique du pays dans ce déni de justice». Comme si le procureur général près la cour de cassation qui a la haute main sur l’action publique sur toute l’étendue de la RDC pouvait être considéré comme ne faisant pas partie de la justice congolaise.
J.N. AVEC LE MAXIMUM