Depuis le début de la session de septembre au parlement, le 15 septembre 2023, Moïse Katumbi et son Ensemble pour la République se sont lancés à corps perdu dans une campagne électorale. L’ancien gouverneur du Katanga, candidat à la prochaine présidentielle affirme être simplement occupé à implanter son parti politique mais c’est à des appels directs aux votes en sa faveur que l’on assiste ci et là.
L’homme qui s’est adjugé une importante manne financière pendant une décennie à la tête de la riche province cuprifère s’adonne à de vastes opérations de conquête des masses dans les anciennes provinces du Katanga, du Bandundu et de l’Equateur. Des images en provenance de localités et agglomérations prétendument conquises par celui que des présomptions de multiples nationalités et de recrutement des mercenaires avaient empêché de compétir en 2018, s’étalent dans les médias et réseaux sociaux à sa solde. Dilolo, Kapanga, Kabongo, Bukama, Manono, Malemba-Nkulu, Kongolo, ont ainsi été visités par le richissime président du TP Mazembe de Lubumbashi. Mardi 26 septembre 2023, Moïse Katumbi est arrivé au Kongo-central par Muanda. Il a promis d’y revenir après l’ouverture officielle de la campagne électorale le 20 novembre prochain avec des solutions pour cette contrée dépourvue d’eau, d’électricité, de routes et d’industries alors qu’elle se situe à quelques encablures du Barrage d’Inga.
Le challenger déclaré de Félix Tshisekedi à la prochaine présidentielle semble ainsi avoir pris le parti d’une campagne anticipée dans la perspective, de moins en moins probable, de l’adoption au parlement de la loi portant verrouillage des fonctions régaliennes aux candidats dont un géniteur au moins ne serait pas de nationalité congolaise d’origine (loi Tshiani), ce qui aurait pour conséquence de l’exclure de la course à la présidentielle.
Moïse Katumbi prend de la sorte bel et bien les devants de la campagne électorale malgré la loi y relative qui la limite strictement à 30 jours calendrier avant la tenue des scrutins. Comme dans le domaine sportif qui l’a particulièrement fait connaître en RDC, le président du TP Mazembe prend le départ avant le gong. Et triche.
Aucune trace d’implantation du parti
Partout où il est passé, le candidat Katumbi ne s’est nullement préoccupé de l’implantation de son parti. Plusieurs analystes se demandent du reste dans quelle mesure une formation politique qui ne s’implanterait qu’à quelques semaines des élections mérite cette qualité. Ils en veulent pour preuve, le fait qu’aucun acte de nomination ou de restructuration n’a précédé, ni suivi, cette prétendue campagne d’implantation.
Le 26 septembre à Muanda, Katumbi a déclaré aux badauds venus l’écouter que «cette ville doit ressembler à Monaco» avant de promettre un projet adapté pour la ville côtière riveraine de l’océan Atlantique. «Le franc congolais dégringole alors que le salaire ne suit pas. Ici, on doit avoir des bateaux de pêche. Le pétrole se trouve ici, mais la redevance ne suit pas. Le Kongo-Central est la capitale du courant. Il est aussi nanti de pétrole. La province ne peut pas être pauvre. Ça sera fini dans deux mois», a-t-il martelé.
De Boma sur la route de Matadi, le président de Ensemble pour la République a fait une escale à Kinzau-Mvuete (Seke-Banza). Pas pour y installer quelque structure de parti que ce soit mais plutôt pour visiter l’école primaire Nsand-Kizulu dont il avait pris en charge la réhabilitation des bâtiments en 2022.
A Matadi, où il est arrivé mercredi 27 septembre et animé un meeting populaire à Biwewe, sur le Mont Belvédère, le président d’Ensemble pour la République n’a non plus rien dit sur le fonctionnement de son parti politique. Au moment d’entamer sa harangue, il s’est limité à demander au public présent une minute de silence en mémoire de quiconque pourrait avoir quelques sympathies locales : Joseph Kasabubu, le premier président de la RDC, originaire du coin, décédé le 24 mars 1969 et le député national et ancien ministre Chérubin Okende, assassiné récemment dans des conditions non encore élucidées ainsi que les victimes du massacre du 30 août 2023 à Goma.
Il est clair que le candidat d’Ensemble pour la République est, le plus illégalement du monde, en pleine campagne électorale prématurée. «Il multiplie des promesses électorales, et manipule les lois à son profit comme d’habitude», selon le commentaire de ce professeur de l’université de Lubumbashi qui s’est confié au Maximum sous le sceau de l’anonymat.
A quelques trois mois de la présidentielle prévue le 20 décembre prochain en RDC, l’Assemblée nationale vient d’aligner à l’agenda de ses débats de la session de septembre 2023, la proposition de loi Tshiani-Nsingi réservant l’accès aux fonctions de souveraineté aux seuls ressortissants congolais nés de parents eux-mêmes Congolais d’origine. «Nous voulons verrouiller environ 250 postes que nous considérons comme relevant de la souveraineté de notre pays dans un contexte sécuritaire particulièrement volatile», explique à ce sujet Noël Tshiani Muadiamvita, l’initiateur de cette proposition de législation. Parmi les fonctions concernées, celles de président de la République, de premier ministre, de l’Assemblée nationale, de président du Sénat et de ministres en charge de la Défense nationale et de la sécurité. Aux dernières nouvelles, Tshiani et son partenaire le député national Nsingi Pululu tiendraient également à exiger que les conjoint(e)s des impétrants aux postes verrouillés soient également nés de parents congolais. «Si un président a deux parents congolais mais une femme rwandaise, il y a un conflit d’intérêts», argue à ce sujet Noël Tshiani.
Fils de Grec marié à une étrangère
La loi Tshiani avait déjà été inscrite au calendrier des travaux de la session de mars 2023 sans être soumise aux débats, en raison de l’énorme pression exercée sur le parlement au niveau aussi bien national qu’international. Cette initiative est en effet perçue par certains en RDC et surtout à l’étranger comme une stratégie visant à écarter un des candidats déclarés au top job, Moïse Katumbi Chapwe.
Pour Noël Tshiani, l’ancien gouverneur du Katanga pour le compte du PPRD de Joseph Kabila ne devrait pas être candidat à la présidence de la RDC. «Son père est grec et d’autres membres de sa famille, notament son épouse sont des étrangers, il ne peut pas occuper la magistrature suprême en RDC», tranche-t-il. Mais cette opinion est battue en brèche par les nombreux réseaux katumbistes au pays et à l’étranger.
A commencer par une partie de la hiérarchie de l’Eglise catholique emmenée par le cardinal archevêque de Kinshasa Fridolin Ambongo ainsi que plusieurs diplomates occidentaux en RDC qui, en avril dernier, s’étaient élevés contre «la réinscription à l’ordre du jour de cette proposition de loi discriminatoire qui risque de faire déraper les prochaines élections et entraîner une guerre civile».
J.N. AVEC LE MAXIMUM