Profitant de la sortie médiatique du président Félix Tshisekedi à la 78ème session de l’assemblée générale de l’ONU, le 19 septembre à New York, le nouvel opposant et ancien président de la CENI (2015-2021) Corneille Nangaa Yobeluo qui avait proclamé la victoire du chef de l’Etat rd congolais en fonction fin décembre 2018 a tenté de faire souffler une tempête dans un verre d’eau. L’ancien président de la centrale électorale, désormais à la tête d’un parti politique de sa création, a en effet annoncé sa candidature à la prochaine présidentielle, devenant ipso facto opposant et challenger de Tshisekedi.
De mauvaises langues affirment que l’on doit cette surprenante évolution, d’une part, au refus opposé par le président Tshisekedi de nommer Nangaa en qualité de premier ministre lors de lors de la recomposition de la majorité présidentielle en 2021 et, d’autre part, à la confiscation par les services fiscaux de carrés aurifères détenus illégalement par l’ancien patron de la CENI dans sa province natale du Haut-Uélé.
Après que Félix Tshisekedi soit revenu mardi 19 septembre 2023 à New York (USA) sur les conditions diversement commentées (y compris par Corneille Nangaa il y a quelques mois) de son élection en décembre 2018 en affirmant qu’il n’y avait jamais eu d’arrangement entre le vainqueur de ces élections, qui est face à vous, et son prédécesseur, Nangaa a, depuis son exil dans un pays africain qu’il s’est réservé de localiser, littéralement pris les mords aux dents.
La lumière de Corneille Nangaa
La mise au point du président Tshisekedi a servi de prétexte à son nouvel opposant Corneille Nangaa pour se fendre le 23 septembre 2023 d’un bien curieux «éclairage historique autour des dernières mêlées médiatiques en rapport avec l’élection présidentielle du 30 décembre 2018».
Le document de 3 pages soutient notamment que «par ses affirmations contraires à la vérité qu’il détient et qu’il (Nangaa ndlr) connaît dans son intime conviction, le président Félix Tshisekedi a délibérément choisi la voie des contrevérités sur un fait historique de haute portée. Il a simplement menti et il le sait».
Corneille Nangaa déclare en substance qu’un accord politique entre les présidents sortant et entrant est bel et bien intervenu avant la publication des résultats définitifs du scrutin présidentiel de 2018. Il se prévaut même d’en être un des co-rédacteurs. «Cet accord inaltérable a été signé devant témoins, par le président Tshisekedi et son prédécesseur», souligne l’ex-président de la CENI qui rappelle qu’il était intitulé «Accord pour la stabilité de la République Démocratique du Congo» et avait été certifié et validé par trois chefs d’Etats africains. C’est sur pied de cet accord politique que des institutions de la République (gouvernement et bureaux des chambres parlementaires) ont été installées, souligne-t-il en reprochant au chef de l’Etat de «nier l’existence d’un accord politique qu’il a bel et bien, en âme et conscience, conclu avec son prédécesseur». Mais aussi, de falsifier un fait historique majeur, ancré depuis janvier 2019 dans la mémoire collective, et de se dérober de ses obligations.
Annales officielles
Auparavant, l’« éclairage» de Coneille Nangaa a mis en exergue deux considérations sur le comportement présidentiel : «Les actes électoraux de 2018 font désormais partie des annales officielles de la République Démocratique du Congo. Un arrêt rendu par la cour constitutionnelle n’est susceptible d’aucun recours et est immédiatement exécutoire. Il est obligatoire et s’impose aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, civiles et militaires ainsi qu’aux particuliers (Article 168 de la Constitution). Il n’appelle, sur le fond, aucun débat».
Du point de vue de Corneille Nangaa, le président Félix Tshisekedi aurait donc délibérément violé la constitution en déclarant qu’aucun arrangement n’avait été conclu entre son prédécesseur et lui.
De même qu’il lui reproche d’avoir rompu «le pacte républicain qui le lie et grâce auquel il a été investi à la fonction qu’il exerce». Et de surenchérir : «Pourquoi le chef de l’Etat, du haut de la grandeur de sa fonction, a-t-il fait le choix de rouvrir les placards pour exposer les secrets d’Etat, à trois mois de l’élection présidentielle ? Il y avait quelle urgence, quelle nécessité, quelle opportunité ?».
