A Kinshasa depuis quelques jours, une mission du Conseil consultatif électoral de la Communauté de développement de l’Afrique Australe (SADC), chargée d’évaluer le processus électoral qui atteindra son point culminant le 20 décembre prochain, a été reçue à la Commission électorale nationale indépendante (CENI), vendredi 13 octobre 2023. Selon la vice-présidente de la délégation, la juriste namibienne Notemba Tjipueja, il s’agit d’une mission d’évaluation préélectorale. «En tant que conseil consultatif électoral de la SADC, il est de coutume que nous puissions visiter les pays qui organisent les élections, afin d’en prendre la température», a-t-elle expliqué, soulignant que cette évaluation s’effectuait selon les principes de la SADC sur la question des élections démocratiques. «Nous considérons l’aspect sécuritaire et politique du pays, afin d’évaluer si la situation se prête à la tenue des élections crédibles», a-t-elle expliqué. Notemba Tjipueja a également fait savoir que la SADC observe également le cadre juridique de l’Etat membre en se plongeant particulièrement dans la loi électorale afin d’en évaluer les réformes éventuelles. «Nous voulons savoir s’il y a des réformes qui sont envisagées ou des litiges en cours et nous considérons l’état de préparation de l’institution chargée d’organiser ces scrutins, donc dans ce cas c’est bien sûr la CENI pour savoir si elle est prête à cet effet», a-t-elle précisé.
Evaluer le cadre légal
De ce point de vue, la mission de la SADC a séjourné à Kinshasa pour évaluer le cadre légal et constitutionnel régissant les élections présidentielles, législatives et des conseillers communaux au scrutin du 20 décembre 2023.
La Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) accompagne la RDC depuis le premier cycle électoral de 2006 dans le cadre de la consolidation de la paix et du renforcement de la démocratie, rappelle-t-on.
Conformément aux usages en la matière, la mission a pris langue avec les parties prenantes au processus en cours en RDC. Samedi 14 octobre, ses membres se sont entretenus avec le Front Commun pour le Congo (FCC), la famille politique du président de la République honoraire, Joseph Kabila, seule frange de l’opposition au pouvoir en place demeurée réfractaire au processus en cours. La rencontre de l’Hôtel Rotana à la Gombe fut donc à forte charge émotionnelle pour une partie de l’opinion, chauffée à blanc par diverses rumeurs faisant état de «négociations politiques» à quelque deux mois des élections prévues pour le 20 décembre prochain. D’aucuns avaient cru percevoir dans cette rencontre entre la SADC et le FCC un nouveau cadre de concertations pour «refaire» le chemin vers les prochains scrutins. D’autant plus que quelques semaines auparavant, l’ancien président tanzanien, Jakaya Kikwete, s’était déjà entretenu avec Joseph Kabila et Félix Tshisekedi son successeur.
Tentative de détournement des objectifs de la mission
La famille politique de Kabila a été représentée par ce qui lui reste de figures de proue, notamment : Emmanuel Ramazani Shadary, Jaynet Kabila, Néhémie Mwilanya, Aubin Minaku et Marie-Ange Mushobekwa. Elle a fait entendre ses préoccupations (à la délégation de la SADC et à l’opinion publique rd congolaise) concernant sa représentation adéquate à la CENI, la mise en place d’une Cour constitutionnelle «équilibrée et véritablement indépendante», l’élaboration d’une nouvelle loi électorale consensuelle, le rétablissement de la sécurité à l’Est de la RDC ainsi que dans la province du Maï-Ndombe, selon un posting de l’ex-députée nationale (invalidée pour cause d’abstentéisme prolongé) Marie-Ange Mushobewka sur son compte X (ex-Twitter), le 14 octobre en fin de journée.
Reste à connaître l’usage qu’une mission d’observation électorale peut faire de revendications aussi peu réalistes à quelques mois ou semaines de la tenue des scrutins.
