Mardi 26 septembre 2023 tomberont les rideaux sur la 78ème session de l’Assemblée générale des Nations-Unies, ouverte à New York une semaine plus tôt sous le thème «Rétablir la confiance et raviver la solidarité mondiale». Arrivé au siège des Nations-Unies le 17 septembre, le chef de l’Etat de la RDC n’a pas eu le temps de tourner les pouces en raison d’un agenda plutôt bien garni. En attendant son intervention du haut de l’imposante batisse en verre, la 4ème du genre depuis son avènement en 2019, Félix Tshisekedi a tenu mardi 19 septembre, une conférence de presse au cours de laquelle il a plaidé pour un marché mondial plus équitable du crédit carbone. L’événement, co-organisé avec le PNUD a connu la participation du président Denis Sassou-Ngouesso du Congo-Brazzaville. Porteur de l’ambition maintes fois répétées d’assumer le leadership régional sur la préoccupante question du changement climatique, Félix Tshisekedi a saisi l’occasion pour insister sur la nécessité d’établir un prix juste de la tonne de carbone au sein d’un marché mondial du crédit carbone mieux structuré afin de soutenir les pays africains qui doivent relever le défi du développement.
Le même mardi 19 septembre, le n° 1 rd congolais a animé un dîner de presse très suivi au cours duquel il a dénoncé l’agression rwandaise contre son pays, tout en affirmant n’exclure aucun scénario – y compris celui de la guerre – pour rétablir la paix dans les territoires de l’Est. Avant de réaffirmer son refus catégorique de dialoguer avec les terroristes du M23 soutenus par Kigali. Félix Tshisekedi a également tenu à rassurer ses interlocuteurs, essentiellement américains, au sujet des accusations de dérive dictatoriale dont l’accablent certaines officines politiques bien connues.
Le Nigérian Tinubu porte les préoccupations de Fatshi
Le succès du séjour newyorkais du chef de l’Etat de la RDC a littéralement crevé les écrans, notamment lorsqu’intervenant à la tribune des Nations-Unies, mardi 19 septembre, le tout nouveau président du Nigéria a pris sur lui de porter la cause du pays de Lumumba. Evoquant les minerais de sang, Bola Tinubu a en effet déclaré que «le quatrième aspect important de la confiance et de la solidarité mondiale est de protéger les zones riches en minerais du continent contre le pillage et les conflits. Beaucoup de ces zones sont devenues des catacombes de misère et d’exploitation. La RDC en souffre depuis des décennies, malgré la forte présence de l’ONU sur place». Un sujet sur lequel Félix Tshisekedi a rebondi dès le lendemain lors de son intervention pour exiger le départ des forces onusiennes présentes dans son pays depuis 25 ans.
Aligné en 12ème position parmi les intervenants au débat général, le chef de l’Etat congolais a pris la parole du haut de la prestigieuse tribune onusienne mercredi 20 septembre à 18 heures locales (23 heures à Kinshasa). Compte tenu du contexte politique dans son pays, marqué par l’imminence des élections législatives et présidentielle, autant que par la guerre d’agression qu’il subit de la part d’un pays membre des Nations-Unies, le Rwanda, par supplétifs terroristes M23 interposés, son intervention était très attendue.
Elections confirmées en décembre
Au sujet des scrutins électoraux, Félix Tshisekedi a confirmé la tenue de la présidentielle, des législatives nationales, provinciales et des communales le 20 décembre 2023, sous la direction de la Commission électorale nationale indépendante (CENI).
Pour cette 4ème intervention du haut de la tribune des Nations-Unies, Félix Tshisekedi n’a pas fait l’impasse sur l’agression rwandaise de l’Est de son pays par terroristes du M23 interposés. «Ce groupe terroriste supplétif du Rwanda ne respecte aucun des engagements conclus par les Chefs d’Etat de la région dans les cadres des processus de Luanda et de Nairobi. En effet, non seulement ils n’ont pas quitté les positions conquises mais ils continuent à massacrer nos populations civiles et refusent le pré-cantonnement et le cantonnement exigeant un dialogue qui ne leur sera jamais accordé», a-t-il martelé sous un tonnerre d’applaudissements.
Le président congolaisa saisi l’occasion pour réitérer le vœu de son gouvernement de voir la mission onusienne plier bagages au plus tôt, compte tenu de son inefficacité sur le terrain. «Après plus de deux décennies de présence, il est temps pour notre pays de prendre pleinement son destin en mains et de devenir le principal acteur de sa propre stabilité. Nous sommes reconnaissants envers la communauté internationale et les Nations-Unies pour leur soutien et leur partenariat. Mais nous sommes également conscients que le retrait progressif de la MONUSCO est une étape nécessaire pour consolider les progrès que nous avons déjà réalisés», a-t-il déclaré en substance en déplorant l’échec des différentes missions onusiennes déployées dans le pays.
