La Mission des Nations-Unies pour la stabilisation de la RDC (MONUSCO) a annoncé vendredi 3 novembre 2023 à Goma, le lancement de l’opération Springbok, menée conjointement avec les FARDC pour protéger les villes de Goma et Sake au Nord-Kivu. La force onusienne, très critiquée pour son apathie à l’égard de la coalition RDF-M23 particulièrement, a décidé le déploiement de son dispositif de sécurité pour prévenir une potentielle incursion dans ces deux villes.
Face à la presse, le général Otavio Rodrigues de Miranda Filho, commandant de la Monusco a expliqué que «c’est une approche défensive pour le moment, mais si des groupes armés essayent d’attaquer Sake ou Goma, nous changerons notre approche d’une posture défensive à une posture offensive».
Dès lundi 6 novembre, la mission onusienne a organisé une campagne médiatique autour de cette opération manifestement destinée à redorer son blason plus que terni dans l’opinion rd congolaise. Une douzaine de journalistes des médias partenaires ont été conduits à la base de la Monusco de Kimoka en territoire de Masisi (Nord-Kivu) où une première position a été installée. Quatre contingents onusiens dotés d’un important arsenal sont d’ores et déjà dans ces positions défensives. Une action jointe à la parole. «Nous avons pour mandat de protéger les populations de la RDC. Et nos hommes qui sont déployés ici, ils y sont, en dehors de leurs bases respectives, parce qu’ils sont prêts à mourir pour protéger les habitants de ce pays. Toute force illégale qui va essayer de nous défier, nous trouvera face à elle. Il est nécessaire de rassurer tout le monde que la MONUSCO a pour mandat d’appuyer les FARDC. Partout où les FARDC expriment ce besoin d’appui, nous y seront», a déclaré Otavio Rodrigues de Miranda Filho, lundi dernier.
En réalité, l’opération Springbok vise à décourager toute tentative de Kigali de s’emparer de Goma et Sake en raison du déploiement imminent des troupes de la SADC dans la région, selon des sources diplomatiques à Kinshasa.
Sur les réseaux sociaux, de nombreuses photos de casques-bleus armés jusqu’aux dents installés dans d’énormes trous de fusiliers ont été diffusées. Sans enthousiasmer outre mesure les populations locales.
A Goma, la société civile et les mouvements citoyens ont exhorté le gouvernement à la vigilance vis-à-vis de l’appui soudain des onusiens dans la protection des deux villes du Nord-Kivu. Certains dénoncent carrément une offre de défense conjointe qui a attendu que les assaillants s’approchent des portes du chef-lieu de la province après avoir reconquis de nombreuses agglomérations dans l’indifférence générale, pour s’annoncer.
Les déclarations d’Antonio Guterres
En RDC, particulièrement dans la partie Est du pays, nombreux sont ceux qui n’ont pas oublié les déclarations alarmistes du secrétaire général de l’ONU, au sujet de cette guerre que Kigali a impose à la RDC. En septembre 2022, Antonio Guterres avait en effet jeté un pavé dans la marre en proclamant quasiment l’impuissance des casques bleus devant la coalition RDF-M23. «La vérité, c’est que le M23 est aujourd’hui une armée moderne, avec des équipements lourds qui sont plus perfectionnés que les équipements de la Monusco», avait-il soutenu peu avant l’ouverture de la 77ème de l’Assemblée générale des Nations-Unies.
A Goma et dans la région, d’aucuns se demandent si les troupes onusiennes ont été, depuis lors, dotées d’armement suffisamment sophistiqué pour faire face à cette armée moderne.
A quelques semaines du début annoncé du retrait progressif de la Monusco de la RDC, l’initiative annoncé au début du week-end dernier apparaît comme une manœuvre destinée à retarder cette échéance. De mauvaises langues vont jusqu’à soupçonner les troupes de l’ONU de vouloir plutôt faciliter l’accès des rebelles à Goma et Sake.
C’est le point de vue de Johnson Ishara, un acteur politique local de l’opposition, qui rappelle qu’en 2012, la mission onusienne avait laissé la ville de Goma tomber entre les mains des assaillants sans qu’une seule balle ait été tirée. Mais aussi, que les onusiens tiennent le M23 pour un groupe armé local comme un autre, dont les liens avec Kigali ne seraient pas avérés. «Au front, nous nous retrouverons en face de deux adversaires, en réalité», conclut-il.
Même les Wazalendo, ces milices d’auto-défense locale qui harcèlent les assaillants au Nord-Kivu se disent farouchement opposés à l’offre de collaboration onusienne. «Nous ne sommes concernés ni de près ni de loin par cet autre accord qui ne lie que ses signataires», énonce ainsi un communiqué de la «Réserve armée de la défense (RAD) » et de la «Force populaire pour la libération (FAL)» datée du 5 novembre. «Depuis toujours, nous avons toujours démontré les actes frisant la complicité entre la MONUSCO et le RDF-M23. En voici une preuve de plus», dénoncent ces combattants. De leur point de vue, «la MONUSCO tient à infiltrer les FARDC et ainsi livrer nos villes au Rwanda pour ensuite rejeter la responsabilité sur les vaillantes troupes gouvermentales congolaises, mode opératoire connu et dénoncé à plusieurs reprises».
Il faudra beaucoup plus qu’une opération conjointe MONUSCO-FARDC autour de Goma et Sake pour restaurer la confiance entre les casques bleus et les populations des régions meurtries de l’Est rd congolais.
J.N. AVEC LE MAXIMUM