Près de 29 ans après son accession au pouvoir sur fond d’un effroyable et inoubliable bain de sang, Paul Kagame et son Rwanda, n’ont plus aussi bonne presse qu’il y a quelques années. Le pouvoir en place au pays des mille collines est régulièrement pointé du doigt, particulièrement pour ses atteintes aux droits de l’homme et ses pérégrinations pillardes chez son voisin rd congolais où il entretient des milices tueuses depuis plus d’un quart de siècle.
Le pouvoir rwandais en perd, à l’évidence, beaucoup de sa superbe d’antan, ainsi que l’illustrent les dernières déclarations de Vincent Biruta. Le ministre des affaires étrangères de Paul Kagame a récemment soutenu que «les FDLR doivent être cantonnées et définitivement démantelées. La communauté internationale ne peut pas prétendre soutenir les processus régionaux en cours et en même temps minimiser la menace que représente la milice génocidaire soutenue par Kinshasa». Une déclaration qui constitue, en fait, un énorme et oublieux retour en arrière, selon des observateurs en RDC. A l’instar de notre confrère Wetshi Amba qui rétorque que «le ministre Biruta ignore certains détails. 29 ans après, il découvre qu’il fallait ‘cantonner’ les FDLR pour les ‘démanteler’. En 1995, le 1er ministre Léon Kengo Wa Dondo avait proposé au Secrétaire général des Nations-Unies, Pierre Boutros Boutros Ghali trois sites : Lukandu, Kongolo et Irebu. Réponse : c’est trop cher …’».
«Rejoingnez-nous ou mourrez !»
En 29 ans, beaucoup d’eau a coulé, beaucoup de sang aussi. Suffisamment pour en effaroucher plus d’un au sein de la bienpensante communauté internationale aux mamelles de laquelle Kigali s’est allaité si allègrement.
Le 10 octobre 2023, l’ONG américaine Human Rights Watch (HRW) s’est ainsi fendue d’un énième rapport (« ‘‘Rejoignez-nous ou mourrez’’ : la répression extraterritoriale du Rwanda ») contre Kigali. Il accuse les autorités rwandaises d’être derrière des meurtres, enlèvements et passages à tabac d’opposants vivant à l’étranger, se fondant en cela sur des abus documentés depuis 2017 et des entretiens (plus de 150) en France, en Afrique du Sud et aux Etats-Unis.
HRW, qui appelle la communauté internationale à lutter contre cette «répression extraterritoriale», révèle ainsi (ce que tout le monde savait, en fait) que le Front patriotique rwandais (FPR), le parti de Paul Kagame, a «répondu avec force et souvent de manière violente aux critiques, déployant une série de mesures pour lutter contre les opposants réels ou présumés», y compris commettant meurtres, enlèvements, tentatives d’enlèvements, disparitions forcées et agressions physiques visant des Rwandais installés à l’étranger.
Des entretiens avec divers témoins, HRW révèle que «au moins trois Rwandais ont été tués ou ont disparu dans des circonstances suspectes, tandis que deux autres ont survécu à des tentatives d’enlèvements au Mozambique, dont Selemani Masiya, un ancien footballeur demandeur d’asile, présenté comme un opposant très critique du gouvernement rwandais, et tué à son domicile en juillet 2022».
Malgré les atteintes répétées aux droits humains commises par les autorités rwandaises contre les opposants à leur régime, la communauté internationale a «détourné le regard quant à la portée et la gravité du bilan déplorable de ce pays en matière de droits humains», déplore aujourd’hui HRW. L’ONG américaine explique cette indulgence, notamment, par l’implication du Rwanda dans des opérations de maintien de la paix en Afrique, comme en Centrafrique et au Mozambique, où Kigali est intervenu depuis 2012 pour lutter contre une insurrection djihadiste.
