Le député UNC, Alfred Maisha Bishobibiri, membre de la commission PAJ de l’Assemblée nationale et avocat de son état a créé la sensation en dénonçant un contrat présenté par le gouvernement de la majorité à laquelle appartient son parti politique au motif qu’il ferait perdre à la République 500 millions USD par mois.
Ces révélations fracassantes de l’élu de Bukavu sont survenues au beau milieu d’une campagne de vulgarisation de la nouvelle politique minière du gouvernement en matière d’exportation des produits aurifères.
Depuis quelques semaines, en effet, les performances résultant du contrat conclu entre la RDC et Primera, une entreprise des Emirats arabes unis, étaient à l’ordre du jour des débats. Il avait permis l’exportation, en deux semestres, de près de 3.000 kg d’or, contre moins de 30 kg par an au cours de toutes les années précédentes.
Le député Maisha n’a pas attendu la fin des vacances parlementaires en cours pour lancer son attaque au vitriol contre l’exécutif. Il a, en effet, annoncé avec force publicité, le 23 août 2023, une question orale avec débat adressée à trois membres du gouvernement : Adèle Kayinda, ministre d’Etat, ministre du Portefeuille, Antoinette Nsamba, ministre des Mines et Nicolas Kazadi, ministre des Finances. Il leur reproche la signature d’un accord de joint-venture dans l’exploitation des minerais au Sud-Kivu, Nord-Kivu et Maniema par la société émiratie Primera. Qui ferait perdre au trésor un demi milliard USD par mois pour un gain insignifiant de 20 mille USD.
Selon cet élu du parti du vice-1er ministre en charge de l’Economie Vital Kamerhe, l’accord prévoirait la création de deux sociétés, Primera Gold dans le secteur aurifère, et Primera Metals dans le secteur des Trois T. A son avis, outre qu’à leurs créations, les deux sociétés Primera n’apportent chacune que 20.000 USD au trésor public, elles se voient accorder «un monopole d’exploitation des minerais durant 25 ans au cours desquels le gouvernement engage l’entreprise congolaise Sakima dans un accord de commercialisation des minerais assorti d’un régime fiscal privilégié et de plusieurs exonérations illégales».
S’agissant du Coltan, Primera payerait 3,5 % de la valeur des cargaisons exportées, au lieu des 12% exigés à toutes les autres entreprises congolaises du secteur. Un véritable braquage des minerais congolais selon Maisha qui accuse les trois membres du gouvernement d’avoir violé les textes légaux réglementaires, notamment le Code minier.
Dénonciations mensongères
Les dénonciations d’Alfred Maisha ont ainsi jeté une véritable douche froide sur les statistiques plus qu’optimistes et réjouissantes publiées par les autorités sur Primeira Gold. On y apprend en effet qu’en une année, l’entreprise émiratie a exporté plus de 3.000 kg d’or équivalent à 190 millions USD, grâce notamment à la bancarisation du système d’achat et de vente d’or artisanal. Et qu’elle entendait faire monter sa capacité d’achat et d’exportation à 1.000 kg d’or par mois, a déclaré Joseph Kazibaziba, son directeur général, le week-end dernier.
Cela n’était jamais arrivé auparavant, puisque l’année précédente, c’est en tout et pour tout … 26 kgs d’or qui avaient été officiellement exportés par la République Démocratique du Congo, selon les propos du ministre des Finances Nicolas Kazadi.
Lundi 28 août 2023 au cours du briefing de presse habituellement animé au ministère de la Communication, l’argentier national, flanqué du directeur de cabinet adjoint du président de la République chargé des questions économiques et financières André Wameso, est revenu à la charge pour répliquer au député UNC. Et accessoirement, au Dr. Denis Mukwege qui, quelques jours auparavant, avait sauté sur l’occasion pour critiquer sévèrement le contrat Primera ainsi que les acteurs gouvernementaux à l’origine de sa signature.
Il en ressort que les détracteurs de ce contrat ne sont pas aussi patriotes qu’on aurait pu le croire. On appris en effet qu’en sa qualité d’avocat, Alfred Maisha compte parmi ses clients, des entreprises évoluant dans le secteur aurifère, concurrentes de Primera donc, et de surcroit soupçonnées d’activités illicites en RDC, selon les révélations du ministre Kazadi. Il y a donc un conflit d’intérêt manifeste étant donné que l’élu UNC avait endossé sa casquette de député national pour défendre plutôt les intérêts privés de ses clients étrangers.
Des sources parlementaires interrogées par Le Maximum renseignent, par ailleurs, qu’en la matière, ce natif de Kihoza n’en serait pas à son premier coup d’essai. «C’est lui qui, en novembre dernier, s’était déjà illustré dans l’hémicycle par une question orale téméraire et jugée en définitive sans fondement adressée à Mme Adèle Kayinda, ministre du Portefeuille sur l’accord signé entre Sakima et la société rwandaise Dither LTD.