«Le projet de retrait échelonné, responsable et durable de la MONUSCO annoncé depuis 2018 et dont le plan de transition a été adopté en 2021 devient-il anachronique au regard de l’évolution des contingences politiques, sécuritaires et sociales actuelles. Il est donc illusoire et contreproductif de continuer à s’accrocher au maintien de la MONUSCO pour restaurer la paix en RDC et stabiliser celle-ci », a encore soutenu le chef de l’Etat congolais. Avant d’annoncer que son gouvernement discuterait avec les Nations-Unies pour ramener le retrait préalablement convenu pour décembre 2024 à décembre 2023.
Sanctions pour les crimes commis en RDC
De même qu’il a bûcheronné sur sa demande de sanctions contre toute personne physique ou morale reconnue auteur ou coauteur, complice matériel ou intellectuel des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ainsi que des violations graves droits de l’homme, du droit international et de la charte des Nations-Unies sur le territoire congolais. Selon Tshisekedi, «il est injuste et inadmissible que des personnes citées comme responsables des crimes graves susmentionnés dans les différents rapports de l’ONU elle-même sur la situation sécuritaire en RDC restent impunies dans le silence total de notre organisation et de ses membres, qui placent pourtant la lutte contre l’impunité parmi leurs priorités en matière de gouvernance interne et externe».
A propos du changement climatique, Félix Tshisekedi a fait observer que l’augmentation de la température depuis quelques décennies affecte la vie des populations de toute la planète. «Un constat peu rassurant qui appelle sans doute à la revisitation de nos approches et des politiques adoptées». A ce sujet, le chef de l’Etat congolais, sur pied des conclusions du sommet africain de Nairobi consacré à ce problème, a noté que «les Africains sont sortis du sommet avec un cahier de charge axé notamment sur la réforme de l’architecture du système financier international pour plus d’équité, la restructuration et l’allègement des dettes de leurs pays, la transformation locale de leurs produits et la mise en place d’un régime de taxation de carbone incluant une taxe sur le commerce des combustibles fossiles ainsi que sur le transport maritime et aérien. Ils ont rappelé également aux riches pollueurs un engagement pris en 2009 mais non encore honoré jusqu’à ce jour, de fournir 100 milliards USD de financements climatiques».
30 % du territoire national pour la biodiversité
S’agissant de son pays, Félix Tshisekedi en a appelé à la création d’un marché de carbone équitable et des prix incitatifs tout en renforçant l’efficacité de financements climatiques. Il soutient l’idéal de partenariats mutuellement bénéfiques entre l’Etat et le secteur privé. «La RDC réitère sa disponibilité à coopérer avec tout partenaire, public ou privé pour mettre en valeur ses minerais stratégiques en vue de la transition écologique et a pris des engagements courageux. Notamment, ceux de consacrer 30 % de la superficie de son territoire national à la préservation de la biodiversité et de déposer une contribution prévue, déterminée comportant des mesures d’atténuation axées sur quatre secteurs prioritaires : l’agriculture, les forêts, l’énergie et le transfert des technologies, ainsi que des mesures d’adaptation», a-t-il annoncé à ce propos.
Jeudi 21 septembre, Fatshi s’est rendu à Washington DC où il a pris part à une table-ronde avec des élus du Congrès et des patrons des majors américains de l’industrie pétrolière. Après une rencontre avec Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU avec lequel il a évoqué la situation sécuritaire dans son pays et le futur de la MONUSCO dont il a fermement demandé le départ de la RDC.
Pour la seconde fois successive, Félix Tshisekedi a également honoré, en qualité d’invité d’honneur, la conférence annuelle de la Congressional Black Caucus Foundation qui regroupe les parlementaires noirs américains. De même qu’il a pris part à la table-ronde sur le partenariat Etats-Unis-Afrique pour une transition énergétique juste et équitable en Afrique sous le thème «créer un lien entre les capitales mondiales de l’énergie, de la Côte du Golfe à la côte africaine», à laquelle a également pris part Albert «Al» William, vice-président chargé des affaires commerciales de Chevron. A ce sujet, il est rappelé que le géant pétrolier américain a finalisé, en juillet 2023, un accord d’étape avec les gouvernements angolais et congolais pour le développement du Bloc 14, un gisement offshore que les deux pays se disputent depuis 50 ans. Mais également Sheila Jackson, ardente porte-parole de l’industrie pétrolière américaine au Congrès et organisatrice de cette conférence dont la vedette a été tenue par le chef de l’Etat de la RDC, soucieux de sortir l’économie de son pays du «tout minier» et de faire des hydrocarbures un nouvel axe du développement économique. Selon le gouvernement de la RDC, en effet, l’exploitation des blocs pétroliers pourrait, à elle seule, générer plus de 30 milliards USD/an.
J.N. AVEC LE MAXIMUM