A Lodja, la plus peuplée des agglomérations de la province du Sankuru dont elle est la capitale économique, le gouverneur Jules Lodi n’a pas bonne presse auprès de ses administrés. Après une série d’autres bévues, cet originaire du territoire voisin de Katako-Kombe, un avocat de son état, dont l’élection semblait pourtant prometteuse, a pris sur lui d’accaparer purement et simplement des terres de familles modestes exploitées à des fins de subsistance après avoir tenté de les acquérir à vil prix.
En février 2023, dans le quartier Diengenga-Lohadi, à la sortie de la ville sur la RN7 menant vers Lomela et Kisangani, les habitants ont été surpris de voir des policiers détruire leurs champs et cultures en invoquant un arrêté d’expropriation du chef de l’exécutif provincial. Pire, le conservateur local des titres fonciers Cosmas Osomba Pukuma s’est mis à lotir l’espace en faveur de proches du gouverneur qui ont sans coup férir commencé à y poser des actes d’occupation, sans la moindre autorisation des propriétaires des lieux, dont les familles Wotshu, Olanu, et Oleko, représentant quelques 600 âmes. Qui ont décidé de s’en plaindre auprès du gouverneur lui-même. Mais en vain, et pour cause, le patron de l’exécutif provincial avait entretemps pris un arrêté d’expropriation «pour utilité publique» en créant un lotissement de 25 hectares sur ces terres communautaires, dont il s’est attribué lui-même de vastes portions, laissant les soins à son complice le conservateur Osomba Pukuma de commercialiser le reste.
Début mars 2023, les familles lésées par cette décision du gouverneur ont saisi la chambre administrative de la Cour d’appel du Sankuru par l’intermédiaire de Maître Omba Nyamololo qui a initié une requête en annulation de l’arrêté provincial lotissant des terres manifestement non vacantes. «Les requérants et leurs familles sont propriétaires du droit de jouissance de ces portions de terre acquises conformément à la coutume locale et ce depuis 1957», avait argué l’avocat qui a constaté que l’arrêté du gouverneur de province violait notamment les articles 388 de la loi foncière qui stipule que «les terres des communautés locales sont celles que ces communautés exploitent et cultivent en vertu de la coutume locale» ; et 34 de la constitution de la RDC relative à la propriété privée et à sa protection par l’Etat.
Examinant l’arrêté de lotissement pris, prétendument pour cause d’utilité publique et que le conservateur, après l’avoir malicieusement dissimulé, n’a produit que sur une injoction comminatoire du parquet, Me Omba y a relevé de nombreux défauts. Outre qu’aucun impératif d’utilité publique n’apparaît à Diengenga-Lohadi, cet acte du gouverneur Jules Lodi n’évoque aucune expropriation préalable pour les 620 parcelles à destination de résidences prévues à Diengenga. Encore que la loi prévoit en pareil cas, outre l’accord des propriétaires, une indemnisation des personnes expropriées par une décision de l’autorité publique. Ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.
Appelée à comparaître devant la Cour d’Appel de Lusambo à Lodja siégeant en matière administrative, l’autorité provinciale a brillé par son absence, laissant le soin au conservateur des titres fonciers de défendre l’arrêté querellé. Ce qui n’a pas empêché le parquet général près cette cour de requérir dans le sens sollicité par les familles spoliées de Diengenga.
En effet, selon le procureur général, «les requérants ont été privés de leur droit de propriété et de jouissance des portions de terre précitées par la décision administrative supra depuis plus de cinq mois. Il s’avère qu’un doute sérieux pèse sur la légalité de cette décision en ce que celle-ci semble violer les prescrits des articles 387, 388 de la loi foncière et 34 de la constitution car ce lotissement porte sur les terres occupées par ces communautés locales en vertu de la coutume». Il a donc demandé au juge des référés «en plus de l’urgence, de constater que la requête se justifie par le fait que cette décision attaquée accorde un droit à des tierces personnes qui posent des actes d’occupation sur les portions sus évoquées en détruisant méchamment des récoltes et autres arbres fruitiers des requérants qui se trouvent à ce jour, dans l’impossibilité de jouir des portions de leurs terres ; d’où la nécessité d’une décision urgente de suspension».
Ainsi en a décidé le juge des référés qui a prononcé une ordonnance de suspension sous un tonnerre d’applaudissements des victimes venues en nombre réclamer justice.
A Lodja, la «Cité Lodi», créée par le gouverneur du même nom destinée à abriter les résidences privées de Jules Lodi Emongo, de ses amis et clients ne verra donc plus le jour.
J.N.