«Le problème que posent certaines dénonciations de ce collègue, c’est qu’on ne sait pas très bien s’il le fait en tant que député ou avocat», s’interroge un élu de la majorité qui a requis l’anonymat.
Réplique gouvernementale
Les éléments d’information apportés par Nicolas Kazadi et André Wameso ont révélé la nature réelle des motivations de Maître Alfred Maisha : comme nombre de ses congénères dans les régions extrêmement infiltrées de l’Est rd congolais, l’homme paraît rien moins que comme un avocat du diable.
Dans le dossier Primera, Maisha a en effet tenté d’induire l’opinion publique en erreur et de semer la confusion dans les esprits en stigmatisant le montant de 20.000 USD versés à l’Etat congolais par Primera comparativement aux profits à tirer de l’exportation de l’or produit. Selon les explications de l’économiste André Wameso, cette somme ne représente en fait que la caution exigée aux deux sociétés émiraties pour leur constitution conformément au droit positif congolais. «Pour être autorisé à racheter et exporter 3.000 kg d’or d’exploitants artisanaux congolais en moins d’un an, ce sont plutôt 950 millions USD que Primera a dû payer», explique-t-il. Avant de préciser que pour l’année fiscale suivante, ce sont quelques 1 milliard 500 millions USD qui seront investis par les émiratis pour accroître la quantité d’or congolais à exporter.
Les dénonciations de l’avocat de Congo Com, une entreprise du secteur aurifère du reste poursuivie pour minoration des quantités des produits aurifères exportés, étaient tout simplement mensongères. Parce qu’il n’y a jamais eu ni avantages fiscaux illégaux, et encore moins une quelconque exclusivité ou monopole accordé aux émirati.
Au point de vue fiscal, Primera a bénéficié de la baisse du taux à 0,5 %, décidée par le gouvernement pour la partie Est de la République pour des raisons évidentes de compétitivité régionale compte tenu des taux appliqués par les pays voisins, notamment le Rwanda et l’Ouganda, principaux exportateurs des minerais frauduleusement transférés à partir des provinces des Kivu, du Maniema et Orientale. C’est cette baisse drastique qui explique l’explosion des exportations d’or par Primera Gold, selon Nicolas Kazadi.
De fait, entre janvier et novembre 2022, le Rwanda a exporté pour 683 millions USD de minerais, soit une hausse de 52 % par rapport à la même période en 2021, se vantait encore, le 16 août 2023, le quotidien The New Times paraissant à Kigali sur base des données de la Banque centrale du Rwanda. Ce média indiquait en outre que les recettes générées par les exportations des 3 T avaient augmenté de 42 % pendant la même période.
Et que l’or restait le principal contributeur aux recettes d’exportation du secteur minier de ce pays agresseur de la RDC avec des revenus de 488 millions USD entre janvier et novembre 2022.
Ni avantages fiscaux ni exonérations illégales
Quant aux exonérations accordées aux émiratis, elles sont conformes au code des investissements et se justifient par leurs apports à l’économie congolaise, notamment la construction ou la réfection de deux aéroports dans la région, la construction de routes, ainsi que celle d’une usine de traitement d’or, selon André Wameso.
On ne peut non plus évoquer quelque monopole que ce soit accordé à Primera car, selon l’économiste en chef de la présidence, seulement 14 des 46 permis miniers de Sakima sont concernés par l’accord de joint-venture avec Primera.
Le député-avocat a également volontairement occulté le décret-loi prévu dans le contrat de joint-venture entre la partie rd congolaise et la partie émiratie. Il prévoit la création d’un centre de commercialisation et d’exportation qui sera une entité exclusivement congolaise. «L’Etat congolais a la possibilité d’en confier la gestion à qui il veut, moyennant évaluation annuelle de la performance», a expliqué le ministre des Finances sur le plateau de la télévision nationale, lundi 28 août. Le contrat Primera traduit une stratégie de très haut niveau pour récupérer la souveraineté économique de la RDC et pour lutter contre un des facteurs qui expliquent la récurrence des conflits armés à l’Est du territoire nationale, selon Nicolas Kazadi.
Les contours de la stratégie de lynchage médiatique adoptée par Alfred Maisha laissent transparaître un appui aux pillages et exportations frauduleuses des minerais congolais vers des pays voisins qui entretiennent l’insécurité à l’Est de la RDC. Une illustration flagrante de la duplicité, voire, la complicité, de certaines élites locales à prendre en compte dans l’étiologie des interminables tragédies imposées aux populations de l’Est du pays.
J.N. AVEC LE MAXIMUM