Pas de répit pour la Commission électorale nationale indépendante (CENI) de la RDC. A l’approche des échéances électorales de décembre, l’institution d’appui à la démocratie est assaillie par les acteurs politiques de tous bords qui l’accusent de tous les péchés. De tels procès d’intention sont devenus rituels depuis les premières élections démocratiques organisées en 2006.
Pour les scrutins qui auront lieu dans une cinquantaine de jours, la plupartd des candidats au top job en RDC ont choisi de mettre le maximum de pression sur la centrale électorale. Quelques semaines après la publication sur fond d’imputations calomnieuses au sujet de la liste provisoire des candidatures retenues à la présidentielle, un groupe de candidats est revenu à la charge en se fendant d’un communiqué rageur. Le 28 octobre 2023, Denis Mukwege, Martin Fayulu, Delly Sessanga, Frank Diongo, Moïse Katumbi, Marie-Josée Ifoku et Seth Kikuni ont en effet publié une «déclaration des candidats président de la République» dénonçant «un manque délibéré de transparence du processus électoral et le déficit de communication dans la conduite des opérations doublé d’opacité dans le processus de financement et dans la gestion des finances de la CENI qui se caractérise par la généralisation des marchés de gré à gré». Les signataires déplorent l’absence de la cartographie et du nombre exact des bureaux de vote, le non affichage des listes des électeurs, la mauvaise qualité des cartes d’électeurs, etc. en violation des articles 6 et 8 de la loi électorale.
Pressions sur la CENI
Sont également épinglés, le mépris pour la justice et l’équité électorales de certains gouverneurs de province qui instrumentalisent les populations et ne toléreraient pas les campagnes électorales des candidats autres que le président de la République sortant, ou menaceraient les agences de publicité offrant leurs services d’affichages aux candidats de l’opposition.
Ils exigent donc de la CENI l’affichage des listes électorales devant chaque bureau de vote ; la publication de la cartographie complète des bureaux de vote et la géolocalisation des machines à voter.
De la cour constitutionnelle, les signataires de la déclaration du 28 octobre 2023 attendent qu’elle assure la transparence et l’inclusivité du processus électoral et qu’elle ne se laisse pas instrumentaliser aux fins d’écarter les candidats ou bourrer les urnes par des moyens frauduleux.
Trois jours avant la publication de la liste officielle des candidatures retenues à l’élection présidentielle de décembre 2023 par la Cour constitutionnelle, ce tableau entièrement peint en noir laissait transparaître les angoisses teintées de mauvaise foi de ces candidats au remplacement de Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo.
Le 30 octobre, toutes les candidatures et même plus ayant été validées, la haute Cour ayant repêché deux candidatures écartées par la CENI, les récriminations se sont transformées en louanges. A l’instar de celle de la mission d’observation conjointe des églises catholique et protestante (MOE), pourtant connue pour son hostilité au processus électoral conduit par une CENI présidée par une personnalité adoubée par les églises rivales salutistes, kimbanguistes, musulmanes et de réveil.
Mauvaise foi
Dans une déclaration publiée le 31 octobre 2023, la MOE s’est réjouie du fait que «les décisions de la Cour constitutionnelle aient renforcé l’inclusivité aux prochaines élections». Mais aussi que «le travail effectué par la CENI et la haute Cour favorise la perception par le public qu’elles ont travaillé de manière indépendante durant cette phase de dépôt, de réception et traitement des candidatures». Un virage à 90°.
Dans un communiqué de presse, le même 31 octobre, la CENI, imperturbable, a tenu à «rassurer l’opinion publique que le processus électoral en cours se poursuit sans désemparer dans le respect des lois, de son calendrier et des bonnes pratiques électorales». L’institution d’appui à la démocratie dénonce ainsi certains candidats président de la République «qui tentent de créer des tensions pour justifier une future contestation des résultats». Elle a pour cela procédé à répliquer, point par point, à l’argumentaire développé par le communiqué des candidats président de la République du 27 octobre.
Au sujet de la demande d’une «rencontre en urgence avec les candidats présidents pour construire le consensus essentiel à une élection apaisée», la centrale électorale rappelle qu’elle «a organisé et continuera d’organiser les cadres de concertation avec toutes les parties prenantes, candidats à l’élection présidentielle y compris».
À propos du retard lui imputé dans la réalisation de certaines opérations, l’administration électorale congolaise déclare qu’il est «principalement lié au souci de répondre aux demandes successives de prolongation par les parties prenantes, notamment lors des opérations d’identification et d’enrôlement des électeurs et de la réception et de traitement des candidatures».
S’agissant de la question de la délivrance des duplicatas des cartes d’électeurs abîmées, la CENI a, dans plusieurs communications, informé qu’après avoir lancé l’opération par ses antennes, selon les conditions fixées par la loi, elle a décidé de l’étendre au niveau des communes, secteurs et chefferies.
La réplique de la CENI
Quant à l’affichage de la liste provisoire des électeurs épinglé notamment par la MOE, il «se fera conformément à l’article 6 alinéas 1 à 3 de la loi électorale et aux articles 19 et 20 de ses mesures d’application», selon la CENI qui précise que «ces dispositions légales prévoient l’affichage des listes définitives des électeurs dans chaque bureau de vote au plus tard 15 jours avant le jour du scrutin jusqu’au jour du scrutin, conformément à l’article 8 alinéa 4».
Précision de taille, la CENI affirme au passage avoir «déjà rendu disponible la cartographie électorale sur son site (www.ceni.cd)».
Pour ce qui est du ‘‘flou’’ lui reproché dans l’octroi des marchés publics notamment de gré à gré, la CENI assure avoir «mis en place, par souci de transparence, une cellule de gestion de projet et des marchés publics pour se conformer aux lois et règlements en la matière» et recourir «systématiquement à des avis de non-objection de la Direction générale du contrôle des marchés publics (DGCMP) pour tout marché, conformément à la loi» avant de rappeler que «l’attribution des marchés de gré à gré ne constitue nullement une violation de la loi sur la passation des marchés publics en RDC».
Au demeurant, pour la centrale électorale congolaise, «les défis techniques, opérationnels et logistiques qu’elle a pu rencontrer ne doivent pas être récupérés politiquement, d’autant que, l’installation (de ses) membres est intervenue avec un retard de 28 mois après la fin du cycle électoral précédent». Ce qui ne l’a pas empêché d’identifier et d’enrôler près de 44 millions d’électeurs en l’espace de 4 mois, relève Patricia Nseya, la rapporteure générale de la CENI qui signe le communiqué du 31 octobre 2023, non sans rappeler pour tout couronner que «conformément à l’article 211 de la Constitution, la CENI est la seule institution de la République habilitée à publier les résultats provisoires des élections».
J.N. AVEC LE MAXIMUM