Les affrontements qui opposent depuis plus de deux ans la coalition RDF-M23 aux forces de défense et de sécurité de la RDC ont redoublé d’intensité ces dernières 48 heures. Depuis, notamment, que les agresseurs qui auraient reçu des renforts en provenance de l’Ouganda selon plusieurs sources dans la région ont attaqué simultanément plusieurs positions loyalistes.
Comme en novembre 2012, lorsque la même coalition terroriste prenait le contrôle de Goma, le chef-lieu de la province martyre du Nord-Kivu, durant une dizaine de jours, les dernières confrontations se sont dangereusement rapprochées de cette ville.
Dans la région, des dizaines de milliers de civils, fuyant les affrontements, sont de nouveau en errance. Ils s’ajoutent aux 2,5 millions de déplacés recensés par UNOCHA fin décembre 2023. Depuis le 2 février de l’année en cours, cet organisme onusien estime à 42.000 le nombre de déplacés dans le seul territoire de Masisi.
Shasha tombé, Goma asphyxié
Samedi 3 février 2024, la tension et l’inquiétude sont montées d’un cran avec la diffusion d’une vidéo présentant Corneille Nangaa, ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) sous Joseph Kabila, récemment passé dans le camp des RDF – M23, vantant l’occupation de l’agglomération de Shasha au Sud de Sake après plusieurs jours d’affrontements. Les agresseurs ont donc délogé de cette localité du groupement Mupfunyi Shanga les combattants Wazalendo qui l’avaient investi quelques jours auparavant. Avec Shasha, l’ennemi contrôlait également les collines de Kihindo, Kituva, et Buhunga, qui le surplombe.
En réalité, jusque lundi 5 février, les affrontements faisaient rage dans la zone, aggravant l’insécurité et contraignant les populations locales à fuir vers Minova en territoire de Kalehe (Sud-Kivu), Sake et Goma (Nord-Kivu), entraînant la rupture de toute circulation sur la RN2 Goma-Bukavu, coupée à hauteur de Shasha. Alors que Kirotshe, à 3 km de là, était repris par les FARDC, malgré les tentatives déspérées des assaillants de les en déloger.
Mardi 6 février, les troupes régulières congolaises ont poursuivi sans relâche le pilonnage des positions RDF-M23 sur les collines surplombant Shasha tandis que la force aérienne rd congolaise ciblait d’autres bastions des terroristes, notamment à Bushanga (Mweso) où des témoins font état d’importantes pertes dans les rangs des assaillants.
Kirotshe récupéré
Il reste que l’occupation de Shasha (après Mweso quelques jours plutôt) consacrait la coupure des principales voies routières d’approvisionnement de Goma (Goma-Rutshuru, Goma-Masisi et Goma-Sud-Kivu), dans le but d’asphyxier le chef-lieu du Nord-Kivu.
Selon des observateurs, l’objectif de la coalition rwandaise était de contraindre (de nouveau) Kinshasa à des négociations auxquelles le président Félix-Antoine Tshisekedi n’entend pas se livrer jusque-là, malgré des pressions qui se font entendre ci et là, incitant son gouvernement à se mettre autour d’une table avec les assaillants. «La vaste offensive du M23 semble avoir pour objectif de restabiliser un conflit tombé dans l’oubli et dans une forme de fait accompli depuis plusieurs mois. L’idée est de relancer le sujet M23/AFC et de le remettre à la Une de l’actualité, quitte à prendre de nouveaux territoires. Tout le monde en parle, pour condamner, dénoncer, demander leur retrait et suggérer la négociation aux autorités congolaises. L’objectif final serait-il de se positionner dans les meilleures conditions pour imposer un ordre du jour à la RDC ? Seul l’avenir le dira. La phase de restabilisation d’un conflit à l’arrêt est l’étape la plus dangereuse parce que les parties doivent se livrer à la violence, aussi bien contre l’ennemi que contre les populations civiles, pour s’assurer le contrôle du territoire et de l’agenda. C’est donc un grand défi pour l’armée congolaise qui doit s’imposer», écrit à ce sujet, Yvon Muya, un chercheur congolais établi au Canada.
Pressions pour négocier
Mercredi 7 février, le journal français en ligne, Africaintelligence, a créé la sensation en annonçant l’ouverture de négociations secrètes entre Kinshasa et Kigali, qui remonteraient à fin 2023. Mais l’information, qui s’apparente étrangement à une suggestion, a été formellement démentie par le service de communication de la présidence rd congolaise le même jour.
En fait, face aux jusqu’auboutistes du régime fasciste en place à Kigali autant qu’aux pressions de certaines capitales occidentales pour obtenir des négociations directes, Kinshasa n’a pas plié. Aux assauts des terroristes RDF-M23 particulièrement renforcés en hommes et en matériels ces dernières semaines, les forces de défense et de sécurité de la RDC ont répondu au coup pour coup sur le terrain. Au cours d’un briefing de presse conjoint avec le général Sylvain Ekenge, porte-parole des FARDC, le ministre de la Communication et médias congolais a officiellement annoncé l’entrée en opérations des troupes régulières.
Contre-offensive fulgurante
L’opinion nationale a ainsi appris, outre la récupération de Kirotshe annoncée officiellement par le ministre Patrick Muyaya, que les FARDC contrôlaient dorénavant la RN2 dans son tronçon Sake (Nord-Kivu) – Minova (Sud-Kivu).
Mercredi 7 février, le RDF-M23 a joué son va-tout en essayant de déborder les positions des FARDC sur les collines surplombant la cité de Sake d’où ils ont pilonné cette cité densément peuplée et provoqué d’importants mouvements de fuite vers Goma, à une vingtaine de kilomètres. La réaction des FARDC, soutenus par les Wazalendo (résistants locaux) ne s’est pas fait attendre, en même temps que cette des unités sudafricaines de la SAMIR qui se sont aussitôt déployées entre Goma et Sake pour parer à toute attaque. Des rudes affrontements ont éclaté autour de Sake au terme desquels les assaillants pris en chasse ont été repoussés vers Nturo sur l’axe Sake-Mushaki. Dans un communiqué, le même jour, le gouvernement s’est félicité de cette «contre-offensive conséquente organisée avec bravoure et détermination qui a ramené la sérénité dans la cité de Sake».
Pour la première fois depuis le début des agressions répétées des assaillants rwandais et leurs supplétifs en RDC, les FARDC ont non seulement réussi à contenir la progression des ennemis vers Goma, mais aussi à signer de significatives victoires sur cette force négative.
Le chef-lieu de la province martyre du Nord-Kivu semble imprenable, désormais.
J.N. AVEC LE MAXIMUM