La nouvelle affaire Jean-Jacques Mamba – parce qu’il y en eût déjà une, fin mai 2020, lorsque l’alors député MLC fut assigné à résidence malgré ses immunités parlementaires par la cour de cassation- fait les choux gras des médias rd congolais depuis quelques jours. L’ancien porte-parole du Mouvement de Libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba Gombo, vice-premier ministre en charge de la Défense nationale, a créé la sensation en annonçant son adhésion à l’Alliance Fleuve Congo (AFC), une nouvelle rébellion armée lancée par Corneille Nangaa, président de la Commission électorale nationale indépendante sous Joseph Kabila, qui a coalisé avec les terroristes pro rwandais du M23 qui affrontent les FARDC au Nord-Kivu depuis deux ans.
C’est lundi 26 février 2024 que Jean-Jacques Mamba Kabamba, un centre-kasaien élu député de la Lukunga (Kinshasa) en 2018 sur les listes du MLC, a annoncé son adhésion à la rébellion qui sévit à l’Est du pays. Le natif de Liège l’a fait au cours d’un point de presse à Bruxelles où il s’était rendu après son échec aux législatives de 2023. «Je suis cadre de l’AFC parce que j’ai adhéré avec conviction afin de pacifier ce pays», a-t-il déclaré aux médias. Deux mois plus tôt, alors que les affrontements entre le M23/AFC faisaient rage au Nord-Kivu, les priorités de l’ancien cadre du parti bembiste étaient ailleurs, dans l’accaparement des suffrages de ses compatriotes de Kinshasa.
Virage rebelle
Le virage rebelle de l’ancien porte-parole du MLC n’a pas surpris. En janvier dernier, aussitôt proclamés les résultats des législatives en RDC, Jean-Jacques Mamba s’était déjà illustré en claquant la porte de son parti qui était demeuré fidèle à Félix Tshisekedi et à son Union sacrée de la Nation (USN). «Je suis au regret de vous annoncer qu’à dater de ce jour, je me désengage du Mouvement de Libération du Congo. Il m’a paru important dès ce jour de m’ouvrir de nouvelles perspectives en harmonie et cohérence de mon appréhension sur la manière de faire la politique», a-t-il écrit à Jean-Pierre Bemba. Auparavant, l’ancien élu de Lukunga, réputé pour sa volubilité dans l’hémicycle, avait pris soin de démissionner de ses fonctions de porte-parole du parti bembiste. Sa ‘‘nouvelle manière de faire la politique’’ est donc militaro-terroriste et vise le renversement du pouvoir en place à Kinshasa par les armes.
Au cours de son point de presse, le 26 février 24 à Bruxelles, Jean-Jacques Mamba n’a pas tari d’épithètes enflammées sur le pouvoir de Félix Tshisekedi, responsable, selon lui, de tous les maux qui assaillent la RDC. «Le tribalisme, depuis 1960, ne s’est jamais aussi bien porté que sous l’ère Tshisekedi. Les responsabilités découlant des nominations de la présidence dans les entreprises publiques, le gouvernement, les cours et tribunaux, l’armée, la police, les services publics en général, ne laissent aucune chance aux statistiques de contredire un lien de corrélation parfaitement tribal et abusivement excessif au profit des kasaïens», avait-il asséné dans un tweet rageur, le 22 février, 4 jours avant sa sortie médiatique bruxelloise.
Narratif embarrassant
Le «narratif» – le terme est à la mode – est assurément d’autant plus virulent qu’il stigmatise une tribu, celle du président de la République récemment réélu et à laquelle Mamba appartient lui-même. Même les terroristes du M23/AFC n’osent en arriver là. Et le MLC, le dernier parti politique auquel il a appartenu s’en montre fort embarrassé. Dans un communiqué publié le 26 février, Fidèle Babala Wandu, son secrétaire général, rappelle que Jean-Jacques Mamba a «perdu sa qualité de membre effectif du MLC et ses choix n’engagent nullement le MLC qui est un parti légaliste et respectueux des lois de la République».
Intervenant sur la radio Top Congo FM, Daniel Mbau, un autre cadre du MLC enfonce le clou. «Ça va faire plus de 3 ans que Mamba a pris ses distances du MLC. Il ne participait plus aux activités du parti et n’avait plus de contacts avec Jean-Pierre Bemba. Il a formellement démissionné il y a plus d’un mois. Nous n’avions aucune information de ce qu’il était devenu. Nous apprenons comme tout le monde (qu’il a rejoint Corneille Nangaa). Nous pensions qu’en quittant le MLC, il resterait dans l’Union sacrée de la nation, mais dommage, il est allé rejoindre Nangaa, hélas», déclare-t-il.
Collusion avec le FCC
Plus de trois ans ? Il faut donc remonter à la première «affaire Mamba», celle qui l’a fait connaître de l’opinion. Elle éclate le 24 mai 2020, à peine un an et demi après l’accession à la magistrature suprême de Félix Tshisekedi. Jean-Jacques Mamba se fend d’une pétition exigeant la déchéance de l’alors tout-puissant 1er vice-président UDPS de l’assemblée nationale, Jean-Marc Kabund. Larguée dans les travées d’une salle de congrès encore largement dominée par les élus FCC de Joseph Kabila, la pétition récolte de nombreuses signatures avant de se heurter aux réserves de certains élus soupçonneux. L’auteur, accusé de faux en écriture par un député UNC de Vital Kamehre qui avait récusé sa signature, sera brutalement interpellé par la Cour de cassation. La procédure engagée à l’encontre de ce député national jouissant des immunités parlementaires avait été jugée illégale et suspendue quelques jours plus tard.
Le 25 mai 2020, au terme d’une plénière houleuse et boycottée par les élus UDPS, Jean-Marc Kabund était formellement destitué par l’Assemblée nationale. Le résultat du vote initié par la PPRD Jeannine Mabunda est éloquent : sur 315 participants, 289 votent pour la destitution du président a.i. du parti présidentiel ; 17 votent contre et 9 s’abstiennent. Dans le camp présidentiel, des voix s’élèvent pour dénoncer un passage en force, – la pétition Mamba étant attaquée en justice au moment des faits – des élus nationaux pour évincer l’honorable Kabund. D’aucuns flairent un coup fourré de la majorité kabiliste soupçonnée d’avoir circonvenu le député MLC.
AFC = PPRD
Selon des observateurs, c’est cette affaire Jean-Jacques Mamba qui a servi de détonateur au basculement de la majorité parlementaire en faveur de Félix Tshisekedi, réalisé avec la destitution de la PPRD Jeannine Mabunda, présidente du bureau de la chambre basse du parlement, le 9 décembre 2020. Jean-Marc Kabund ne rendra le tablier par une démission volontaire que deux ans plus tard, le 14 janvier 2022, à travers un posting sur son compte tweeter.
Dans les milieux proches de la majorité au pouvoir en RDC, il en est donc qui estiment que Jean-Jacques Mamba et beaucoup d’autres jeunes cadres plus ou moins affidés du FCC de Joseph Kabila avaient déjà franchi le rubicon depuis belle lurette. Et n’attendaient que l’occasion de sauter. Des noms sont avancés depuis qu’un jeune cadre du PPRD, Adam Chalwe, a pris le parti de rejoindre lui aussi l’AFC de l’ancien président de la CENI dans le maquis du M23.
Dans une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux, le député national USN, Eliézer Tambwe soutient carrément que l’AFC et le PPRD c’est blanc bonnet, bonnet blanc.
J.N. AVEC LE MAXIMUM