Détenteur des secrets électoraux
A l’examen, cette sortie médiatique de l’ancien président de la CENI, que l’opinion tient pour détenteur des secrets des résultats de la présidentielle 2018 n’avait pour objectif que de faire suspecter le chef de l’Etat rd congolais d’avoir bénéficié des fameux ‘‘arrangements à l’africaine’’, une formule méprisante que le suprématiste-néocolonialiste français Jean-Yves Le Drian avait dédaigneusement utilisée pour qualifier la victoire en 2018 d’un candidat non adoubé par la Françafrique en lieu et place de Martin Fayulu chargé de réchauffer pendant deux ans le trône destiné à Moïse Katumbi par ceux qui n’ont jamais eu de cesse de se considérer comme les maîtres du monde et propriétaires de l’Afrique subsaharienne.
Rien de nouveau sous le soleil
Prince Epenge, un factotum attitré de Fayulu n’a pas tardé à plonger tête baissée dans l’aubaine en affirmant à la cantonnade que Corneille Nangaa venait ainsi de confirmer la victoire à la dernière présidentielle de son mentor.
De fait, comme le fait remarquer le camp présidentiel, la sortie médiatique de Nangaa n’a rien apporté de nouveau.
Selon Justin Bitakwira, un acteur politique ayant pignon sur rue au Sud-Kivu depuis des décennies, «par rapport à l’organisation des élections que nous a données Nangaa, même quand il va mourir, sa tombe doit être scellée. Parce qu’avec une conscience aussi pourrie, il est déjà mort peut-être sans le savoir. Nangaa n’a de leçons à donner à personne. Nous savons dans quelles conditions certains députés ont été choisis. Beaucoup n’ont pas été élus. Et nous savons où ils se réunissaient pour trier : ‘‘tiya oyo … Oyo te‘‘. Je crois qu’il a raison de se terrer quelque part pour qu’on ne le revoit plus jamais dans ce pays. Nangaa, tu peux me prouver que Bitakwira n’a pas été élu à Uvira ?».
Si les questionnements soulevés par Corneille Nangaa semblent bel et bien faire allusion à «un pacte grâce auquel (Félix Tshisekedi) a été investi aux fonctions qu’il exerce», force est cependant de constater que de ce fameux pacte qui releverait du secret d’Etat, l’ex-président de la CENI ne révèle pas grand-chose. Il ne parle en réalité que de l’accord politique conclu «avant la publication des résultats définitifs», donc après la publication des résultats provisoires par la CENI déclarant Tshisekedi vainqueur de la présidentielle 2018. Un accord politique de notoriété publique auquel aussi bien le président sortant Joseph Kabila que son successeur Félix Tshisekedi ont à maintes reprises fait allusion pour justifier la constitution de la coalition FCC-CACH du fait de l’inadéquation entre la majorité présidentielle acquise au CACH de Tshisekedi et celle parlementaire de son prédecesseur Kabila.
En l’espèce, Nangaa n’a rien dit dans son «éclairage historique du 23 septembre» que l’opinion publique ne savait déjà. Sa tentative de dramatiser un acte aussi apodictique relève de la pure lapalissade, d’autant plus que le président Tshisekedi n’en a jamais nié l’existence même lorsqu’il se trouva contraint de rabattre les cartes et de se doter d’une majorité favorable à sa vision à cause des multiples couleuvres que ses partenaires du FCC, particulièrement du PPRD lui avaient fait avaler deux ans durant.
Nul ne peut tirer aucun scoop de «l’éclairage historique» de Corneille Nangaa qui ne porte nulle part sur la fiabilité des scores électoraux sur lesquels Fayulu et ses mentors ont campé ces dernières années pour mettre à mal le leadership de Fatshi. Aucune remise en cause du fait qu’il y a eu bel et bien un vainqueur dans la joute de fin décembre 2018 et que celui-ci n’était autre que Félix Tshisekedi. L’éclairage n’a dès lors rien éclairé du tout et Nangaa qui est prudemment demeuré dans le clair-obscur doit bien rire sous cap car aurait-il contesté cela qu’il aurait immédiatement encourru des poursuites pénales pour crime de parjure et de fraude aggravée dans l’exercice de ses fonctions à la tête de la CENI. On se trouve donc face à une véritable tempête dans un (petit) verre d’eau.
LE MAXIMUM