Le parquet de grande instance de Kinshasa Gombe a envoyé en fixation pour procès public, mardi 3 octobre 2023, le dossier du journaliste Stanis Bujakera. Reste donc plus à connaître, probablement au courant de la semaine qui commence, que la date du début des audiences. Bujakera est poursuivi pour des infractions présumées de faux en écriture, falsification des sceaux de l’Etat, propagation de faux bruits et transmission de message erronés et contraires à la loi, en rapport avec le meurtre du député Chérubin Okende.
Ce dont se défendent l’accusé et ses avocats qui avancent que le journaliste ne peut assumer la responsabilité d’un article signé Jeune Afrique. Même en supposant qu’il n’est pas poursuivi en tant que journaliste, les faits qui lui sont reprochés découlent principalement de ses actes journalistiques, et son arrestation une violation des lois en vigueur, explique-t-on.
Dans un point de presse, le week-end dernier, les avocats de Stanis Bujakera sont montés au créneau pour ainsi dénoncer, principalement, le fait que le journaliste ne peut porter la responsabilité d’un article qu’il n’a nullement signé. Mais aussi, que même si, ainsi que le soutient le parquet, le téléphone du journaliste a été identifié comme étant le 1er à avoir diffusée la note incriminée, reçue d’un compte Telegram, cela signifie aussi qu’il n’était pas le seul à le posséder et à le diffuser (puisqu’il était déjà posté sur Telegram). Le respect du principe juridique de la responsabilité pénale individuelle est ainsi manifestement énervé par le parquet, selon eux.
Résultants d’enquêtes
Les motivations qui justifient le maintien en détention de Stanis Bujakera, correspondant de Jeune Afrique interpellé le 8 septembre 2023 avant d’être placé en détention provisoire le 15 du même mois ne sont plus un secret. Reçu à l’émission «Declic» de la Radio télévision belge francophone (RTBF), samedi 30 août, Erik Nyindu, un ancien de TV5 devenu directeur de la communication du président Tshisekedi, avait révélé les secrets de l’instruction en cours. «L’enquête a prouvé que Stanis Bujakera est l’auteur de l’article» de JA, avait-il déclaré en réponse à une question de journaliste. Selon Erik Nyindu, Bujakera «n’est pas arrêté parce qu’il est journaliste, mais parce qu’il a propagé de faux bruits» dans l’article publié par JA, qui incrimine les services de sécurité dans l’affaire de l’assassinat de Chérubin Okende.
Le 31 août 2023, l’hebdomadaire JA avait mis en ligne un article intitulé «Mort de Chérubin Okende en RDC : les renseignements militaires ont-ils joué un rôle ?», qui affirmait que les informations publiées étaient tirées d’«une note de l’Agence nationale de renseignement (ANR) qui retrace les circonstances du meurtre de ce proche de Moïse Katumbi». L’article querellé accusait les services de renseignements militaires (DEMIAP) de l’enlèvement du député à la Cour constitutionnelle suivie de son assassinat.
Des élections, particulièrement de la présidentielle prévue le 20 décembre 2023, c’est ce dont empeste donc le dossier Bujakera à mille Lieux à la ronde. Le meurtre en juillet dernier de l’ancien ministre des Transports pour le compte du parti katumbiste avait été présenté comme un crime d’Etat mis sur le compte du pouvoir tshisekediste en place. Alors que les enquêtes visant l’élucidation de cet assassinat sont en cours, les révélations non signées publiées par l’hebdomadaire international dans une affaire criminelle en instruction pré juridictionnelle furent de nature à influer sur l’opinion publique. Une correspondance du vice-premier ministre, ministre de l’Intérieur à JA datée du 5 septembre dénonce un faux rapport relayé sur la mort Chérubin Okende et renseigne que «la justice congolaise, en collaboration avec les experts internationaux et ceux de la Monusco, mène des enquêtes approfondies sur le meurtre de l’honorable Chérubin Okende dont les rapports crédibles sont attendus afin que les responsabilités soient établies».
J.N.