Diplomates rwandais
Le dernier rapport de HRW contre le pouvoir rwandais pointe également du doigt le rôle joué par des responsables des ambassades rwandaises et des membres de Rwandan Community Abroad (RCA), un réseau international d’associations de la diaspora liées au ministère des Affaires étrangères, dans la surveillance et des pressions exercées sur des demandeurs d’asile et de réfugiés. «Même dans les pays occidentaux, comme en Belgique, au Royaume-Uni et en France, Kigali a réussi à ‘créer un climat de peur parmi les populations réfugiées», révèle encore l’ONG. Mais pas seulement. Les proches restés au Rwanda sont également la cible de détentions arbitraires et d’assassinats présumés «afin d’exercer des pressions sur les membres de leur famille à l’étranger pour qu’ils cessent leur activisme», note encore HRW.
Le rapport de 115 pages souligne, en conclusion, que «le Rwanda n’est pas un pays sur lequel le Royaume-Uni devrait s’appuyer pour faire respecter les normes internationales ou l’Etat de droit en ce qui concerne les demandeurs d’asile». Yasmine Ahmed, directeur britannique de l’ONG américaine, estime que «le projet du gouvernement britannique cause des dommages incalculables à la réputation internationale du Royaume-Uni en tant que pays qui prétend défendre les droits de l’homme».
Sur le sujet, il est rappelé qu’en avril 2022, les gouvernements britannique et rwandais avaient annoncé la signature d’un nouvel accord de partenariat en matière d’asile, en vertu duquel le Royaume-Uni prévoit d’expulser vers le Rwanda les personnes demandant l’asile au Royaume-Uni. En juin, la Cour d’appel du Royaume-Uni a jugé l’accord d’asile illégal car les demandeurs d’asile envoyés au Rwanda risquent d’être envoyés dans leur pays d’origine, où ils risquent d’être victimes de mauvais traitements.
En RDC, pays victimes d’agressions militaires répétées du Rwanda, directement ou par milices soutenues par Kigali interposé, un nouveau rapport du secrétaire général des Nations-Unies, Antonio Guterres, portant sur la mise en œuvre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région, couvrant la période du 16 mars au 15 septembre 2023, le M23 a continué à attaquer des civils. Le mouvement rebelle, notoirement soutenu par Kigali, aurait mené «97 attaques contre des civils, causant la mort de 124 personnes parmi lesquelles 15 femmes et 11 enfants». Mais aussi, que malgré la cessation des hostilités décrétée par les Etats de la région, le M23 «aurait tenté d’étendre sa zone d’opérations à la province du Sud-Kivu».
Nouveau massacre à Kisigari
Cerise sur le gâteau, ce communiqué des Forces armées de la RDC (FARDC), publié le 10 octobre, qui révèle que dans la nuit du 9 au 10, les terroristes du M23 ont lâchement massacré 7 personnes dans le groupement de Kisigari en territoire de Rutshuru (Nord-Kivu). Les victimes ont été exécutées pour avoir collaboré avec les miliciens Wazalendo qui mènent des offensives contre les rebelles du M23, rapporte le communiqué, qui invite l’EAC, le Mécanisme conjoint de vérification élargi ainsi que le Mécanisme ad hoc de vérification à éclairer l’opinion sur ce massacre.
Le dernier rapport du Secrétaire général des Nations-Unies au conseil de sécurité portant sur la mise en œuvre de l’accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région, couvrant la période du 16 mars au 15 septembre 2023, révèle que le M23 a mené 97 attaques contre des civils, causant la mort de 124 personnes, dont 15 femmes et 11 enfants. Et aussi, que les terroristes soutenus par Kigali ont tenté durant la même période d’étendre leur zone d’opérations à la province voisine du Sud-Kivu. «Le M23 n’a pas encore procédé au retrait de toutes les zones qu’il occupe, conformément aux exigences du communiqué de Luanda du 23 novembre 2022», dénonce littéralement ce rapport d’Antonio Guterres.
J.N. AVEC LE MAXIMUM