En séjour aux Etats-Unis d’Amérique dans le cadre de la 78ème session de l’Assemblée générale des Nations-Unis, le président de la RDC a animé un dîner de presse, mardi 19 septembre 2023 à New York. En réponse aux préoccupations de ses interlocuteurs de la presse américaine, Félix Tshisekedi a abordé particulièrement la fameuse question de «l’arrangement à l’africaine» dénoncée par Jean-Yves Le Drian, ancien ministre français des Affaires étrangères.
Pour la première fois depuis son accession à la magistrature suprême en janvier 2019, Félix Tshisekedi est intervenu dans ce débat, à la base notamment de la rupture de la coalition FCC-CACH. «Il n’y a jamais eu d’arrangement entre le vainqueur de ces élections, qui est face à vous, et son prédécesseur. J’en veux pour preuve, parce que moi j’aime parler avec des évidences, deux personnalités qui sont encore vivantes : M. Raymond Tshibanda, et celui qui a été le dircab de mon prédécesseur, Mwilanya Néhémie. C’est le premier, Raymond Tshibanda, qui m’avait contacté après les résultats des élections. Et d’entrée de jeu, lorsque nous nous sommes vus, je lui ai dit : cher grand-frère, si vous m’avez appelé ici pour trouver un arrangement pour que je devienne le 1er ministre de votre candidat, c’est-à-dire Emmanuel Shadary, c’est niet. Parce que moi j’ai gagné les élections, je le sais, j’ai les résultats. Je n’entrerai pas dans ce scénario. Tout de suite il m’a rassuré en disant ‘‘vous savez, les résultats, on peut en discuter. Chacun a ses résultats. Mais moi, je ne vous ai pas appelé pour ça’’. Et on est entré dans le vif du sujet, qui a donné lieu à la formation plus tard, lorsque je rencontrerai mon prédécesseur, de cette coalition. Le lendemain, j’ai vu également Néhemie Mwilanya qui était en son temps directeur de cabinet du président sortant à qui j’ai répété la même chose. Donc, aujourd’hui, ceux qui parlent de fraude doivent nous en apporter les preuves et nous dire qui est responsable de cette fraude. Je referme la parenthèse », a déclaré Félix Tshisekedi.
10 millions de morts, ça suffit !
Le chef de l’Etat de la RDC est également revenu sur le problème rwandais, rappelant que ce pays a fait du génocide malheureux intervenu en 1994 une occasion pour essayer de conquérir toute la région avec des ambitions hégémoniques de la part de son leader qui a écrasé tout sur son passage dans l’unique but de piller des pays comme la RDC. «Aujourd’hui nous disons : ça suffit. Plus 10 millions de morts, des millions voire des milliards de dollars de pillés en ressources naturelles, minières comme agricoles, ça suffit. Voilà pourquoi nous avons renforcé nos capacités et nous sommes, je peux le dire aujourd’hui, en mesure de pouvoir faire face à n’importe quelle adversité venant de ce pays-là. Donc nous n’allons pas baisser les bras. Nous allons continuer à défendre notre pays et je n’exclue aucun scénario pour défendre notre pays et avoir la paix véritable en RDC».
Le président Tshisekedi a réaffirmé son refus de négocier avec le M23. «À propos du M23, j’aimerais vous dire que c’est un groupe de criminels qui s’est embarqué dans une aventure elle-même criminelle, conduite par monsieur Paul Kagame président de la République du Rwanda, et c’est parce qu’ils sont des criminels que nous n’allons jamais négocier ou entrer en un quelconque dialogue avec eux. Je l’ai dit suffisamment, répété à plusieurs reprises, et je vous le confirme à nouveau», a-t-il déclaré en substance.
Bujakera, Salomon Idi … pas d’entraves à la justice
Le chef de l’Etat s’est également prononcé sur le dossier Stanys Bujakera, le journaliste congolais correspondant de Jeune Afrique placé sous mandat d’arrêt provisoire par le tribunal de paix de Kinshasa Gombe. «Je ne me mêle pas de ce qui se passe avec la justice. Comme le dit la constitution, je suis le magistrat suprême. Sans juger, je peux m’enquérir de certaines situations sans m’immiscer dans les affaires de la justice. Surtout lorsque cela suscite des polémiques. Je dirai que dans les deux cas que vous citez, ce sont des enquêtes qui sont en cours. Ce serait hyper maladroit de ma part de faire un commentaire là-dessus. Tout ce que je fais, et ce à quoi je veille, c’est que les droits de ces individus soient garantis et respectés. Maintenant, si on n’arrive à me démontrer que leurs droits n’ont pas été respectés, je suis prêt à aborder le sujet. Une interpellation par une institution comme la justice, ça se constate. Pourquoi voudriez-vous que le même principe, par exemple pour la presse, j’ai lu quelque part qu’un journaliste français avait été interpellé pour avoir divulgué des informations stratégiques … interpellé et gardé à vue … un peu plus loin il y a Julian Assange qui a été traqué comme une bête immonde parce qu’il avait divulgué des câbles diplomatiques stratégiques. Quoi de plus normal que la justice s’intéresse à ça ?
Pour le journaliste Bujakera, qui est un jeune que je connais bien …. Pour la petite histoire, il a couvert notre campagne électorale … il était de tous les combats avec nous. Donc j’ai de la sympathie pour ce jeune homme et je regrette ce qui lui arrive. Mais je ne peux pas faire entrave à la justice et ne peux pas empêcher celle-ci de faire toute la lumière. D’autant plus qu’on parle de mort d’homme. Rappelez-vous, Chérubin Okende, ancien ministre qui a été mon collaborateur pendant longtemps, très apprécié d’ailleurs par moi, est mort dans des circonstances suspectes qui ne sont pas encore élucidées malgré le fait que nous avons fait appel aux enquêteurs internationaux … Belges, Sudafricains, Français aussi et la MONUSCO. Malgré tout ça on prend le risque de désorienter l’enquête et l’opinion. Donc, je crois que ça peut intéresser la justice», a expliqué le président de la République, demandant qu’on laisse celle-ci faire son travail. «Je ne serai pas le fossoyeur de la liberté des citoyens car, étant moi-même issu d’un parti qui a subi les horreurs de la dictature», a encore rassuré le président de la République.
Félix Tshisekedi, qui a confirmé la tenue des élections le 20 décembre 2023 a également annoncé sa candidature. «Fort du bilan de mon action à la tête de la RDC, je me sens fort de briguer un nouveau mandat à l’élection présidentielle pour continuer le travail entamé», a-t-il révélé.
J.N. AVEC LE MAXIMUM