En 2017, à l’issue de son 37ème sommet tenu le 20 août, la SADC avait noté qu’il ne serait pas possible d’organiser les élections en RDC en décembre de la même année, en raison d’un certain nombre de défis à relever. L’alors président Sud-Africain Jacob Zuma avait, au nom de ses pairs, recommandé instamment à la CENI d’«adopter un calendrier électoral révisé», compte tenu de l’étendue des obstacles observés à l’époque. Il y avait donc suffisamment d’ingrédients pour conforter les rumeurs d’un possible report des scrutins du 20 décembre prochain en surfant sur les objectifs de l’actuelle mission de la SADC à Kinshasa.
Le même samedi 14 octobre, Franck Diongo, président d’un petit parti lumumbiste (MLP) mais néanmoins candidat à la présidentielle de décembre prochain, s’est fendu de quelques «observations» à l’intention de la mission de la SADC, largement diffusées sur les réseaux sociaux. Renseignements pris, son document ne faisait que ressasser les récriminations de Corneille Nangaa, ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) devenu opposant au pouvoir en place à cause d’une sombre affaire de carré minier qui aurait été confisqué à sa famille par l’administration.
Mais il a embrayé sur de possibles négociations politiques au cas où les élections n’étaient pas organisées au plus tard le 20 décembre prochain. «Nous prendrons alors acte de la fin de mandat de Monsieur Tshilombo. Le peuple souverain reprendra son pouvoir et s’organisera à sa manière pour organiser une transition sans Monsieur Tshilombo. Nous n’accepterons ni glissement, ni dialogue car, telle est la volonté de notre peuple», anticipait Frank Diongo.
La SADC impatiente de revenir en décembre
De fait, il n’en a rien été de ces conjectures pessimistes brandies par les uns et les autres ainsi que le fait rémarquer le député national Lambert Mende Omalanga reçu également par la Commission samedi 14 octobre pour le compte du regroupement politique Alliance et action pour l’Etat de droit (AE), favorable à Félix Tshisekedi. L’élu de Lodja a indiqué que les évaluations par la SADC étaient routinières depuis belle lurette et que rien ne viendrait changer le calendrier électoral annoncé par la CENI.
Mercredi 18 octobre 2023, la mission du Conseil consultatif électoral de la SADC a clôturé ses contacts à Kinshasa à la CENI, où elle été reçue par Denis Kadima, son président. «Nous sommes ici pour mener une évaluation préélectorale et être saisis de la situation politique et sécuritaire du pays afin de voir si elle se prête à la tenue d’élections libres, transparentes, crédibles et pacifiques en conformité avec les principes et lignes directrices de la SADC», a déclaré à la presse Notemba Tjipueja. Comme pour démentir les rumeurs ayant entouré la mission de la SADC. «La CENI est un acteur clé dans ce processus électoral et après avoir évalué avec son président l’état de préparation de ces scrutins, nous sommes satisfaits de la mission que nous avons menée après avoir enregistré les réponses à plusieurs questions que nous avions également envoyées par écrit sur les informations qui ont été demandées. Les réponses du président de la CENI étaient fort satisfaisantes et nous sommes heureux de constater tout le travail qui se fait au niveau de cette institution et dans le même temps, nous sommes impatients de revenir lors des élections avec la mission d’observation que nous allons accompagner», a ajouté la juriste namibienne qui s’est estimée suffisamment édifiée sur le cadre juridique, notamment, la constitution, la loi électorale, en plus de l’état de préparation de la CENI par rapport à l’organisation de ces scrutins. «Nous avons rencontré plusieurs parties prenantes dont les autorités gouvernementales, la société civile, les partis politiques, la presse, les différents groupements tels que celui des femmes, de la jeunesse», a-t-elle ajouté.
En décembre prochain, la SADC diligentera donc, comme par le passé, une mission d’observation électorale en RDC.
J.N. AVEC LE MAXIMUM