Médiocrité et légèreté
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La brillance et le sérieux ont-ils quitté la RD Congo ? Comment, dans un si grand et riche pays de plus de soixante-dix millions d’habitants, les médiocres et les voyous tiennent-ils le pompon et ont-ils occupé le terrain médiatique ? Par quel processus des goujats et des gens peu doués sont-ils parvenus à prendre le dessus sur les meilleurs et sur les personnes bien élevées, et à leur ravir la parole publique ? Chacun le constate. On s’en plaint. Le pays en pâtit : les performances se raréfient – très peu de Congolais ont obtenu des prix internationaux d’excellence ces dernières décennies – et, dans divers domaines, le Congo est aujourd’hui en queue du marathon. Son “émergence” à l’horizon 2030, béatement chantée par le pouvoir, pourrait, avec l’actuelle courbe socio-économique descendante, ne pas être au rendez-vous.
Voulez-vous vous convaincre de la médiocrité ambiante dans le pays ? Des faits illustratifs sont nombreux. On en trouve notamment dans le domaine médiatique. Un petit exercice : prenez le boîtier de votre télécommande. Mettez-vous à zapper et commencer par quelques chaînes étrangères francophones, européennes et d’Afrique de l’Ouest. Suivez-y quelques émissions. Puis terminez en vous branchant sur quelques télévisions congolaises. Le contraste est saisissant. Dans les premières, on voit une présentation diversifiée des faits, l’information fouillée, la primauté de la narration des faits sur le commentaire, la pluralité des opinions et des témoignages, le principe du contradictoire, le systématique droit de réplique – non monnayé – accordé à l’opposition après toute importante déclaration faite par ceux qui sont au pouvoir, le recours permanent aux spécialistes pour expliquer l’actualité, une bonne préparation des émissions, la liberté de ton, l’esprit critique et l’indépendance des journalistes qui par ailleurs font preuve de compétence (bonne maîtrise des thèmes des émissions) et d’un bon parler, lesquels mettent l’intérêt général au-dessus de tout,…
Dans les secondes, les congolaises, on est consterné par une présentation très orientée de quelques faits, l’escamotage de certains autres bien que faisant l’actualité – réalité courante à la Rtnc -, une large place donnée aux commentaires qui ne sont pas toujours éclairants (ils sont louangeurs ou malveillants), des journalistes inquisiteurs quand ils ne sont pas propagandistes parce que politiquement engagés ou financièrement “coupés”, l’interdiction d’antenne à certaines opinions et à certaines personnes – aberration journalistique qui amène tout le monde à se doter de son propre moyen de communication (radio ou télévision) -, une ridicule et excessive flatterie des acteurs politiques et économiques culminant à l’idolâtrie, l’incompétence technique des journalistes à quoi s’ajoutent une faible culture générale, une mauvaise diction, une lacunaire connaissance de la langue française et, aussi et tristement, la vulgarité.
Et l’excellence dans le monde politique ? Une denrée qui y est devenue rare. Aujourd’hui, on ne la trouve ni dans la réflexion ni dans l’action ni dans le comportement ni encore moins dans le discours des acteurs politiques. Plus inquiétant, il est né en RDC une race de politiciens comiques – vous les voyez et les écoutez régulièrement à travers les médias -, sinistres amuseurs publics, qui font une rude concurrence à Saï-Saï, à Ngalufar et à tous les autres comédiens professionnels.
Un fatal cocktail d’antivaleurs (la médiocrité, la vénalité, la corruption et l’irresponsabilité) tue à “grand” feu la RDC. Il y a sérieusement à craindre qu’à cette allure, notre pays connaisse le même triste destin de la République d’Haïti, État situé dans le continent américain, indépendant depuis plus de deux cents ans, mais resté à ce jour un pays très pauvre à cause d’une classe politique éternellement médiocre. Comment sauver le Congo ? Qui sauvera le Congo ?
Wina LOKONDO