Près d’une semaine après le carnage dans lequel avait succombé, fauché par les balles de militaires de la Garde Républicaine, 51 adeptes de la secte Wazalendo du prophète Éphraïm Bisimwa, les contours du drame de Goma se dessinent avec davantage de netteté.
Mercredi 30 août 2023, aux petites heures du matin, de nombreux fidèles répondant à l’appel de leur gourou avaient enclenché une marche de protestation contre la présence de la MONUSCO en RDC. Principale destination, la base de la mission onusienne dans la ville volcanique, pour exécuter les instructions transmises par les «ancêtres» par l’intermédiaire de l’homme de Dieu, rapporte des sources aujourd’hui. Des instructions qui prescrivaient une manifestation publique le 30 août 2023 au cours de laquelle les fidèles étaient appelés s’adonneraient à des rites spéciaux sur les lieux, présentés par les «ancêtres» comme des lieux saints. Pour ce faire, le prophète Bisimwa avait pris soin de préparer ses adeptes à la mort, leur assurant que le «Lion des ancêtres» allait venger les morts. Raison pour laquelle il fallait désobéir à l’ordre de la mairie interdisant la manifestation. «Je respecte le maire, mais je respecte encore plus nos ancêtres. Si le maire a un quelconque pouvoir, qu’il arrête les M23 et non pas nos populations», avait expliqué l’homme de Dieu.
Sur la secte politico-religieuse, on en sait plus également. L’Eglise du prophète Ephraim Bisimwa à Goma se nomme «Foi naturelle judaïque vers les nations (FNJMN)/Agana La Uwezo Wa Neno». Elle se dit investie de la mission divine et ancestrale de lutter pour l’indépendance réelle de la RDC et de l’Afrique et de faire barrage à l’impérialisme. Aussi se revendique-t-elle indistinctement de Patrice Lumumba, Simon Kimbangu et Kimpa Vita. Les adeptes Wazalendo se réunissent dans un quartier populaire de Goma et disposaient d’une radio, Uwezo Wa Neno (Puissance de la parole), jusqu’à sa destruction par les forces de l’ordre.
Hostilités déclenchées par les FARDC
Selon ces informations proches de la secte politico-religieuse diffusées sur les réseaux sociaux, ce sont les éléments de la Garde républicaine qui auraient engagé les hostilités le 30 août dernier autour de 3 heures du matin, en attaquant les installations d’une radio qui recevaient des fidèles Wazalendo, tuant au passage une journaliste. Plusieurs autres adeptes de la secte ont été abattus dans les rues situées autour de l’église. Alors que le vice-ministre, ministre de l’Intérieur, rentré de Goma mardi 5 septembre 2023, conteste cette version. Au cours d’un briefing de presse spécial, mercredi 6 septembre à Kinshasa, Peter Kazadi a déclaré que l’armée que n’est intervenue qu’à 6 heures du matin, mercredi 30 septembre à Goma, après que les forces de police dépêchées pour contenir les manifestants eurent échoué, perdant de surcroit un de leurs éléments, lapidé par les Wazalendo. Et s’agissant des éléments de la Garde républicaine dépêchés en renfort, ils auraient ouvert le feu lorsque les manifestants ont tenté de ravir l’arme d’un des leurs, a encore rapporté le ministre de l’Intérieur, reconnaissant toutefois qu’il y avait eu des bavures dans le chef des militaires, qui doivent être sanctionnées.
Cependant, jusque lundi 4 septembre, l’atmosphère demeurait tendue dans la ville de Goma où séjournait pourtant une imposante délégation gouvernementale. Le trafic routier s’en est trouvé perturbé durant une partie de la journée. Sur la route Goma-Sake, des manifestants répondant à l’appel à l’observance de la ville morte par des organisations de la société civile et la secte Wazalendo avaient posé des barricades à l’aide de pneus brûlés et de grosses pierres.
Le procès en flagrance ouvert contre les adeptes Wazalendo, dont au moins 150 furent arrêtés le 30 septembre à Goma, ne semblait pas non plus de nature à apaiser les esprits. Dans la salle Cheka où siégeait le tribunal militaire de garnison de la ville volcanique, l’affluence du public traduisait le soutien des gomatraciens révoltés par l’ampleur des massacres. Lundi 4 septembre, sur 143 prévenus, 91 avaient été formellement identifiés dont 16 dames et 19 mineurs, ainsi que le prophète Ephraim Bisimwa, alors que des soupçons d’infiltration des fidèles au cours de la manifestation réprimée dans le sang demeuraient tenaces. Sur ce sujet, Peter Kazadi a encore révélé, le 6 septembre 2023, que la manifestation interdite des fidèles Wazalendo coïncidait avec des mouvements suspects de rassemblement des troupes rwandaises à la frontière entre les deux pays. Par mesure de dissuasion, une marche des éléments armés des forces de défense de la RDC à travers les avenues de Goma avait été programmée. Les éléments FARDC appelés en renfort pour disperser les Wazalendo avaient été puisés parmi les unités affectées à cette marche, selon Peter Kazadi.
Constant Ndima rappelé à Kinshasa
C’est dans ces conditions que la délégation gouvernementale dépêchée sur les lieux avait annoncé, dimanche 3 septembre, des mesures supplémentaires à l’encontre d’autorités militaires. Notamment, le rappel pour consultation à Kinshasa du gouverneur militaire de la province du Nord-Kivu, le général Constant Ndima (rappelé mais pas démis de ses fonctions, a précisé Peter Kazadi), la suspension de deux officiers supérieurs de la police, le P2 et le P3, et leur rappel à Kinshasa ; l’organisation des obsèques du policier mort par lynchage des adeptes Wazalendo ; la prise en charge des obsèques de toutes les victimes ; la libération de tous les militants des mouvements citoyens appréhendés à l’occasion des événements de Goma ; l’identification de toutes les églises de l’ensemble de la province du Nord-Kivu et la fermeture de celles qui ne sont pas en règles avec les lois en vigueur.
L’équipe gouvernementale avait déjà annoncée l’arrestation du commandant de la brigade de la Garde présidentielle et du commandant régiment FARDC, immédiatement placés en détention. Leur procès en flagrance s’est ouvert mardi 5 septembre 2023 à Goma.
J.N. AVEC LE MAXIMUM